» A L P H A B E T
F L A N C H E X .
Runique.
L ’alphabet runique eft abfolument le même que
•l’alphabet iflandois gravé dans la Planche IX . Il
-étoit conféquemment affez inutile de le repeter dans
cette Planche X J e ne puis là-deffus que revenir fur
c e que j’ai déjà ci-devant dit ; f ç a v o ir , que cette
irrégularité n’auroit point eu lieu", s’ il n’y eut eu
déjà plufieurs Plan che sg ra v ée s, lorfque j’en ai pris
Ja d ireâ ion. Voye\ ci - deffus au titre , Alphabet
-iflandois. ■ ‘
On entend par ru n e s , les carafteres des ancienn
e s lettres feptentrionales. O n difpute fur l’origine
de ce 'nom.’Wormius le fait v enir de ren, c a n a l,
o u de ryn , un fillon. Spelman foutient qu’ il faut
chercher dans rynt fon é tymologie. Ryne, ou gery-
n e , en an glo is , peut fe rendre par myfitre, ou chofe
■ cachée. O n fait que les peuples du Nord faifoient
grand ufage des runes pour leurs opérations ma-
giques. , ,
» On rapporte qu’aucun des anciens T hraces n é-
' *> toit inftrtiit des lettres ; l’ufage même en eft re-
. » gardé comme une chofe très-honteufe par tous les
» barbares qui habitent l’E u rope , mais on dit que
» ceux d’Alie ne font nulle difficulté de s’en fervir.
Ç ’eft ce que dit Æ lian. var. hifi. Lib. V I I I . cap. G.
-qui floriffoit au deuxieme fiecle.
RuJJe.
L e s Lift oriens du bas empire, prétendent que les
'R uffes ou Mofcovites n’avoient aucuns cara&eres
•d’écriture avan t Michel Paphlagonien, empereur
.g r e c , fous le régné duquel ils prirent la langue &c
•des caraôeres des efcla vons ; les caraéleres font
g r e c s , & les mêmes que les caratteres gravés
dans la X L Planche, Les Ruffes prétendent tirer
leur origine des Efclavons , quoique leurs czars
fe croient defcenclre des R omains, c eft-a-dire , des
empereurs de Conftantinople qui fe difoient R o umains.
M. l’Abbé Girard de l’Académie fran çoife ,
f i bien connu par fon excellent ouvrage des Synonymes
8c par fa Grammaire françoife , a yoit auffi
compofé une Grammaire 8c un Dictionnaire latins,
françois & ruffes. M. le B re to n , imprimeur ordinaire
du ro i, fon ami 8c fon légataire, quant à fes
manufcrits, en fit. préfent à la Ruffie il y a quelques
années , a v e c la leule condition qu’on rendrait à
.M. I’abbé Girard l’honneur qu’on devoit à fa mé-
rnioire & à fon travail.A
llemand.
'Les Allemands ont formé leur alphabet fur celui
des L a tin s , mais je ne puis affurer en quel tems.
L eu r langue eft une des plus anciennes 8c des plus
abondantes des langues de l’Europe. O n accufe la
langue allemande d’avo ir une prononciation fort
•rude, & il n’eft pas rare d’entendre dire parmi nous
qu ’elle eft plus propre à parler aux chevaux qu’aux
•hommes ; mais c’ eft une erreur de ceu x qui n’en
connoïffent ni le p r ix , ni la b e au té , & qui n’ont
jamais entendu parler que les Allemands les plus
voifins d e ‘la France & de l’ I ta lie, dont la prononcia
tio n eft fort gutturale ; car dans la Haute Saxe
& dans les autres bonnes provinces d’Allemagne ,
o n ne remarque rien de femblable. L ’allemand y a
acquis ce degré de perfection oh la langue françoife
eft montée fous le régné de L o u is le Grand.
