, 5 a l p h a b e t s
dent i c i , qu’ eu égard au nombre de traits dont ils
font com po fés , & qui S o ie n t anciennement en plus
grand nombre & dans un ordre tout, dtSerent. Un
jugera d’ailleurs qu’il étoit impoffible d obfe rve r en
mente tems & la progrcllion des traits 8c celle des
idées ou des ê t re s , fi l’on fe rappelle que la plupart
des caraâ eres chinois,, dans leur o rigine, repreten-
toient les objets mêmes qu’ils etoient deitines a
lignifier. , ,
Les anciens caraâ ere s chinois etoient appelles
niao-tfi-ouene , c’eft-à-dire , caraâ ere s imitant les
traces des oifeaux ; ils avoient été figurés, dilent les
hiftoriens ch in o is , d’après les étoiles & les traces
que des oifeaux & des animaux de differentes eipe-
cês avo ien t imprimé fur un fable ferme & uni. Le
nombre de ces caraéteres s’eft accru de fiecte en
fie c le , mais ils ne coiffer verent pas toujours la meme
forme. Sous la dynaftie impériale des Tcheou , la
Chine divifée en 7 1 petits états tributaires, v it Ion
écriture prendre autant défo rmé s différentes, parce
que chacun de fes rois tributaires crut qu il y alloit
de fa g loire d'avo ir une1 écriture particulière. C o n fucius
fe plaignoit de cet abus, & de l’altération faite
au x anciens Caraéteres : mais enfin Chi-hoâng-u,
fondateur de la dynaftie impériale de T h fin e , ayant
détruit ceu x de Ces rois vaffaux qui fubfiftoient encore
de fon tems, & réuni tout ce vafte empire fous
fa puiffance , irttroduifit un ca raâ ere qui fut com mun
à tout l’empire ; il efl probable même que le
defir d’établir cette écriture générale , avott occa-
fionné en bonne partie l’incendie des liv r e s , ordonnée
a v e c tant de févérité par c e t empereur. Ly-Jsc ,
fon miniftre qui fut charge du foin de cette écriture,
fupprima les Bâtons trempés dans le vernis , a v e c
lesquels on é cr ivo it alors & introduifit l’ufage du
p in c e a u , plus propre à former les pleins & les délié
s . Enfin Tfin-miao, qui travailloit a ces in novations
fous les ordres dé L y - f s i, imagina de donner
à ces caraéteres une figure quarrée , fans pour cela
détruire ni le nombre de leurs tra its , ni leur dffpo.-
fition refpeétive , 8c ils furent nommés ly-chu. L ’é criture
kicà-chu en ufage aujourd’hui pour l’ impref-
fion des liv r e s , différé peu de l’écriture ly-chu.
Le s anciens Philofophes chinois , qui donnèrent
leurs foins à l’invention des caraéteres de l’écriture ,
méditèrent beaucoup fur la nature Sc les propriétés
des chofes dont ils v ouloient donner le nom-propre,
Sc ils affujettirent autant qu’ ils le purent leur travail
à fix ordres ou claffes différentes.
L a première de ces claffes appellêejïang-hing, ou
conforme à la figu re , comprend les caraéteres repre-
fentatifs des êtres o u chofes que l ’on v eu t exprimer.
La fécondé, appellée tchifsé, repréfentation, contient
les caraéteres empruntés de la nature même de
la chofe. Exemple , k ién, v o i r , eft compofé du cara
â e re gin, homme, & du caraétère tnott, oe i l, parce
que la nature de l’oe il de l ’homme eft de voir.
La troifieme , appellée hoei-y, connexion de cara
â e re s , contient les caraâ eres qu i ont quelqu affinité
entr’eux par rapport à leurs propriétés t par
exemple , pour exprimer l’ idée d’empo igne r, ils fe
fe rv en t du caraâ ere ho , joindre , 8c du caraâ ere
cheou, main , parce qu’un des ofiiees de la main eft
d’empoigner , ce q u e lle ne fait que lorfqu’elle eft
jointe à la chofe qu elle tient.
