t l C H A S
Du limier pour le faitglier.
Il eft important d’avoir des limiers bien dreffes
pour la chaffe du fanglier ; mais il faut un foin particulier
& beaucoup de patience pour les dreffer. Ce
n’eft pas qu’il foit difficile de faire vouloir d abord
à un jeune limier des voies du fanglier ; mais fou-
vent il fe rebute , à caufe du fentiment de cet animal
, & il refufe de fuivre. Pour l’accoutumer, il
faut'le mener fouvent dans le bois par un tems de
beau revoir, & le faire aller devant, comme on 1 a
d i t , en parlant de la chaffe du ce rf, & lotfqu on
revoit du fanglier, en remontrer au jeûne limier &
l’engager en même-tems à fuivre ; s il refufe, il fant
toujours tenir les voies , ne point perdre de vûe le
fanglier, tâcher même de le lancer, & le fuivre enfin
jufqu’à fa bauge, animer le jeune limier de la
voix & le flatter pour lui en faire vouloir ; il ne faut
point fe laffer de répéter fouvent ce même exercice ;
car ce ne fera qu’après des inftruftions plufieurs fois
réitérées qu’on en viendra à bout.
L’é té , lorfque le fanglier donne aux blés & autres
grains, il fera bon de faire fuivre le limier fur
les bords de la forêt. On peut aufli aller aux marres
; les layes avec les marcaflins, & meme les
grands fangliers ne manquent pas^ d’y donner dans
cette faifon. Lorfqu’on aura revu de leurs traces,
& que l’on verra le limier fe rabattre, il faudra lui
faire emporter les voies, toujours en le careffant,
enfuite lancer le fanglier, le fuivre jufqu’au premier
chemin , & là le brifer. Il faut prendre après
cela les devans par un endroit ou il ait paffe : rien
n’apprend mieux au limier à fe rabbatre ; car le fanglier
allant de bon tems, fi l’on prend les devans de
cent pas en cent pas, le limier fe rabbattra fur les
traces, & cela commencera à le former, le chien en
veut alors de plus en plus, fes craintes diminuent,
& peu à peu il s’accoutume au fentiment du fanglier.
De la quête du fanglier.
Au jour marqué pour la chaffe, le commandant de
l’équipage diftribue les quêtes aux piqueurs & aux
valets de limiers. Chacun va prendre la fienne au
lieu qui lui eft indiqué dans le bois, & y telle juf-
qu’à ce qu’il foit néceffaire de fe rendre au lieu de
l’affemblée. Si un veneur avoit rencontré un fanglier
le jour précédent, il eft de l ’ordre de la chaffe
qu’il retourne dans le même endroit pour tâcher de
détourner le fanglier dont il a eu le premier con-
noiffance. C ’eft un droit qui lui appartient ; cela
fuppofe cependant que le veneur ait acquis affez
d’expérience pour qu’on puiffe s’en repofer fur lui ;
car autrement il feroit à propos , ( & ce ne feroit
pas lui faire tort ) de le faire accompagner par un
autre plus habile pour fuivre enfemble la quête du
premier.
Les jeunes veneurs, au jour de la chaffe, fe trouveront
aux bords de leurs quêtes avant le lever du
foleil, afin de fe mettre bien au fait de la forêt ou
du buiffon où ils doivent chaffer. Ils doivent aufli
faire une attention particulière à la faifon dans laquelle
on fe trouve ; parce que dans le tems des
grains les fangliers s’approchent aux bords des bois
du côté qu’il y a des grains, & quand ils en ont une
fois goûté, ils ne manquent pas d’y donner toutes
les nuits, ce qui* fournit aux veneurs une belle oc-
cafion de prendre les devans pour les pourfuivre &
les détourner. De plus, comme cette nourriture
échauffé extrêmement ces animaux, ils fe retirent
dans les marais pour y boire &'s’y rafraîchir, ainfi
il eft immanquable d’en rencontrer dans ces deux
endroits qu’ils n’abandonnent que très-rarement.