L’anglois, le hollandois, le danois 8c le fuédois |
fburniffent fouvent des lumières pour l’intelligence
de la langue allemande. Les Hollandois 8c les Anglois
fe fervoient d’abord des lettres allemandes,
mais fur la fin du X V I I . fiecle , ils cefferent d’en
fa ir e ufage 8c adoptèrent les caraûeres latins ; pour
S A N C I E N S .
les Suédois 8c les Danois ils confervent encore aujourd’hui
les caraûeres allemands; la prononciation
des lettres allemandes eft t e lle : a , b e , d e , e ,
e f,y e , h a , i ,y o d , c a , e l , cm, e n ,o , p é , cou, e n ,
cjf, t é , ou , f a u , v è , ic s, ipjzlon, tfed.
P L A N C H E X I .
Illyrien ou Efclavon & Servien. •
Une grande quantité de nations, tant en Europe
qu’en Afie , parlent la langue e fcla vone ; fça v o ir , les
Sclaves eux mêmes qui habitent la Dalmatie 8c la.
L ibu rn ie , les Macédoniens occidentau x , Epirotes',
Bofniens, Serviens , R a fc ien s , B u lg a re s , Molda-
v ie n s , Podoliens, R u ffe s , M o fco v ites , Bohémiens,
Polonois , Siléfiens ; 8c en Afie , les Circafliens ,
les Mingreliens, les Ga zariens, & c . Gefner compte
ju fq ifà foixante nations dont l’efcla von eft la langue
vulgaire. O n peut dire en général qu’elle fe
parle dans toute la partie orientale de l’Europe jusqu’au
D o n o u T an a ïs , excepté laG r e c e , la Hongrie
& la V alachie ; mais quoique toutes ces nations parlent
le même lan g a g e , e lles ne fe fervent pas toutes
du même alphabet. Les unes fe fervent des ca-
raCteres illyriques ou dalmates, inventés par faint
Jerome; les au tre s, des caraCteres fe rvien s , inventés
par faint C y r ille . Les caraCteres illyriens font
finguliers & on y remarque très-peu de rapport a v e c
les alphabets que nous connoiffons ; pour les caraCteres
ferviens ils font grecs , à l’exception de
quelques-uns d’augmentation que faint C y r ille a
imaginés pour exprimer les différens fons du fe r -
v ien . Quant aux dénominations des élemens de ces
deux alphabets , elles different peu ; on prétend
qu’elles font fignificatives.
L ’alphabet de faint C y r ille porte le nom de Chtu-
r ili^ a, celui de faint Jerome s’appelle Buchui{a. Les
provinces fituées le plus à l’orient fe fervent des ca ractères
fe rv ien s ; les autres provinces fituées vers
l’occident ont les caraCteres illyriens.
Moyfes Hebrotas primus exaravit litteras ;
Mente Pheenices fagact condiderunt A tticas ;
Quas latin&fcriptitamus tdidit Nicojlrata.
Abraham Syras , & idem reperit Chaldaicas.
l jî s arte non minore protulit Ægyptias.
Gulfilaspromjit Gétarum quas vtdemus ultimasl
P L A N C H E X I I & X I I I .
Arméniens.
Les Arméniens é crivent comme nous de gauche
à d ro it e , ils ont 38 lettres. O n préfente ic i quatre
fortes d’écritures en ufage parmi eux . L a première
appellée qakgkachir ou jleur ie, fert pour les titres
des livres 8c le commencement des chapitres ; ces
lettres repréfentent des fleurs & des figures d’homj
mes 8c d’animaux, c’eft pour cela qu’on les nomme
encore chelhhachir, lettres capitales, & chajfanachir ,
lettres d’animaux.
La fécondé eft appellée trghathachir, écriture de
fe r ; R ivo la prétend qu’ils l’ont appellée a in fi, parce
que cette écriture étant formée a v e c des traits plus
mâles eft moins fujette à l’injure des tems ; mais
Schroder dit av e c plus de vrailemblance qu’elle n’a
été appellée de ce nom que parce que les Arméniens
fe fervoient anciennement d’un fty le t de fer
pour tracer cette écriture. Autrefois on é cr ivo it des
volumes entiers dans ce caraCtere ; aujourd’hui on
ne l’employe p lu s , comme l’écriture fleurie , que
dans les titres des liv res 8c des chapitres.
La troifiéme eft appellée poloverchir ou ronde ,
que l’on employé dans les plus beaux manufcrits 8z
dans l’impreflion.
