A R C H I T
• P L A N C N E V I .
Des bafes,
Le s bafes n’ont été introduites aux colonnes que lo'rS
xle la conftruétion du temple de Diane* à Ephèfe. Les
(Grecs avoiént employé avant cette époque leur ordre
idorique làns-bafes : mais dans la fuite ils ne tardèrent
pas à s’appercevoir combien cet empâtement étoit né-
ceflàire au pié de la colonne. A juger des moulures de
]a bafe ’ionique de cette Planche , la même que celle de
IVignole qui la tient de Vitruve , 8c celui-ci de l’anti-
<quité, on doit reconnoître que toutes les parties de
TArchitcéfcure ont eu leur enfance, & que les moulures
des bafes corinthiennes & comportes n’ont guere été
.exécutées avec un plus heureux fuccès, principalement
Jorfqu’on les compare avec celle de la bafe nommée at-
tique mile au jq,ur par les Athéniens ; bafe qui a été com-
pofée lî judicieufement, que le plus grand nombre de
nos modernes l’ont employée à tous les ordres, à l'exception
du tofcan. Cette approbation générale de la
bafe attique, nous paroît néanmoins un abus. La bafe
dorique de Vignole a une beauté de convenance qu’il
eft bon de lui çonferver; auflî fa richelfe progreflîve avec
la tofcane l’a-t-elle fait préférer par plulîeurs de nos célébrés
architeétes françois : en forte que nous croyons que
la bafe nommée atàque dort être fubftituée feulement à
l ’ordre ionique , &.que, lorfqu’o n la voudra faire fervir
aux ordres corinthiens 6c comportes, comme elle feroit
trop fim p le , on lui ajoutera plulîeurs baguettes, làns
çt«e obligé d’avoir recours à la multiplicité des feoties
qu’on remarque dans les deux baies des ordres dont nous
parlons. Autrement ces feoties, accompagnées ordinairement
de plulîeurs lifteau x & baguettes , produiront trop
de petites parties., ainlî qu’on le peut obferver dans cette
Planche, dont l’échelle de la bafe tofcane & celle de la
"bafe dorique font divifées en douze minutes, & celles
dcs'ordres ionique, corinthien & compolîte en 18.
P L A N C H E V I I .
Des cannelures & des chapiteaux,
O n a tracé fur cette Planche, ainlî que fur la précédente
, les cannelures des fûts des colonnes dorique, io nique
, corinthienne 6c compolîte, l’ordre tolcan ne devant
jamais avoir de cette efpece d’enrichilTement, parce
que la cavité des cannelures ne convient point à la rufti-
cité de cet ordre ; enforte qu e , lorlqu’on en veut orner
la tige , on introduit des bolïages qui lui ajoutent par
leur relief un caraétere de fermeté.
Les cannelures de l’ordre dorique font à vive arrête,
beaucoup plus méplates que celles des autres ordres ,
dans le deflèin d’altérer le moins poffible la folidité de
fa tige; mais malgré l’opinion de Vignole à cet égard ,
qui la tient de Vitruve, nous penfons que cette vive arrête
non-feulement efface à l ’oeil la circonférence de la
colonne, mais qu’elle lui procure une légçreté apparente
qui ne peut aller avec'fôn caraétere viril ;'caraétere que
le lifteau qui le remarque entre chaque cannelure des autres
ordres, lui réftitueroit : auflî le plus grand nombre
de nos architeétes ont-ils obfervé ce lifteau à l’ordre do-
tique. Au refte, les cannelures doivent s’employer avec
diferétion dans les colonnes les pilaftres. Cet enrichif-
fement femble ne devoir avoir lieu que lorfque les
membres principaux de l’ordre font ornés ; & dans ce
cas il peut même être chargé de fculpture pour plus
de magnificence, & pour procurer à l’ordonnance un
plus parfait aflortiment, de maniéré que la bafe, le fut
6c le chapiteau ne falTent qu’un feul 6c même tout qui
donne le ton au piédeftal, à l’entablement 6c aux différentes
parties de l’édifice.
Cette Planche, qui a pour objet d’offrir les chapiteaux
des cinq ordres avec le chapiteau ïonique modern
e , nous porte à dire un mot en particulier de leurs différentes
moulures & ornemens.
Le chapiteau tofcan, le plus lîmple de tous, eftcom-
pofé d’un tailloir æ, d’une cimaife b , d’un gorgerin c
plus d un aftragal d , mais qui appartient au fût de la
colonne.
Le chapiteau dorique eft compole dès mêmes membres
, mais il eft plus orné de moulures ; la proportion
de fon ordre étant moins ruftique qu’au précédent, il
paroît convenable que la divifion.de lès parties foient en
plus grand nombre.
