à fes grâces naturelles -, ils ne font pas l’efTenee d’une piece
d’écriture, mais ils la font paroître & lui donnent un •
ibrillant qui féduit.
En terminant, je dirai que dans l’exécution des traits,
i l eft important pour que l?oeil ne foit point offufqué,
de lavoir que deux pleins ainfi que deux déliés ne fe coupent
jamais, & que l’on doit éviter le plus qu’on peut,
Je mefq.uin ôc le colifichet. Il eft des occafions où un trait
fini pie frappé avec feu , vaut mieux qu’un autre où la
compofition fe fait fentir.
P L A N C H E X I 11.
Des lettres capitales & des pajfes.
Les lettres capitales qui font auffi nommées majuf-
cules, fe placent toujours au commencement d’un titre
6c de tel ouvrage que ce puilfe être. On les appelle encore
lettres d’apparat, parce qu’étant plus grandes que
toutes les autres, elles font un bel effet, & qu’on peut
les embellir de traits ou de cadeaux. Le grand exercice
de ces lettres donne beaucoup de légéreté à la main, car
comme elles fe font du bras Ôc à la volée , elles accoutument
ce meme bras à ne fe foutenir que fur le bec de
la plume. La grandeur de ces lettres fe réglé fur la grof-
feur du caraétere que l’on trace , c’eft-à-dire que fi le caraétere
eft gros, les majufculcs feront grandes ; fi au contraire
le caractère eft pe tit, les majufeules feront auffi
petites : les traits fe gouvernent fur le même principe.
On doit favoir que toutes les parties qui compofent une
piece d’écriture doivent être proportionnées Ôc faites
les unes pour les autres ; fans cela point de grâce ôc d’harmonie.
Ces lettres fuivent encore le caraétere diftinétif
de chaque écriture, elles font droites Ôc plus ornées
pour la ronde j elles font penchées & fimples pour la
bâtarde. Enfin tout ce que l’on peut dire de plus touchant
ces lettres,c’eft qu’elles demandent du génie & de
l ’adreffé. Du génie, pour les diverfifier fuivant les occafions
*, de l’adreffe, pour les jettér fur le papier dans une
forme gracieufe, Ôc qui annonce un principe.
Sur les lettres capitales.
Les lettres capitales fe mefurent pour l’ordinaire par
les principes mêmes des lettres majeures. Elles ont trois
corps de hauteur, mais le corps de hauteur n’a point de
mefiire fixée par un certain nombre de becs de plume j
il eft plus ou mpins grand, fuivant la grandeur de la lettre.
Les largeurs fe règlent de même. Ceci bien'entendu,
il eft facile en voyant la planche treizième, de diftinguer
toutes les proportions de ces lettres. Elles font enfermées
entre les quatre lignes horifontates A B j ce qui
produit directement les trois corps d’élévation dont je
viens de parler. Les queues n’ont point de longueur fixe ;
elles font plus ou moins grandes, felon que la place ou
le goût le décide. Après ces principes généraux, il faut
diftinguer les lettres qui fe font fiir la première, fécondé
6c troifieme pofitions. On croit avoir rendu cette diftinc-
tion fenfible en plaçant au-deffus de chaque lettre des
chiffres qui défignent ces différentes pofitions. Le chiffre
i . marque la première ; le 2. la féconde, ôc le 3. la
troifieme. Voilà tout ce qu’on peut dire en raccourci de
plus important au fujet de ces lettres j il s agit maintenant
de parler fur la maniéré de les exécuter. Ces lettres
qui fe placent toujours hors d’oeuvre, c’eft-à-dire dans
les marges, autant qu’il eft poffible, fe font du bras plus
éloigné du corps pour les droites que pour les penchées,
6c avec la plume à traits. On peut cependant les jetter
avec la plume groffe , mais elles n’ont pas à beaucoup
près, la même beauté & le même piquant. Pour arriver
à la jufteffe de ces lettres, Sc les placer dans un régulier
parfait, il faut un grand exercice, ôc favoir fe pofléder,
c’eft-à-dire ne pas opérer avec une précipitation non réfléchie
, ni avec une lenteur affeétée. Il faut voir la lettre
avant fon exécution, ôc bien diftinguer fon effet ; fans
cela on rifque de gâter fon ouvrage, & d’y placer un disgracieux
qui choquera les moins connoiffeurs. T ont ce
que je viens d’expliquer peut s’appliquer aux paffes fur
léfquelles je vais donner quelques infini étions.
Des pajfes.
