
l’exemple remarquable de deux animaux semblables, vivant l’un dans l’Océan atlantique
au 43° ou 44° L. B., l’autre dans la mer des Indes sous l’équateur. Les
naturalistes de l’époque actuelle pourront peut-être présumer de ce fait seul que. ces
animaux, tout en appartenant au même genre, sont néanmoins d’espèces différentes.
L’inspection des figures de clusius et de de laet confirme cette opinion. Nous reviendrons
sur ce point dans le troisième Chapitre.
O laijs wormius (1) a donné plus tard une courte description tirée en grande partie
de l’ouvrage de de laet et accompagnée d’une copié des figures de celui-ci, quoiqu’il
ait eu sous les yeux un autre exemplaire de l’animal dont la queue n’avait pas de
dentelures à l’arête supérieure et était plus courte que le corps. Il n’indique pas
l’origine de son specimen, mais il raconte qu’on avait trouvé un de ces animaux
vivant à Elseneur en 1653, qui fut peut-être apporté par un des vaisseaux hollandais
revenant des Indes orientales, qui entrèrent dans la rade de cette ville (2). W ormius
cite aussi clusius, et corrige l’erreur que celui-ci avait commise dans sa description,
en prenant la queue pour une corne attachée au bord antérieur du corps.
• Je passerai sous silence quelques auteurs qui se présentent dans l’ordre chronologique,
mais qui n’ont fait qu’indiquer dans leur énumération d’objets d’histoire naturelle
le crustacé qui nous occupe, ou qui se sont bornés à copier clusius et de laet.
Tel est par exemple oligerus jacobaeus, Professeur à Copenhague. Il fait mention
d’un Cancer Moluccanus dans le Catalogue du Musée de Christian V, Roi de Dane-
màrck (3). Il faut peut-être excepter de ceux-ci martin ber nh a rd i, médecin du Roi
de Pologne, lequel, sans rien ajouter à ce qu’on savait déjà, a donné une grande
figure gravée du Cancer Moluccanus, vu de dessous sans la queue; dans cette figure
les pieds du céphalothorax et les pieds natatoires de l’abdomen, sont mieux rendus
que dans celle du Limule dans le livre de de laet et même plus correctement que
dans beaucoup de figures bien plus récentes. Les épines mobiles manquent à la
seconde partie du test (4).
Parmi les auteurs du dix-huitième siècle, nous devons premièrement citer george
everard rumphiüs qui a consigné dans son Cabinet d'Amboine deux grandes figures gravées
(1) Museum Wormianum. L. B. 1655 folio p. 249.
(2) Quamquam Molucanus dicilur eo quod circa insulas Molucas capiatur, attamen Ànno J653, dieÀugusti 4 ,
cjus generis vivus apud nos ffelsingorae caplus est , et ad Virum Mobilise. D, Georgium Rozencranlz, supre-
mum Tkesauriarium Regium detains, qui mihi nupere extinctum monstrabat. S i quidem eodem tempore hue
appulerunt qumque naves Bélgiçae ex India Orientait reduces, suspicio erat cum quisquiliis navibus adhaeren-
tibus implicilum, hue delatum fuisse. ” C’est Panique exemple où il soit fait mention d’un Limule observé vivant
sur les côtes de l’Ëurope. Il serait curieux de savoir si l’espèce était celle de clusius ou bien de de laet , car il se
pourrait bien que l’animal eut été apporté par la mer des côtes de l’Amérique.
(3) Museum Regium seu Catalogus Rerum tam naturalium quam artificalium descriplus ab oligbro jacobaeo,
Med. et Phil. Prof. Regio. Hafniae 1696 p. 17.
Parmi ceux qui n’ont fait que citer ou copier clusius , DE LAET et WORMIUS on doit aussi placer P. j. SACHS dans sa
Gammarologia. Francofurti et Lipsiae 1665. 8° p. 1 1 3 , 114.