. Le'-.chapiteau ïo n iq u e, couronnement de l’ordre
moyen, non-feulement eft auflî compole d’uné plus
grande quantité de moulures, mais il eft'enrichi d’orne-
tnens & de volutes qui, felon l’opinion de plulîeurs hif-
toriens, ont été appliqués à cet ordre, d’après l’idée de
la coeffure des dames de la Grece, à qui cet ordre féminin
doif.la proportion, comme l’ordre doriquemafeulin
doit la lîcnne à la proportion d’un homme robufte. Ce
chapiteau nommé-antique y diffère de celuiqu’on appelle
moderne, en ce que lès deux parties latérales font diflèm-
blables ; dilparitë qui a fait imaginer à Scammozzy le fécond
chapiteau ïonique qui fe remarque dans cette Planche
, ’ appellé communément-.^ chapiteau ïonique moderne
, 6c dont le plan du tailloir concave dans fes quatre
faces autorife huit volutes angulaires ; au lieu que
les quatre faces reétilignes du chapiteau antique n’en
peut recevoir que quatre, Içavoir, deux fur chaque face
principale, & deux couflînets dans fes deux faces latérales
, ainlî .que Philibert Delorme l ’a exécuté au palais des
Tuileries du côté des jardins.
Le chapiteau corinthien eft regardé comme le chef-
d'oeuvre de Callimaque, feulpteur grec ; chapiteau quia
été imité par tous nos modernes, 6c qui n’a guere fouf-
fert d’altération que par la négligence de quelques-uns
de nos artiftes ; chapiteau enfin qui a donné naiflànce à
l ’ordre qui porte fon nom, & quieftappellé par Scammozzy,
en faveur de fon élégance, ordre virginal. Ce chapiteau
eft compofé de huit volutes a , de deux rangs de
feuilles b , 8c de huit caulicules c ; fes feuilles s’imitent
de l’Olivier ou de l’Acante , felon leur application a
l’Architecture. Les chapiteaux corinthiens de l’intérieur
de l’églife du Val-de-grace paflènt pour les plus efti-
més de ceux qui fe voyent à Paris.
Le chapiteau compolîte, ouvrage des Romains, n’e lï
autre chofe que l’alfemblage des. feuilles du chapiteau
corinthien, 6c des volutes du chapiteau ïonique moderne.
Ces feuilles fe font ordinairement à Limitation du
perlîl, 6c quelquefois fe fymbolifent, à railôn de la dédicace
du monument où on les met en oeuvre.
Il fe fait encore d’autres chapiteaux qu’on appelle
compofés, parce qu’ils contiennent divers attributs relatifs
à la guerre, aux beaux arts, à la marine, & c. mais
ces fortes de productions appartenant plutôt à la Sculpture
qù’à l’Architecture, ne doivent jamais faire changer
de nom à l’ordre, comme l’ont prétendu plulîeurs
de nos artiftes, qui, en faveur de quelque altération
qu’ils ont faite à leur chapiteau, ont donné à. leurs colonnes
ou pilaftres le nom d'ordre françois, d’ordre ef-
pagnol, &c. comme file s ornemens conftituoient l’or- -
dre, & non le rapport de leur tige comparé avec leuç
diamètre inférieur.
P L A N C H E V I I L
Des entablemens.
• Les entablemens font les couronnemens des ordres i
chacun d’eux doit par làlolidité, là légéretéjfàfimpli-
cité ou la divifion de fes membres, porter le caraCtere
de l’ordre auquel il appartient. Les cinq entablemens _•
tracés fur cette Planche d’après V ignole, offrent ce que
nous exigeons ici. La corniche tofcane eft compofée
de trois membres principaux , fçavoir, a , b , c ; la dori-
quede quatre, a , b , c t d ; Tïonique, de cinq, a , 3 ;
c , d , e ; la corinthienne de fix , a ) b , c i d y e , f };la com-
pofite ,• comme membre qui appartient à un ordre moins
délicat par fes ornemens que le corinthien, n’en a que
cinq , comme Tïonique, fçavoir, a i b J c i d t e.
Nous avons déjà dit que les entablemens étoient compofés
de trois parties principales, fçavoir, l’architrave
A , la frife B , l’entablement C. Les" frifés font ordinairement
des membres liflès, à l’exception de celles de
l’ ordre dorique, & quelquefois de la corinthienne & d e
la compolîte, où l ’on introduit dés bas-reliefs de feul-
pturè.
ture, des guirlandes, & c. Les architraves au contraire
font ornées de'moulures , mais avec cette différence
quelles font méplates 8c feulement couronnées d’une cimaife.
