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que l 'homme crée à volonté, et qu'mi concoui'S de circonstances
serait également capable de produire, n'est qu'une variété constante
et héréditairement transmissible , toute la différence entre
l'espèce et la race ne consiste qu'en ce que dans la première cette
transmission se t'ait naturellement et régulièrement, tandis que
dans la seconde elle exige l'intervention plus ou moins prononcée
de l'homme, ou l'influence de certains agents locaux. Or, du
moment où les nioditications qui constituent la race se seront
assez intimement identiiiées avec l'individu qui la représente
pour se transmettre héréditairement et indéfiniment, lors même
que les agents moditicateurs auront cessé leur action directe,
toute différence entre la race et l'espèce aura disparu, et la race
à son tour sera devenue une véritable espèce.
J e n'ai pas besoin de faire observer qu'en émettant l'opinion
que la variabilité limitée des espèces telle que Va admise .11. Isidore
Geolfroy Saint - Hilaire pourrait, à Végard du règne végétal, être
moins limitée qu'à l'égard du règne animal, et que par conséquent la
création de nouvelles espèces végétales serait admissible, même dans
l'état actuel des choses qui offre aux espèces animales toutes les garanties
accjuises de stabilité, cette opinion n'a rien de commun avec
celle de l'école de Lamark, qui applique la théorie de la variabilité
illimitée, non-seulement aux espèces, mais encore aux classes,
théorie si ingénieusement reproduite en ce moment par M. Charles
Darwin dans son remarquable ouvrage 0«. the Origine of species. Au
r e s t e , M. Darwin est un de ces hommes qu'il n'est point permis
de juger détlnitivement, tant qu'il n'a pas dit son dernier mot. Or,
c'est ce qu'il n'a pas encore fait, et c'est ce que tous les naturalistes
attendent avec impatience, car tout ce qui est dfi à un
savant aussi original, aussi consciencieux que l'est M. Darwin, ne
saurait être que profitaljle à la science. Cependant, autant qu'il
est possible d'apprécier l'ensemble de sa théorie d'après le remarquable
volume qu'il a publié, on ne peut pas ne pas admetti'e
comme fort judicieuses les observations émises cà cet égard par
M. Bronn' , ce vénérable doyen des naturalistes, à la couronne
duquel l'Institut de France vient d'ajouter un brillant fleuron.
1. Voy. Neues Jahrbuch für Mineralogie, Geognosie, etc., von K, G. v. Lenntiard
und H. G. Bronn Jahrg. 1860. 1. Heft, p. -1151.
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Quoi qu'il en puisse être de toutes ces hypothèses, que je ne
mentionne que pour ce qu'elles valent, il n'en est pas moins vi'ai
qu'elles se rattachent à des questions d'un immense mtérêt, dont
la géographie botanique seule pourra nous donner un jour la
solution. Mais, j e le répète, elle ne sera capable de réaliser cet
idéal que lorsqu'elle aura élargi considérablement la sphère de
ses observations. Loin de se borner à notre Europe trop uniforme
pour offrir les conditions voulues, elle devra interroger les contrées
des autres parties du monde, parmi lesquelles le continent
asiatique se présente d'une inanière très-avantageuse aux études de
cette nature, et où l'Asie Mineure, nommément, réunit à un degré
remarquable les contrastes climatériques les plus tranchés, ainsi
que j 'ai tâché de le faire ressortir dans la])artie météorologique de
mon ASIE MINEURE, et ainsi qu'on eût pu déjà le pressentir rien
qu'en jetant un coup d'oeil sur le labyrinthe des montagnes qui
sillonnent cette contrée en tous sens, aussi bien que sur les contours
frangés et ramiliés à l'infini de ses lisières littorales, sans
parler de sa position tout exceptionnelle entre deux mers, dont
l'une la place pour ainsi dire sous l'action de la zone torride par
l'intennédiaire de l'Egypte, et l'autre l'expose à l'inlluence de la
région glaciale par l'intermédiaire des immenses plaines de la
Russie.
Ce sont des considérations de cette nature qui, il y a bientôt
vingt ans, m'avaient décidé à choisir la péninsule anatohque
comme point de départ de mes explorations de l'Orient sous le
rapport de la géographie botanique. Je dis point de départ, car
à cette époque je me trouvais encore sous le prestige de la jeunesse
qui ne mesure l'étendue de ses forces que d'après celle de
ses aspirations et de ses rêves généreux; aussi, ce que j'avais
admis comme simple point de départ s'est converti pour moi en
champ clos, que toute mon existence suffira à peine pour parcourir.
J'ai donc dû avant tout délimiter, d'une manière aussi
précise que possible, cette encemte déjà beaucoup trop vaste