La quatrième s’appelle hiâ-ching, & contient les
caraâ ere s auxquels on a joint d autres pour le v e r
le s équivoques qui en réfulteroient lorfque leur prononciation
eft la même : pa r exemple , le mot cane,
qui lignifie indifféremment remercier , toucher, tenter,
exciter, accompagné du mot générique y te , poiffon,
fignifie alors tout fimplement un brochet.
L a cinquième claffe fe nomme tchutn-tchu, interprétation
flexible ou iniléxion de v o ix ; elle com-
A N C I E N S . , RR
prend les caraâ ere s fufceptibles de dtfferens to n s ,
& qui expriment conféquemment differentes choies.
Ex? hîng au fécond ton fignifie marcher,.faire; au quatrième
to n , action, moeurs. U arrive affez fouvent
que les Chinois défignent le ton de ces caraéteres
ambigus par un petit 0 , qu’ils pla cent à un de leurs
angles. , . r
La fixieme & dermere fe nomme kia-tjie , emprunter
; les caraâ eres de cette claffe ont deux fortes
d’emprunts ; l’emprunt du to n , & l’emprunt du
fens. L ’emprunt du ton fe fait d’une chofe qui a
bien à la v érité un nom , mais qui n’a point de cara
â e re qui lui fo it particulier. Alors on donne à
cette chofe pour ca ra â e r e , c elui qui manque de cara
â e r e propre. Exemple : le caraélere neng q u i, au
fens p ropre , marque un animal qui eft extrêmement
fort & pu iffan t, lignifie au fens figuré, pouvoir, puij-
fant. L’emprunt du fens fe fait en fe fe rvant de la
, propre lignification d’un caraétere o u mot pour en
lignifier un autre ; ainfi n u i, in térieu r, dedans , le
prend aufli pour entrer, parce qu’on ne dit pas entrer
dehors, mais entrer dedans. ^ a x e r
L a prononciation de la langue chinoife eft différente
dans les divers pa ys où on la parle , & ou
l’écriture chinoife eft en ufage ; a in li, quoique les
Japonois & divers autres peuples entendent^ les l i v
res chinois & écrivent en chinois , ils nenten-
droient pas cependant un Chinois qui leur parle-
C e tte prononciation même v a r ie dans les différentes
p ro v in c e s , dont la Chine eft compofee ', les
peuples du Fokien , T chek ian g , Hou -couang, Se-
tchou e n , H onan , K ian g i, prononcent puis lentement
, comme font les Efpagnols ; ceu x des prov
inces d eCouang-tong, C ouang-fi,Yunnane, parlent
b r e f , comme les Anglois ; dans la province de Nan-
k in g , fi on excepte les v illes de Son g kian g ,T ch in g -
kiang & Fongyang , la prononciation eft douce &
agréable , comme celle des Italiens : enfin les na-
bitans des provinces de P ek in g , C h a n to n g , Chanli
& Chenfi afpirent b e au cou p, comme les Allemands ;
mais fur-tout ceu x de P e k in g , qui inferrent fréquemment
dans leurs difeours la particule conjonctiv
e eùll. . .
Outre cette varié té de prononciation qui ne regarde
que la langue k o u o n -h o a , c’eft-à-dire la lan-
eue commune à toute la Chine ; il exifte dans cet
empire , & fur-tout dans les provinces du m id i, un
grand nomhre de dia le â e s. Ch a qu e p ro v in c e , &C
même chaque v ille du premier ordre ont la le u r , qui
n’eft prefque pas entendue dans les autres v illes du
même ordre. Et quoique dans les v illes du fécond
& du troifieme ordre on parle affez fouvent la dia-
leéte qui eft en ufage dans la v ille du premier ordre
dont elles relevent , il y a toujours cependant un
accent différent, qui l ’eft te llem en t, dans certaines
p ro v in c e s , que cette d ia le â e pourroit paffer pour
une langue particulière. s
Les h iltoiresde la Chine nous apprennent qu avant
l’ invention de ces caraéteres, les Chinois avoient
imaginé de tranfmettre leurs penfées par le moyen
de cordelettes nouées qui leur tenoienufieu d écriture.
