
es exemplaires que nous en ayons vus paraissent être tous des femelles à en juger
par les pieds; mais comme tous ces exemplaires étaient secs, nous ne saurions assurer
si ce sont réellement des femelles, et il se peut fort bien que la différence sexuelle
des pattes n’existe pas encore dans le jeune âge. Peut-être pourrait-on rapporter à
ces Limules le L. tridentatus de leach qu’il caractérise en ces termes: »Queue trian-
»gulaire, serndèe, trois dents ‘placées dans Véchancrure terminale de la dernière
»pièce du test.” Il en ignore l’origine, mais nous apprend qu’on le voit au Muséum
Britannique (1). Le Muséum des Pays-Bas ayant reçu aussi du Japon de pareils
Limules, dont quelques uns plus grands (2), il se pourrait bien que ces animaux ne
fussent que les petits de notre L. longispina; dans ce cas il faut supposer, que non
seulement les pattes monodactyles, mais aussi la forme trilobée du premier bouclier
n’existent pas encore dans le jeune âge, à moins qu’on n’aime mieux admettre'que
tous ces exemplaires sont des femelles, ce qui nous parait être fort peu présumable
d’après le grand nombre de ces individus que le Muséum possède.
§ 2. Sur la place que doit occuper le genre Limule dans la grande
division des animauoc articulés.
Les animaux articulés, à pieds articulés, que linnaeus réunissait dans une seule
classe, celle des insectes, ont été distribués par les auteurs de notre époque en trois
ou quatre classes, quelques-uns séparant les Myriapodes, que la plupart laissent avec
les insectes proprement dits, tandis que quelques autres les réunissent aux Arachnides.
C’est dans la classe des Crustacés que doit être placé le genre des Limules, selon
l’opinion presque générale des naturalistes contemporains. Une opinion différente a
été proposée par M. straus dürckheim, naturaliste célèbre, et dont le nom m’est bien
cher, à cause de la bonté avec laquelle il a bien voulu m’aider de ses conseils au
commencement de ma carrière scientifique. Cet excellent observateur est une autorité
trop respectable, pour que nous puissions passer sous silence ce qu’il a publié
au sujet de la place naturelle du Limule.
Bans un mémoire sur l’anatomie comparée des Arachnides, lu à l’Institut de
France le 1 Juin 1829, et dont j ’ai pris connaissance par la traduction française de
l’anatomie comparée de J . f r . meckel qui en contient un extrait (3), M. straus caractérise
la classe des Arachnides par la disposition des pattes arrangées en cercle autour d’un
sternum cartilagineux intérieur et par l’absence d’antennes. On voit que tous ces
(1) Dictionn. des Sciences nat. XIV. p. 537.
(2) Chez un de ces exemplaires j ’ai trouvé le premier bouclier long de 0 ,0 5 5 , Je second de 0,044 et le stylet caudal
de 0,108. Voyez PI. V. fig. 3.
(3) Traité général d? Anatomie comparée -par j< F. meckel , traduit de l'allemand p a r jr. RIESTER et A. sanson»
Paris, Tom. VI. 1830 p. 497 et suiv.
traits d’organisation sont réunis chez les Limules, et que ces animaux doivent être
placés dans une classe établie sur ces caractères. Telle est aussi l’opinion de M. straus,
et il comprend le genre Limule dans sa classe des Arachnides, comme formant à lui
seul un ordre sous lé nom de Gnathopodes.
Les autres naturalistes ont pris pour principal caractère des Crustacés l’appareil
respiratoire. G’est par leurs branchies que se distinguent les Crustacés des autres
Condylopodes dans le système de latreille et de M. milne edwards. Mais dans les
Scorpions et les Araignées il existe un appareil respiratoire, auquel l’illustre trevi-
ranus a donné le nom de branchies (1). Cette circonstance m’avait donné la pensée
de proposer, il y a dix-huit ans, pour sujet de thèse à un de mes amis qui étudiait
alors avec moi à Leyde, que les Arachnides nommées pulmonaires par les auteurs
français approchent plus des Crustacés que des Arachnides trachéennes. Je pense cependant
à présent que les poches respiratoires des Scorpions et des Araignées, recevant
dans leur intérieur l’élément ambiant qui doit être respiré, méritent véritablement
le nom de poumons, qui leur a été donné par cu v ier et l a t r e il l e , puisque dans les branchies
ce même élément ne parvient qu’à la surface extérieure de l’appareil respiratoire.
Par conséquent si les branchies sont pour nous le principal caractère des Crustacés,
il n’y a pas de doute qu’il faut ranger les Limules parmi ces animaux, dont les organes
respiratoires méritent sans aucun doute le nom de branchies. Mais ce n’est pas d’après
un seul caractère que les groupes vraiment naturels se distinguent. U y a encore d’autres
caractères qui éloignent les Limules des Arachnides et qui les rapprochent des
Crustacés. Ainsi la présence d’yeux composés, la position de l’estomac au devant du
céphalothorax, tandis qu’il est contenu dans l’abdomen chez les Arachnides etc., sont
autant de raisons favorables à ce rapprochement. Mais d’un autre côté l’on ne saurait
blâmer ceux qui, suivant la manière de voir de M. straus, fondent leur opinion non
seulement sur la position des pieds, sur la présence de la plaque tendineuse qu’on a
nommée sternum intérieur, sur l’absence d’antennes etc., mais encore sur certaine
analogie qui existe entre les Limules et les Scorpions.
Nous ne saurions nier au reste que les caractères qui distinguent les Crustacés des
Arachnides sont trop incertains, et que les limites entre ces deux classes n’ont pas été
fixées d’une manière assez évidente; pourque la place que le genre Limule doit occuper
dans une méthode naturelle, soit autre chose jusqu’ici qu’une affaire d’opinion. Mais soit
qu’on range les Limules parmi les Crustacés, soit qu’on les mette avec les Arachnides,
ils devront toujours former à eux seuls un ordre distinct qui, dans l’état actuel de nos
connaissances, est éloigné de tous les autres ordres de ces deux classes. G’est en effet bien
gratuitement et seulement d’après une simple ressemblance extérieure, que la plupart
des naturalistes ont placé le genre Apus à côté des Limules. Tout ce que nous savons de
l’anatomie du genre Apus, nous montre assez que ce genre singulier de crustacé d’eau
douce diffère de celui des Limules par plusieurs traits importants de son organisation (2).
(1) Ueher dm innern Bau der Arachnidm. Nürnberg 1 8 1 2 , 4°.
(2) L’on sait qne tons les individus connus du genre Apus paraissent être des femelles. Leur système nerveux diffère
essentiellement de celui des Limules et consiste en deux séries de nombreux ganglions. On pourra consulter sur l’anatomie
du genre Apus, h. H. gaede dans le Zoologisches Magazin de wiedemann I. 1 , 1817. p. 8 7 -9 1 , et m. berthold,
Beiträge zur Anatomie des krebsartigm Kiefmfusses dans Y Isis de M. 'oken pour 1830 p. 6 8 4 -6 9 4 , Tab. VII,