Les paffes dont on voit un modelé dans le bas de
la planche 13. ne font autre drofe que des abbréviations
U R E S. de m o ts , c’eft-à-dire des mots ou l’on à retranché plu-
fieurs lettres pour y ajouter différçns coups de plumes
entrelaffés les uns dans les autres. Ces fortes de mouve-
mens qui fe font tantôt du bras plus ou moins éloigné
du corps, Ôc tantôt des doigts, font les amufemens d’une
main légère Ôc vive qui veut s’égayer. Les paffes fe tirent
plus de la ronde que de toute autre écriture. La bâtarde
fimple par fà nature n’en exige aucun. La coulée, com-
1 me une écriture prompte, en peut recevoir beaucoup
d’ornemens. Je m’étens peu ici fur les paffes, parce que
dans l’obfervatio’h fuivante, où fe parlerai des licences,
j’aurai occafion d’en dire encore quelque chofe. L ’exercice
de ces fortes de caraéteres ne doit pas être négligé,
parce qu’il donne de la facilité à la main pour écrire.
D e s licences.
Les licences ne font autre chofe dans1 récriture que
des traits de plumes compofés & exécutés par un écrivain
pour orner les pièces qu’il met au jou r, ôc qui fartent
de fe main. Elles font à dire vrai, contre les principes
5 mais quand on les emploie avec jugement, Ôc qu’elles
fe présentent dans des proportions juftes, elles peuvent
fervir d’exemples, ôc prouver en même tems qu’un
artifte expérimenté peut fe mettre quelquefois au-deffus
des règles.
On peut diftinguer trois fortes de licences : licences
d’abbreviations, licences de lettres, ôc licences de cad ea u x
ou traits.
Les licences d’abbréviations font pofitivement ee que
M. Lefgret, habile maître en cet art, attaché à la cour
à la fin du dernier fiécle, appelloit hâtes, Ôc que nous
appelions maintenant paffes. On entend , comme je l’ai
déjà d it, par abbréviations , des mots auxquels on re -
tranche une ou plufieurs lettres, pour y fuppléer par de
beaux mouvemens qui font en ufage ou inventés exprès.
Les licences de lettres tant mineures que majéures ôc
digitales, font ce que M. Allais, fevant maître écrivain,
appelloit lettres fans aucune mefure, parce que l’écrivain
peut les augmenter ou les diminuer, pour y ajouter tous
les contours qu’il juge à propos pour leur donner de
l’étendue ôc de Mfeffer. g
Les licences de cadeaux font les mouVemens que l’on
ajoute ou que l’on invente pour amplifier un cadeau ou
trait fimple.
Toutes les licences ne font permifes qu’autant qu’elles
peuvent donner de la variété ÔC de la grâce a une piecç
d’écriture, ôc faire juger de l’adreffe ôc du goût de l’ar-
tif te , autrement elles deviennent inutiles ôc même dan-
gereufes, parce qu’elles gâtent tout.
La difficulté des licences confifte à leur donner les plus
exaétes proportions qu’il eft poffible. C ’eft un travail qui
demande avec un goût sûr ôc v rai, hritonnoiflànce parfaire
des effets de la plume ; fans cela on neréuffit point,
ôc toutes les jettées fe trouvent altérées.
P L A N C H E X I V .
D e s differentes écritures de rondes.
J ’ai préfenté dfebord les principes de l’art d’écrire réduits
aux démonftrations les plus fimples ôc les plus
vraies ", ils ont été fuivis des alphabets mefurés que les
François ont en ufage-, il s’agit maintenant de donner
des modèles d’écritures. Comme je ne pouvois m’étendre
beaucoup , j’ai partagé chacune de ces écritures en
cinq claffes. C e développement, quoique leger, fera plus
que fuffifant pour faire connoître le génie particulier de
ces diverfes écritures, ôc les diftinguer par-tout où elles
fe trouveront. Cependant fi l’on defiroit des pièces plus
étendues, plus compofées de lignes, Ôc plus propres à
copier, on pourroit s’adreffér à l’auteur de ce petit ouvrage.
II eft profeffeur en cette partie, & tient chez lui
académie d’Ecriture ôc d’Arithmétique. II peut même
fatisfaire les amateurs, en leur faifent voir non-feulement
une colleétion de pièces à la main des plus habiles maîtres
, mais encore la plus grande partie des ouvrages
gravés que les artiftes célébrés en Ecriture ont donné
au public depuis près de deux cens ans -, dans l’une Ôc
l’autre de ces produirions, on trouvera des beautés auffi
ingénieufes que furprenantes.
Su r la première ronde.