En automne les fangliers fe jettent dans les vignes
& font un grand dégât de raifins ; & lorfque les
vendanges font faites , ne trouvant plus rien dans
les vignes, ils fe retirent dans les forêts, où le gland
ne leur manque point jufqu’à la fin de Novembre ;
ils vont même aux noifetiers, & ils mangent des
noifettes autant qu’ils en peuvent trouver ; s’il y a
des hautes-futaies dans le voifinage, ils ne manquent
pas d’y faire leur nuit ; ce font-là les endroits
où l’on peut en rencontrer plus sûrement, & c eft
aufli où ils font une réfiftance plus vigoureufe , la
chaleur de la nourriture leur donnant une force extraordinaire
& une fureur dont les chiens & les piqueurs
mêmes fe reffentent fouvent ; quelquefois
même ces animaux ne fe contentent pas de fe défendre
, ils viennent à la charge fur les chaffeurs , oC
font du carnage. .
Lorfque les fangliers ne trouvent pas de quoi le
nourrir dans un endroit, ils paffent aufli-tôt dans
un autre pour en chercher. En hiver ils n’ont point
d’autres retraites que les forts , les grandes fougères
ou les buiffons les plus épais ; ainfi les veneurs
ne peuvent manquer d’en rencontrer dans
cette faifon : il y a cependant quelques précautions
à prendre pour ne point faire de démarchés inutiles.
II faut d’abord faire toujours marcher fon limier devant
fo i , tant au long des chemins que fur le bord
des bois, & lui parler toujours à propos pour l’animer
& pour l’inftruire. Voici les termes dont on
fe fert ordinairement : va outre mon valet, hau ri-
gaut, hou hou , veleci mon petit.
Si le chien met le nés à une coulée & qu’il faffe
mine de vouloir fe rabattre, il faut prendre garde
que ce ne foit fur les traces de quelque renard, dont
les jeunes chiens aiment beaucoup le fentiment : lors
donc que le limier fe rabat fur les traces de quelque
Bête noire , & que l’on en revo it, on lui dit : qui
rigaut efl-ce là ? après l'ami, après veleci aller, veleci
il dit vrai.
Si on fe trouve à la fuite d’un fanglier, il faut tâcher
de fuivre & de faire tenir les voies au limier
j ufqu’à l’entrée des forts où le veneur ne doit pas
s’engager, de crainte de le lancer , mais lorfque
le fanglier va de bon tems il eft à propos de le bri— !
fer au bord du fort & de fe retirer pour prendre les
devans. Si le limier ne peut emporter les voies,
parce que le fanglier v a de trop hautes-erres , le
veneur prendra de grands devans, afin d en rencontrer
des voies qui aillent de meilleur tems ; car
bien fouvent les fangliers font beaucoup de 'pays ,
& vont faire leur nuit loin de ces endroits l à ;
c’eft pourquoi on ne peut être trop attentif à
tous leurs mouvemens , pour agir félon les con-
noiffances que l’on en prendra, & éviter les mé-
prifes.
Il f è des fangliers qui ne s’éloignent pas beaucoup
des grands forts durant l’été ; en ce cas le veneur ne
doit pas pouffer les voies bien loin au rembuche-
ment ; car s’ils avoient le moindre vent du chien ,
ils fuiroient peut-être bien loin & y demeureroient.
Lorfque les voies vont de hautes-erres, & que le v eneur
en rencontre tard, il doit aider a fon limier
à trouver la bête entrée dans le fort. Il faut fa-
voir adroitement découvrir fa demeure & juger de
quel côté la hure peut être tournée, alors le veneur
prendra avec fon limier les chemins les plus couverts
pour le trouver entré dans l’endroit, car autrement
le limier pourroit fur-aller les voies.
Il eft important de bien obferver les traces du fanglier
, afin de juger fi c’eft un ragot ou un vieux fanglier.
J’ai parlé ci-deffus des marques qui les diftin-
guent. Si l’on juge que ce foit une la y e , il faut fa-
voir combien elle a avec elle de marcaflins ou de bêtes
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tes de compagnie, afin d’en fairetan rapport exaét à
l’affemblée.
J’obferverai ici que dans les hautes futaies, où il
y a bien des houx & des fougères, les fangliers demeurent
bien fouvent dans ces fougères où ils font
leur nuit ; c’eft aux veneurs à prendre garde s’ils y
voyent entrer le fanglier ou des bêtes de compagnie.
11 ne faut pas les approcher à mauvais v en t , mais
les brifer de loin, & prendre les devans de tous côtés.
Si le limier n’en rencontre point dès la première
fois que l’on prend les devans>il faut les reprendre
une fécondé fois, mais beaucoup plus près de
l’endroit où l’on foupçonne le fanglier. Si le limier
va bien aux brifées, il eft hors de doute que le fanglier
eft encore dans le lieu de fa retraite ; l’on peut
alors en toute sûreté en faire fon rapport. Pour peu
que l’on obferve tout, ce qu’on a marqué, le rapport
ne peut manquer d’être fidele, & on ne fera pas le
fanglier autre qu’il n’eft.
Des relais, du laijfer courre , & c .
Aufli-tôt que le veneur aura fait fon rapport, il
fe préparera pour la chaffe & fe rendra d’abord
dans l’endroit où font les chiens pour faire la fépara-
tion de fa meute,. Il enverra les relais aux endroits
ordinaires où fe font les refuites du fanglier, pour
en être fecouru dans l’occafion ; car il eft important
d’être bien relayé. Le capitaine de l’équipage
fera marcher les chiens de meute à la tête defquels
fe mettra celui qui aura fait le rapport, parce que
c ’eft à fes brifées que l’on v a ; c’eft toujours à ce
dernier à remontrer du fanglier à ceux qui piquent à
la queue des chiens, afin de pouvoir le reconnoître,
ce qui quelquefois ne fe fait pas fans de grandes difficultés
; car fouvent le fanglier eft accompagné
d’une laye ou de quelque bête de compagnie : quelquefois
même il y a dans la bauge plufieurs fangliers
avec celui dont on a remontré d’abord; ils y relient
enfemble quelque tems, & lorfque les chiens en approchent
, ils partent tous de compagnie, & le fanglier
de meute donne ainfi le change aux chiens. En
ce ca s , il eft neceffaire que les piqueurs en revoyent
aux brifées, & qu’iis regardent fouvent à terre en le
faifant chaffer.
Lors donc que les piqueurs auront bien revû par
les traces , fi c’eft un ragot, un vieux fanglier, ou
une laye , celui qui laiffe courre tiendra le trait de
fon limier tout déployé, Ôc mettra fon chien fur les
voies aux brifées ; il avancera de dix pas dans ces
vo ie s , & s’y arrêtant de pié ferme , il criera à fon
limier, hau valet hauva , la rigaut après après , hau
hau : il aura foin de laiffer un peu tâter de la voie
au limier, enfuite il le fera appuyer fur le trait &
le fera fuivre, & lorfqu’il reverra des traces de la
bête, il criera à haute voix : veleci aller avant veleci
aller, après après valet.
Comme il peut arriver que le fanglier tourne en
vermillant dans le fort, quelquefois même près de
l’endroit où il veut fe mettre à la bauge ( ce qui peut
faire perdre les voies au limier), il faut le faire revenir
pour les rechercher en prenant de petits devans
, en lui criant, hourva, hourva hau l'ami va outre.
Il eft bon aufli de le faire aller devant, pour tâcher
de lui faire retrouver les voies, en lui difant,
hau rigaut hourva hourva,veleci mon/»ewr.Lorfqu’on le
voit retomber fur les voies , il faut lui crier : après
mon valet, après hou hou. Enfin dès que le piqueur en
aura revû, il criera aufli-tôt, veleci aller, veleci aller:
il répétera fouvent ces termes & fuivra jufqu’à
ce cjue le fanglier foit lancé. Si le limier menoit juf-
qu à la bauge,aufli-tôt que le veneur le verroit partir,
il crieroit, velelau, veleci aller, veleci aller, & tout de
fuite il appelleroit les chiens au fon de la trompe ;
s S E S. n
Iorfcju’ils feront arrivés avec les piqüeufS, Celui qui a
laiffe courre,fonnera pour faire découpler les chiens;
alors tous les piqueurs fonneront aufli & piqueront
à la queue des chiens, il les tiendront le plus près
qu’ils pourront fans appréhender de paffer par les
grands forts , ils leur crieront fouvent : hou, hou9
veleci alle[, il dit vrai veleci alle^, & ils ne cefferont
de fonner pour chiens , de même qu’à la chaffe du
ce rf& du chevreuil ; car il n’y a aucune différence.