Les plates-bandes des architraves fui vent la pro-
greflîon des membres des corniches. Par exemple, l’architrave
tofcan n’eft compofce que d’une plate-bande 6c
d’un lifteau ; la dorique, de deux & d ’un lifteau ; l’ïoni-
q u e , de trois 8c d’une cimaife ; la corinthienne eft auflî
de trois plates-bandes 6c d’une cimaife, mais féparéès
chacune d une moulure ; la compolîte, de deux, couronnées
d’une cimaife.
De tous ce$ entablemens de Vign o le, le tofeàn, le
dorique, & le corinthien méritent la préférence. Nous
délirerions des modifions dans la cotniche ïonique, ainlî
que le propofe Palladio, 8c moins de pelânteur 6c de
..pauvreté dans.la corniche & l’architrave cômpofites.
On appercevra par les cottes de ces entablemens le
rapport que V ignole a cherché à donner à chacun d’eux;
il nous fuffira feulement de faire remarquer ici que l’architrave
tofcan eft de douze minutes de hauteur, la frife,
de quatorze* la corniche, de feize, enfin la faillie, de
dix-huit ; progrelïion arithmétique qui rend fôn procédé
facile , 6c qui produit le plus grand effet, ainlî qu’on
le peut voir dans la plupart de nos édifices françois, où
leurs ordonnateurs ont fuivi Vignole, de préférence à
tous les autres commentateurs de V itruve; fçavoir, Har-
douin Manfard, au tofcan de l’orangerie de Verfâillcs ;
François Manfard, au dorique du château de Maifons ; •
Philibert Delorme j. à Tïonique du palais des Tuileries;
Per rault, au corinthien du périftyle du Louvre ; LeVeau,
au compolîte du château du Rinci ; autant d’apologies
pour V ignole, & d’autorités pour nos jeunes architectes.
Cependant, il faut convenir que le plus grand nombre,
lorfqu’ils ont employé l’ïonique 6c le compolîte,
ont préféré les entablemens de Palladio ; exemple, l’ïo - :
nique de la façade de Verfailles, du côté des jardins, le
compolîte du palais des Tuileries, &c.
Lorfqu’on ne peut employer les trois membres de cet
entablement, quelquefois on lùpprime la frife, pour ne
compofer alors qu’une corniche architravée ; mais cette
licence n’eft bonne à mettre en oeuvre que dans lâ décô"
ration d’un appartement, 8c jamais dans les dehors,
malgré l’ulage inconfidéré de plulîeurs de nos artiftes à
cet égard, un entablement mutilé ne pouvant railônna-
blement fervir de couronnement à un ordre régulier,
ainlî qu’on le peut remarquer dans les façades extérieures
du château de Saint-Cloud, de celui de^Montmorencyi'
& ailleurs.
P L A N C H E I ^ .
Des balujlrades,
Les ordres d Architecture, dont nous venons de parle
r , ayant donné les proportions auxpiédeftauX &autf
entablemens, il eft naturel de penfer que tous les autres
membres qui appartiennent à l’Architeéhire , doivent
auflî tenir leurs proportions 6c leurs mefures de ces mêmes
ordres, 6c qu’il doit y avoir autant de chaque efpece
de membres qu’il y a d’efpeces d’ordres.
Les baluftres & les baluftrades, qui ordinairement fe
placent aux pieds des colonnes, ou qui leur fervent dé
couronnement, doivent donc non-feulement tenir leur
expreflion des ordres, mais être de cinq efpéces , pour
iatisKiire au caraCtere particulier de chacun d’eux confî-
déré féparément. Donnons les dimenfions de leurs prin-
. cipaux membres, d’après les mefures de celles qui nous
ont paru exécutées dans nos bâtimens avec le plus de
fuccès, 6c fans avoir égard à ce que nous en avons déjà
dit ailleurs.
^ Labaluftre, efpece de petite colonne,- a donné le nom
a la baluftr^dc, appui dont la hauteur eft ordinairement
reglee entre deux piés 6c demi, & trois piés un quart. Il
n eft eft pas de même des baluftrades qui fervent de couronnement
aux ordres d’ArchitcCture ; elles doivent en
apparence avoir le quart de la hauteur de la colonne, 8c
en realite up demi-module de plus.' C ’eft fur ces dernières
mefures que font deflînées les baluftrades de cette
Planche ; enforte que fi ces baluftrades de couronnement
dévoient fervir d’appui, ojj fupprâperoit hauteur du-
drchiKitiiref;
fôcle en-dedans, comme oh le Voit en A : car il faut ob*
ferver que dans tous les cas des baluftrades, le baluftrô
qui occupe la hauteur du dez B , foit égal au diamètre
de Tordre, 6c que la tablette C foit de la hauteur du
quart du baluftre; enforte que l’inégalité qu’on feraobli-*
gé dé donner aux différentes hauteurs dés baluftrades ,
fera portée fur celle du focle D , fans jamais rien changer
ni aux baluftres ni à fà tablette. Suppofons donc ici
une baluftradé de couronnement, 6c aflîgnons un moyen,
de parvenir facilement à la divifion de fès parties, moyen
qui fervira également aux baluftrades d’appui, excepté
pour ce qui regarde la hauteur des fôcles fiur lefquels fera
rejettee la différence qu’on eft obligé de donner aux baA
luftrades, a raifon de leur application dans l’art de bâtir.
Soit donhéè la hauteur d’une baluftradé a yb y réduite
au quart de Tordreplus un demi - module ; divifèz
cette hauteur a y b en neuf parties ; donnez-en quatre au
focle D , quatre au dez B , 6c uh’e à la tablette C.
Pour trouver les dimenfions du baluftre, divifez c , d
en cinq, 6c faites la hauteur du piédouche e d’une de ces
parties ; erifuite divifez ƒ , g en cinq, donnez une de ces
parties à la hauteur du chapiteau A,’ enfin divifèz la hauteur
i t k t entre le piédouche 6c le chapiteau, encore en
cinq, & donnez trois de ces divifîùns au col l , & d eu x
a la hauteur de la panfe rn.
La largeur du col aura la moitié de la largeur de la
panfe, 6c celle-ci le tiers de la hauteur du baluftre pour
l’ordre corinthien, & les deux cinquièmes pour la panfe
du baluftre tofcan, les autres par une moyenne arith-,
métique.
A l’égard des moulures qui diViferont les principaux
membres des baluftres 8c des baluftrades, elles doivent
être prifes dans celles des ordres auxquels appartiendra
chaque baluftradé. Les contours du galbe, du col 6c dé
la panfe doivent auflî dépendre de Texpreflion plus ou
moifts délicate dé l’ordré ; autrement on parviendroit
peut-être à faire un bon baluftre, mais qui li’étant pas
relatif à l’ordonnance dont il feroit partie, offriroit uti
baluftre ou une baluftradé tofcane fur une ordonnancé
corinthienne, ainfi qu’on le remarque au palais desTui-,
leties, ou une baluftradé corinthienne fur un ordre dô*
rique, comme on le Voit airLuxembourg.
P L A N C H E X .
Des portes;
Lâ proportion des portes, c’eft-à-dire lë rapport dé
leur hauteur avec leur largeur, doit dépendre de Tex-
preflîon de l’ordonnance dont elles feront partie. Les
anciens & la plus grande partie dés architeétes du dernier
fîecle, d’après le fentiment déVitruve 6c deVignole>
ont.donne à toutes les hauteurs de leurs ouvertures là
double de leur largeur. Nos modernes ont penfé que
cette hauteur commune à toutes les ouvertures, ne pou-
voit aller aux cinq ordres $ qui cbâciih Ont des proportions
différentes; en conféquence ils. ont confervé la
hauteur du double de l’ouverture, pour les portes toir
canesj eé double & un fixicme aux portes doriques j’
ce double 8c un quart * aux ïoniques ; 6c ce double 6c
demi, aux corinthiennes &compofites.
La forme des ouvertures eft encore, une chofe eflert*
tielle à ©bferver. Il s’en fait de quatre maniérés, fçavoir*
de furabaiflecs , comme la porte ruftique ; de plein
çeintre, comme la porte tofeanë & corinthienne ; dé
bombées , comme la porte doriqué; à plates-bandes *
comme la' porte ïdnique & la compolîte. Mais il faut
fçavoir que de ces quatre formes d’ouvertures * le plein
ceintre 6c la plate-bande font les plus' approuvées.
Après la proportion & la forme des portes, vient
l’application de leurs ornemens. Ceux des portes ruftf-
ques ne doivent être que' des bolïages a ; ceux des portes
tofeanes , des refends a ,* lés portes doriques peuvent
avoir des chambranles a y 8c être couronnées d’attique
b j les portés corinthiennes peuvent avoir des amortife
femens a , 8c être enfermées dans une four creufe * tel
qu’on le remarque à la porte de l’hôtel de Conty, dont
ce deflèin eft une copie ; les portes corinthiennes peuvent
avoir pour cnrichiflèment dés piédroits a , des ale*
tes b y des impolies c , des archivoltes d f- dés claveaux