Il convenoit de commencer par la groffe ron de, qui
eft celle que l’on donne aux jeunes gens après qu’ils ont
été exercés' fur les principes Ôc les caraéteres. Le point
effentie! de ce degré d’écriture eft de donner la facilité
de la forme ôc plus d’aétion ôc de jufteffe aux doigts.
La quitter trop promptement pour paffer à des caractères
plus petits, ce feroit vouloir perdre le fruit de fon
travail. On doit fovoir qu’elle eft le fondement de toutes
les autres, ôc que plus on la trace long-tems, Ôc plûtôt
l’on parvient à la formation aifée ôc correéte de 1 Ecriture.
Cet avis pour l ’exercice de la groffe ronde, qui regarde
auffi les groffes des autres écritures , ne doit pas
être négligé. Dans la pratique de cette écriture, & généralement
de toutes les autres, on doit s’attacher à l’égalité
, & à ne laiffer en chaque mot que la diftance de
deux corps. Celle des lignes, tel qu’on le voit à la quatorzième
planche, eft de quatre corps, chaque corps de
quatre becs de plume. Cette diftance adoptée par les
grands maîtres, eft la moins embarraflànte j les têtes ôc
queues des lettres pouvant fe placer fens crainte que les
unes paffent par-deffus les autres.
Sur la deuxieme.
Cette ronde eft celle que l’on appelle moyenne. Une
main exercée long-tems à la groffe, Ôc qui la rend felon
les réglés, peut s’occuper à cette écriture. C ’eft elle ordinairement
qui fert pour les fous-titres, en la traçant plus
ou moins groffe, fuivant la place «Sc la nature des ouvrages.*
La diftance des lignes fe réglé fur celle de la
g ro ffe , c’eft-à-dire de quatre corps.
Su r la troifieme.
Cette ronde eft la petite 5 elle s’écrit pofêment. On
ne doit ^entreprendre que quand on eft avancé dans la
moyenne. Il faut y travailler beaucoup, parce que les e ffets
de la plume y font plus difficiles à foutenir que dans
la groffe. La diftance des lignes eft de cinq corps, par
la raifbn que plus l’écriture eft petite, & plus cette diftance
doit être grande, a caufe des majeures ôc têtes Sc
queues des lettres mineures que l’on fait un peu vaftes
pour donner plus de relief à cette forte d’écriture ôc
faire voir en même tems la dextérité de la main.
Sur la quatrième.
Dans la forme de la dcrnicre ronde, il s’en fait une
autre que l’on nomme financière, & qui s’écrit plus vîte.
Elle eft femblable à l’écriture ccrulée qui en tire fon origine
; la feule différence qu’il y a entre les deux, c’eft que
l’une eft droite Sc nourrie, & l’autre penchée ôc maigre.
En faifent cette écriture plus groffe ôc plus lâche, on
formera précifément la groffe de procureur, dont il eft
parlé au fixietne tôme de ce Diétionnaire au mot Expédit
ion. On tient pour la financière la plume plus longue
dans les doigts, Ôc le bras moins appuyé fur la table.
La plume doit être plus fendue que pour la petite ronde
pofeè. Pour ce qui eft de la diftance des lignes, elle fe
réglé fur cinq Corps.
Sur la cinquième.
Cette écriture eft de la plus petite ronde, que l’on
appelle minute lorfqu’elle eft travaillée dans le goût de
la financière. Rien n’eft fi flatteur que cette petite écriture
quand elle eft pofée , foutenue, & quelle expofe
aux yeux la régularité des principes, la délicateffe du
.toucher, Ôc une certaine gaveté qui la rend pétillante.
J ’avouerai pourtant quelle eft difficile, & quelle demande
avec la main la plus jufte, l’attention la plus réfléchie.
Pour l’ordinaire dans cette petite écriture, les
queues font plus longues ôc plus frappées ^ celles qui
Vont en fe courbant fur la gauche doivent être terminées
par un bouton arrondi ôc fenfible. Quoique la difr
tance des lianes foit fixée à fix corps, cette règle cependant
peut varier ; on en donne davantage lorfque l’on
veut l’orner de partes ôc de majeures ; ôn en donne
moins, lorfque modérant la hauteur des têtes ôc la longueur
des queues, on veut placer beaucoup d’écritures
dans un petit efpace. Quand elle fe trouve dans ce dernier
c a s , elle devient une des cinq écritures expédiées
dont il eft parlé dans le tome fixiemc du Diétionnaire,
au mot Expédition.
Sur le s moyens d'aller droit en écrivant.
