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ces lieux, n'ayant rien à craindre de la tribu des kvahe^-Therahins,
avec lesquels nous étions en paix, et qui étaient campés tout près
d o ce village , distant d'environ deux lieues du Caire. J e m'y rendis
dès le lendemain , et j'y trouvai la plante qui faisait l'objet de mes
recberclies. J'en fis la description qui se trouve vers la fin de ce
Mémoire , et j'en desséchai quelques échantillons.
Anime par cette découvCTte, je redoublai de zèle pour tâcher
de trouver l'espèce dominante à larges gousses, que j'avais observée
au magasin de la palte; mais, malgré tous mes efforts, je ne pus
la découvrir aux environs du Caire.
Après avoir observé les opérations agricoles du vaste bassin
auquel commande la capitale de l'Egypte, je m'occupai du soin
de monter au Saïd, qui offrait u n nouveau champ à mes recherches
dans le même genre, et où, de plus, je pouvais espérer de satisfaire
mon désir de connaître enfin l'autre espèce de séné. Je fis part de
mon projet au général en chef Bonaparte , qui donna les ordres
nécessaires pour faciliter les moyens de l'exécuter.
Heureusement pour moi, M. