V O Y A G E
n u i t ; mais le joui- suivant nous nous embarquâmes et fîmes Toile
pour la Nubi e, connue en Egypte, sous le nom de Vallée ou pays des
Barabras.
Ce n'est qu'après avoir passé le village d'El-Bab qu'on entre
dans cette étroite vallée. L e Ni l s'y trouve resserré entre deux chaînes
de montagnes granitiques assez élevées, tellement que parfois il
baigne le pied de l'une et de l'autre, et ce fleuve, au-dessus de
Mardar, ressemble assez au Rhône resserré par les montagnes du
Dauphiné et celles du Vivarais, entre Vivier et Donzère ; son cours,
plus rapide qu'au-dessous des cataractes, est aussi plus rempli d'écueils,
de sorte que les barques ne peuvent le remonter que par un
fort vent du nord.
Le peu de terrain compris entre les deux chaînes de montagnes
est divisé par les sinuosités du Nil en espaces plus ou moins grands,
suivant l'ouverture des vallées. Là s'élèvent de petites bourgades
composées de vingt , quarante, soixante et cent maisons plates, ou
plutôt des huttes de huit à dix pieds quarrés sur six au plus de
haut, où, comme en Egypte, hommes et animaux logent ensemble.
Tel est l'aspect de la Nubie jusqu'au village de Baude, où l'on
voit un magnifique temple d'une ordonnance qui ressemble à celle
du temple d'Edfou, mais qui est moins encombré.
Le sol que cultivent les Barabras est appauvri par les sables du
désert et par les débris des montagnes. Il ne reçoit jamais les bienfaits
d u Nil, que dans les crues extraordinaires, qui lui font plus de mal
qu'elles ne lui procurent d'avantages.
Les principales productions que cultivent les Barabras, sont les
diverses variétés de doura, holcus sorghum, le millet à chandelle,
holcus spicalus, qui est indigène et cultivé eu Egypt e comme fourrage ,
qu'on fait manger en vert, et qu'on y connaît sous le nom de doum-
¿araires, peu de blé et d'orge, beaucoup de loubiers (/¡aréo«) , des
pastèques, des melons, des concombres, le bannier, le mélochier,
vm peu de coton, etc., mais particulièrement le dattier, dont les fruits
surpassent, par leur grosseur et leur bonté, ceux de tous les canions.
del'Egypte.Ils ramassent aussi un peu d égommé arabique sur l'acacie
d'Egypte, le mimosa niloùca. LIN.
D A N S LA HAUTE EGYPTE.
Les irrigations s'y font en partie avec des roues à godets, mais plus
particulièrement par la main des hommes; et le Barabras conmie
l'Egyptien, mêle sa sueur à l'eau du Nil, qu'il tire journellement
pour fertiÙser le sol cjui le fait vivre; et les productions qu'il en
obtient sont presque aussi belles et aussi abondantes que celles de
l'Egypte, quoiqu'il cultive un terrain de qualité bien inférieure. I<es
dattes surtout, qu'on pourrait appeler la manne des Egypt iens , y sont
d'une saveur et d'une beauté rares.
Cet état brillant des cultures de la vallée des Barabras tient encore
à sa latitude, à son organisation particulière et à quelques autres
causes physiques, mais principalement aux deux chaînes de montagnes
très-élevées qui en encaissent le sol et y rendent les pluies
assez fréquentes. Ces pluies bienfaisantes enlèvent une poussière
impalpable qui recouvre les feuilles et les tiges des plantes, et dont
la présence est nuisible à la végétation.
La partie inférieure de la vallée des Barabras , connue en Europe
sous le nom de Nubie, est bornée à l'est par une étendue immense
de montagnes nues qui se prolongent depuis la rive droite du Nil
jusqu'à la mer rouge; et à l'ouest par d'autres montagnes et les
vastes déserts de Barca , dont les dunes mouvantes ofl'i-ent une aussi
grande stérilité que le côté opposé.
Cette contrée est brûlée, pendant plus de neuf mois de l'année,
par les rayons du soleil, qui acquièrent une nouvelle intensité étant
réfléchis par les montagnes environnantes. C'est probablement la
cause de la couleur noirâtre de la peau du Barabras, plus foncée
que celle de l'Egyptien placé au nord; tandis qu'au sud on trouve
le noir Abyssin aux cheveux crépus.
Cette nuance n'est pas la seule chose qui distingue les Barabras
des Egyptiens. Lorsque ces derniers subirent le joug des féroces
Arabes, qui les astreignirent même à adopter leur langage dur et
guttural, les Barabras, dans leur médiocrité, défendus par les cataractes
et des montagnes escarpées, conservèrent leurs moeur s affables
et la douceur de leur langue. Ils sont très-industrieux; mais les productions
de leur territoire, limité par des montagnes extrêmement
arides, étant insuffisantes pour les nourrir, il en descend en grande