(4) Miscellanea curiosa medico-pkysica Àcademiae Nat. Curiosor. Ann. 1671. Observ. 102 p. 176,
j. jonston a donné aussi deux figures assez bonnes, mais réduites, du Limule des Moluques. Hisloriae naluralis de
Exanguibus Àquaticis Libri IV . Amstelodami 1657. folio. Tab. VII. Ce sont les premières figures en cuivre qui
aient été publiées de ce genre de Crustacé.
et une description détaillée du Limule des Moluques (1). Il le nomme Cancer perversus
et dit que les Malais lui donnent le nom de Balanças. Il décrit la position des oeufs
dans le test antérieur dont les Malais préparent un mets agréable. Sur le rivage on
les voit communément aller deux à deux; la femelle, qui est plus grande porte le
mâle sur son dos. Pour se défendre ils redressent la queue dont on redoute la
pointe. Dans les figures de rumphius les trois épines postérieures de la seconde pièce
du test sont courtes et grosses, ce qui ne se voit pas dans les figures qu’on avait
publiées avant lui. Les pattes de la dernière paire du céphalothorax ou de la première
partie du test sont mal rendues.
H ans slo a n e , président de la société royale de Londres, dit que notre Crustacé se
trouve quelquefois à la Jamaïque ainsi qu’aux petites Antilles. Comme il cite clusius
et rhumphios conjointement avec de la e t , il ne paraît pas se douter que l’espèce des
mers d’Amérique fût différente de celle des Moluques (2).
On apprit ensuite par le médecin engelbert ka em p f er , voyageur au Japon, qu’il
éxiste aussi une espèce de Limule dans la mer de cette partie du monde. Il n’en dit
que peu de mots et tombe dans la même erreur que clusius: il prend la queue pour
une corne attachée à la tête. Les Japonais appellent ce Crustacé Kabutogani ou
In k iu , et kaempfer en donne une figure grossière sous le premier nom, faite d’après
un dessin Japonais (3).
Quelques années après, l’infatigable observateur j . c. schaeffer trouva le Crustacé
des eaux boueuses et stagnantes d’Europe, que k lein et fr isch avaient décrit imparfaitement
avant lui. C’est VApus cancriformis de sc h a e f fe r , qu’il fit connaître avec
des détails minutieux, ainsi qu’une autre espèce qui est le Monoculus Apus de linnaeus,
dans une excellente monographie (4). Croyant qu’il y. avait la plus grande affinité
entre ce genre de Crustacés et celui des Limules, il parla aussi de ceux-ci en copiant
surtout rumphius; cependant il indique mieux les branchies (5) et donna deux
nouvelles figures du Limule des Moluques vu en dessus et en dessous. Les dents du
bord du second bouclier étant détruites dans les individus qu’il avait sous les yeux,
il a pris les enfoncements qui. en occupaient la place, pour des espèces de stigmates,
et il critique les figures publiées avant lui où ces dispositions ne sont pas indiquées (6).
Nous voici parvenus à l’immortel auteur du Systema naturae. Dans ses premières
éditions linnaeus n’a fait aucune mention du Limule (7). Ce n’est que dans la
(1) Âmboinsche Rariteitkamer I»‘e Boek Tab. XII. Il y a plusieurs éditions de cet ouvrage in fo l., dont la première
(Amsterdam 1705) est préférable aux suivantes, à-cause de la beauté des planches.-
(2) H. sloane, Voayge to the Islands Madeira , Barbados, Nieves, St. Christophers and Jamaica. London
1707— 1725. 2 Vol. in fo l. I I . p. 270.
(3) Beschriftung van Japan door Engelbert kaempfer. Amsterdam, 1733. folio, p. 100. Tab, XII. f. 8, C’est
unè traduction d’après l’édition anglaise, donnée par scheuchzer; Londres, 1727. Le texte original allemand a été
imprimé pour la première fois à Lemgo 1 7 7 7 , en 2 Vol. in 4e.
(4) J. c . schaeffer Der krebsartige Kiefenfuss. Nebst sieben Kupfertafeln mit Figuren in Farben. Regensburg
1756. 4°.
(5) Pag. 133.
(6) Tab. VII. fig. IV. V. e e e e : die zwischen diesen Seitenstacheln sich befindenden Oefnungen, welche
Luftlöchern ähnlich sehen , und die bey allen andern Kupferstichen, so davon vorhanden, unangemerkt geblieben
sind.
(7) Des treize éditions du Systema naturae je possède la première, la septième, la neuvième, la dixième la dou