.On va de travers par différentes caufes ; lorfque la
U R E S. i l
tête n’eft pas droite , lorfque le bras eft trop près ou
trop lo in , lorfque le corps penche a droite ou à gauche.
Expliquons mieux ces objets, qui font intéreffans au
public.
On va de travers quand la tête incline fur les épaules ;
fi c’eft à droite, les lignes defeendent 5 fi c’eft à gauche,
les lignes montent. En mettant la tête dans la direétion
verticale , on remédiera à ces défauts.
O n va de travers quand le bras droit n’ eft pas pofé
felon les réglés. Lorfqu’il eft trop éloigné du corps, il
fait monter les lignes & former un caraétere pointu ;
lorfqu’il en eft trop près, il fait defeendre les lignes Ôc
faire un caraétere quarré. O n évitera ces défauts en fe
réglant fur les explications de la féconde Planche.
O n va de travers quand le corps eft mal placé. S’il
avance trop fur la droite, il gêne le bras Ôc fait monter
les lignes ; ôc s’il penche fur la gauche, les lignes defeendent.
En fe conformant aux réglés de la pofition du
corps, on ne tombera pas dans cette faute.
O n va encore de travers en écrivant les écritures bâtardes
Ôc coulées ,.dont l’effet de la pente eft d’entraîner
naturellement les lignes en bas quand on n’ a pas l’attention
d’elever chaque lettre un peu plus que celle qui
la précédé, mais d’une maniéré infenfible, c’eft-à-dire
que s’il y a plufieurs jambages de fuite, le fécond doit
être imperceptiblement plus haut que le premier, en
obfervant de le defeendre imperceptiblement moins bas,
ôc ainfi des autres. Cette réglé eft immanquable lorfqu’elle
fe pratique fens excès. *
P L A N C H E X V .
D e s différentes écritures de bâtardes.
De meme que l’ecriture ronde, celle que l’on appelle
italienne ôc plus ordinairement bâtarde, fera diftribuée
en cinq claffes. Des pièces dans chaque genre plus longues
auroient mieux convenu, mais cela ne pouvoir
fe faire dans cet ouvrage, où l’on étoit fixé à un certain
nombre de planches. Quoi qu’il en fo it, j’ai fait enforte
dans le peu que j ’ai donné, de conferver l’efprit de chacune
de ces écritures. Quant à la pratique, on fiiivra tour
ce que j’ai dit aux explications de la planche précédente
au fùjet de la ronde. Je me reftrains ici à ne parler feulement
que fur ce qui concerne chaque écriture en particulier.
Sur la premiers.
Cette première eft précifément ce qu’on nomme groffe
bâtarde. C ’eft par cette écriture que l’on commence un
jeune homme qui n’a pas befoin de la ronde. Quand ce
caraétere eft d’une bonne groffeur, on l’appelle titulaire,
étant toujours employé aux titres fiipérieurs des ouvrages.
Comme le génie de cette écriture eft la fimplicité,
fur-tout en grofie, c’eft la raifon pour laquelle les lignes
n’ont de diftance que trois corps. L ’exercice de ce caraétere
eft excellent pour former la main, en s’attachant
à l’égalité des lettres, à la jufteffe de la pente & à la fîtua-
tion de la plume. Souvent, lorfque cette fituation eft
négligée , il arrive que la plume fe trouve fur l’oblique
des doigts j ce qui eft un grand défaut, ôc par confe-
quent le plus à éviter.
Sur la fécondé.
Çette féconde, qui eft de la moyenne, eft le caraétere
qui fuit la groffe.il fert pour les fous-titres ôc pour perfe-
étionner la main des éleves dans fon fouticn,ce qui n’eft:
pas le plus aife. La diftance des lignes eft de trojs corps
feulement, ôc celle entre chaque mot dans toutes‘les
écritures eft de deux corps. La diftance réglée pour les
lignes ne caufe aucun emoarras , parce que dans le travail
de la bâtarde, on fuit ftriétement les principes dans
la hauteur des têtes ôc la longueur des queues, ce qui
ne s’obférve pas avec tant d’exaéritude dans les autres
écritures, où la main peut prendre plus d effor.
Sur la troifieme.
C ’eft de la petite bâtarde pofee & ordinaire. Comme
elle eft afféz difficile, elle exige dans l’artifte une fureté
de main inconcevable , ainfi que toutes les petites en
général. Cette écriture n’eft fufceptible d’aucun ornement
érranger ; la fimplicité en eft la bafe, ÔC fe beauté
eft le fruit du travail & de l’application.^
I