T e ls étoient les quipos dont fe fervoient les
P é ru v ien s , avan t que les Efpagnols euffent fait la
conquête de leur p a y s . L ’ufage du papier siintro-
duifit à la Chine environ 160 ans avant Jefus-Chritt :
avant cette ép oq u e , on é crivo it a v e c un “ y*®* “ e
fer fur l’é corce , ou fur de petites planches de bambou
, comme font encore à préfent la plupart des
Indiens. ,
L ’ Imprimerie a commencé à la Chine 1 an 9 1 7 ae
J efu s-Ch rift, fous le régné de Ming-tcoung, fécond
empereur de la dynaftie des Heou-Thang, o u le -
conds T hang.
A L P H A B E T
Lâ laftgttê Èmnoifê, ftônobftant pîufieurs défec-
htofités qu’on peut y remarquer , eft belle & très-
expreflive ; fa beauté confifte principalement dans
tin laconifme , qui à la v érité n’eft pas peu embar-
taffant pour un é tran g er , mais elle iiïérite d’être
ap p r ife , & fon étude même eft amufante pour un
philofophe qui cherche à approfondir la maniéré
dont les chofes ont été perçues par des hommes fé-
pares de no us , de tout l ’hémifphere. Elle le mérite
encore davantage par le nombre d’excellens
ouvrages en tout genre qu’elle peut nous procure
r , & dont nous avons déjà un affez grand nombre
à la bibliothèque du ro i. C ette lan g u e , par la
maniéré dont elle eft con ftruite , pourroit être adopté
e pour une langue u n iv e rfe lle , & fans doute que
M . Leibnitz n’en eût pas cherché d’autre > s’il l’eû t'
connue.
Un Chinois , nommé Hoang-gt , par ordre de
Louis X IV . a v oit commencé une grammaire & un
diétionnaire de cette langue ; mais ces travaux
demeurèrent imparfaits par fa m ort arrivée en 1 7 1 6.
Feu M. Fourmont l’aîné chargé de les con tinuer,
publia en 173 7 les Meditation.es S inica , dont nous
avons p a r lé , &c en 1742 une grammaire chinoife
§ A S e t È î i t if
r fort ample. Refte le diâionnàire qui eft plus effen-
tiel encore pour l’intelligence de cette langue ; il y
a lieu d’efpéret que la paix dont nous joüiffons,
nous en procurera la publication ; la magnificence
du roi a déjà lev é tous les obftacles ; la gravure
de plus de aooôoo caraéteres, exécutée fous les
y e u x de M. F ou rmont, y eft plus que füffifanté
pour y p a rv en ir
C ’eft a M. des H autërayes que noüs fômmes redevables
de ces explica tions, & de la plus grande partie
des alphabets cOnteniis dans nos Planches. La
moindre reconnoiffance que nous publions lui donner
, c ’eft d’a voue r toutes les obligations que nous
lu i avons. Il a v e illé même à la gravure des Planches
; & ceux qui ont quelque idée de ce travail $
favent combien il eft pénible. Si on compare notre
colleélion, ou plûtôt la fienne , av e c ce qu’on a publié
jufqu’à préfent > foit en F rance , foit en Anglete
r r e , & qu’on ait quelque égard à la'difficulté de
fe procurer des matériaux certains , & de s ’afliirer
qu’ils le fo n t, & à la lo i quë Mi des Hautrayes s’eft
impofée, de n ’enfler ce recueil d’aucun alphabet
pa rticulier, f iû i f ou hafardé, j ’efpere qu’on le trouv
e ra plus riche qu’on ne po u vo it l ’e fpéren