Quant au defaut , lorfque les chiens feront bien
ameutes, il faut continuer de fonner encore quelque
tems, & enfuite crier aux chiens fans relâche, afin
de faire peur au fanglier & l’empêcher par ce moyen
de tenir contre les chiens ; car autant qu’il en attrape
, autant il en eftropie : c’eft pourquoi il faut toujours
les accompagner & leur crier, hau mirant, àfuit
la chien ,fuit la haha, & lorfqu’on voit paffer le fanglier,
on crie comme on a dit ci-deffus, velelau., & c .
. La chaffe du fanglier peut durer plus ou moins de
tems félon la qualité du fanglier que l’on courre;
car fi c ’eft une bête de compagnie, elle pourra faire
durer la chaffe fix ou fept heures, parce qu’étant
pourfuivie, elle fe mêlera avec toutes les bêtes
qu’elle rencontrera, ce qui eft très - embarraffant
pour les veneurs & pour les chiens qui ont alors
plus de peine à en reconnoître : d’ailleurs, les bêtes
de compagnie étant fortes & peu pefantes, elles font
en état de faire bien du pays. Il n’en eft pas de mémo
d’un grand fanglier; fa pefanteur lui eft nuifible, il
fe fait toujours chaffer de près, & les chiens ne le
perdent guères de vue ,-ce qui fait qu’on en vient
à bout dans l’efpace d’environ deux heures. De
plus, il ne fait point de grands retours, comme les
cerfs & les chevreuils, mais feulement un retour
à droite ou a gauche, & il fe replie toujours du côté
où il veut percer. Quelquefois il va de l’extrémité
d’une forêt à l’autre ; d’autre fois' il va battre de
grands forts pour chercher à s’accompagner d’autres
bêtes, afin de donner le change; ce qui étonne
fouvent les chiens, mais il y en a toujours parmi
eux qui font fermes dans la voie : ceux-ci ne manquent
point de montrer le change, & quoique le
fanglier parte du fort en compagnie, ils refufent
de chaffer d’autres bêtes que la leur. Les piqueurs,
dans ces circonftances doivent fe conduire très-
prudemment & fe donner de garde de trop exciter
leurs chiens, lorfqu’ils reconnoiffent qu’ils remontrent
bien.
Lorfque le fanglier fe fent pouffé aux dernieres
extrémités, il ne fait plus que tourner, cherchant
toujours à fe mêler avec quelques bêtes de compagnie.
Lorfqu’on l’en fépare, il va battre un autre
pays, cherchant toujours à s’accompagner, mais
ce n’eft que d’une façon affez languiffante, parce
que fa pefanteur l’accable à la fin; Ôc il s’échauffe,
au point que, lorfqu’il rencontre quelque marre,
|| s’y jette avec ardeur pour s’y rafraîchir. Si par
hafàîd il ne rencontre point d’eau, l’extrême chaleur
l’appefantit, &c le met hors d’état de courre ;
aloïs il le laiffe aboyer de près, & au lieu de chercher
à fuir, il fait face aux chiens & leur tient tête
avec une extrême fureur, il fe jette même deffus &
les bleffe. C’eft dans cette occafion que les piqueurs
doivent appuyer les chiens & tâcher de faire repartir
le fanglier, afin de ménager la vie des chiens.
Il eft bon même d’empêcher que les chiens n’en
approchent de trop près, parce que lorfqu’il eft fur
fes fins, il ne fait plus que tournoyer, préfentant
fa hure à tout ce qui l’approche. C ’eft alors que l’on
peut fe fervir du couteau & le lui plonger dans le
corps, comme il eft repréfenté dans la'vignette,
PI. IV. Mais il faut que le veneur qui lui fert le
coup, foit affez alerte, pour s’efquiver à l’inftant
d’un autre çôté , parce que cet animal tourne tou-
D