Enfin la quatrième forte d’écriture appellée noÿ
trehir ou curfive , fert dans le commerce ordinaire
A L P H A B E T
naire de la v ie , dans les lettre s , & c . Cette der-
mere écriture a auffi fes majufcules qu’on a eu l’attention
de mettre dans les planches.
Les Arméniens recônnoiffent Haik , qui v iv o i t ,
d it-o n , avant la deftruCtion de B a b e l, pour le fondateur
du royaume d’Arménie , & le premier qui
ait parle la langue haikaniene. Ç e t Haik eut un fils
nommé Armenak.Wah é é to itle cinquante-troifieme
& le dernier fucceffeur d’Haik, il fut défait par Alexandre
le g rand , 8c ce royaume refla fous la domination
des Macédoniens, jufqu’à ce qu’un certain
arménien nommé Arfchakfe révolta contre les Grecs
du tems de Ptolémée Philadelphes , 8c fonda l’empire
des Arfacides qui finit en la perfonne d’Ar-
tafeh ir, le 28? fucceffeur d’Arfchak. La langue haikaniene
qui s’étoit confervée jufques-là dans fon
ancienne pureté , fut altérée par le mélange des
Genthuniens » peuples du C an a an , des Bagratides
& des Amatuniens, familles ju iv e s , des M edes, des
Arfacides mêmes , qui étoient Parthes, des Arra-
v ie la n s , Alains de na tion, des Chinois, 6'c.Jufqu’au
3e fiécle les Arméniens n’eurent point de caraCteres
qui leur fuffent propres , ils fe fervoient indifféremment
de ceux des G r e c s , des Perfes & des Arabes ;
un certain Miefrob , miniftre & fécrétaire de W a -
razdate 8c d ’A rface IV . du nom , entreprit de leur
donner un alphabet , à quoi il réuflit. On fit une
verfion de la bible & on traduifit divers livres , foit
philofophiques, foit hiftoriques des Grecs & des Sy riens
, ce qui fixa l’ancienne langue haikaniene qui
ceffa d’ê tre vulgaire quelque tems ap rès , 8c qu’on
diftingua de la vu lg a ire , en l’appellant langue litté
ra le ; car depuis ce tems-là le royaume d’Arménie
fut en proie aux Hagaréniens , aux Sa rafins,
au x Chorafmiens 8c aux Ka lifes d’E g y p t e , enfin
aux Tartares q u i , fous la conduite de T ame rlan,
fembloient devoir tout détruire; enforte que la langue
en ufage aujourd’hui dans l’Armenie eft tellement
éloignée de l’ancienne langue haikaniene qu’ils
n ’entendent plus cette derniere qu’à force d’étude ,
la vulgaire eft pleine de mots a ra be s , turcs &
p e r fan s , &c.
Malgré ce que nous venons de dire fur Miefrob ,
j ’ajouterai ic i qu’Angelus Roccha dans fon difeours
fur la bibliothèque du Vatican ; G e o r g e , patriarche
d’Alexandrie ; Sixtus Senenfis , & c . reconnoiffent
faint Chryfoftome pour l’auteur des écritures en
langue arménienne , & pour l’inventeur des caractères
arméniens. Il eft certain que faint Chryfoftome
fu t banni de Conftantinople par un édit de l’empereur
, 6ç qu’il alla finir fes jours dans l’Arménie ; il
a pu donner aux Arméniens l’ufage des lettres gre-
q u e s , que ces peuples n’auront quitté que pour
prendre des lettres qui leur fuffent propres.
P L A N C H E X I V .
Géorgiens.
Les Géorgiens écrivent comme les Arméniens &
comme nous de gauche à droite. Ils ont trois alphabets
dont les carafteres fe reffemblent peu. L e
premier eft des lettres facrées majufcules ; le fécond
eft des lettres facrées minufcules, lefquelles anciennement
é toient admifes pour majufcules dans l’écriture
vulgaire , mais dont on ne fe fert plus aujourd’hui.
Enfin le troifiéme alphabet eft des lettres v u lg
a ire s , aujourd’hui en ufage parmi les Géorgiens,
dont les majufcules font les lettres majufcules facrées
du premier alphabet.
P L A N C H E S X V & X V I .
Ancien Perfan.
Selon quelques é cr iva in s , D h o h a k , ancien roi
S A N C I E N S. £ de Perfe , inventa les anciennes lettres perfannes
que nous préfentons ic i dans les Planches X V 8c
X V I . d’autres en font honneur à Feridoun fon fucceffeur
; mais toutes ces traditions paroiffent fort
incertaines. Au refte je ne penfe point que ces caractères
foient les premiers qui ayent été en ufage
parmi les Perfans , parce qu’ ils n’ont aucune affinité
av e c les caraûeres fyriens & phéniciens , & c .
ce qui d ev rait ê t re , félon m o i, pour conftater leur
ancienneté. Je dis p lu s , je crois que dans l’o rigine
les peuples qui habitôient cette vafte contrée n’eurent
point d’autres caraéteres que ceux des Syriens
ou Affyriens , puifque dans les tems les plus reculés
on appëlloit du nom de Sy rie , non feulement le
royaume qui porte encore aujourd’hui ce nom y
mais auffi l’Arménie, la Perfe & la pliipart des autres
pays afiatiques que Sem avo it eus en partage.
La Planche X V . préfente l ’alphabet des Gaures
ou adorateurs du feu ; cet alphabet eft compofé de
trente-neuf lettres , je le donne tel que le hafard me
l’a offert dans les papiers de feu M. Pétis de la C ro ix
mon prédéceffeur ; j’y ai reconnu la main de l’il-
luftre Pétis de la C r o i x , fon p e r e , qui avo it fé-
journé l ’efpace de dix ans à A le p , à Ifpahan & à
Conftantinople , & qui mourut à Paris en 1695.
La Planche X V I contient auffi l’alphabet de l’ancien
perfan , mais tel que les Anglois viennent de
le publier dans la nouvelle édition du livre de Reli-
. gione veterum perfarum , du dofteur Hyde ; ce dernier
alphabet ne contient que 29 élémens. Je laiffe
au le â eu r le foin de comparer ce dernier alphabet
av e c le premier, il y verra plufieurs différences con-
fidérables , par rapport à l’ordre' , aux dénominations
, & c . il né m’appartient point de décider
auquel de l ’un ou de l’autre on doit donner la préférence
; j’en laiffe le foin à un jeune voyageur,
françois arrivé depuis peu des Indes & de Baffora,’
où il a réfidé quelques années -, 8c où il s’eft appliqué
particulièrement à l’étude de l ’ancien perfan'j
j’apprends qu’il n’eft pas toujours de l ’avis du docteur
Hyde ; peut-être donnera-t-il la préférence au
nôtre. J ’ai ajouté au bas de cette X V I Planche le
commencement du prétendu liv re de Zoroaftre, que
le chevalier d’Ashvôod a fait calquer fidèlement fur,
l ’original qui fe trouv e dans la bibliothèque bodlien-;
n e , & qu’il en vo y a à Meilleurs Fourmont.
Grandan.
Outre les v o y elles initiales , tous fés alphabets
indiens ont des voy elles plus abrégées qu’ils jo ignent
av e c les confonnes. L’alphabet grandan que
nous préfentons ic i en manque, parce, que l’on a
négligé à Pondicheri de les marquer : cependant
nous n’avons pas cru devoir omettre cet alphabet
tel qu’ il e f t , pour compléter le plus qu ’il nous a' été
poffible le nombre des alphabets indiens, 8c dans
l’efpérance que par la fuite quelqu’un fe trouvera à
portée de lui donner la perfection qu’il n’a pas.
P L A N C H E X V I I .
Nagrou ou Hanfcret,
Les carafteres nagrous appellés encore hanferets^
marates, gunirates 8c famfcretans, font les caractères
de la langue favante des brahmes , que ce9
religieux fe font un fcrupule de n’enfeigner qu’à
ceu x qui fe deftinent à embraffer leur état. Ils s’écrivent
de gauche à d roite; j’ai tracé cet alphabet en
partie d’après celui du P. Henri R o th , gravé dans
la Chine illuftrée de K i r c h e r e , 8c en partie d’un
manuferit envoyé de P on dich eri, contenant quelques
alphabets indiens, dont on avo it deffein dq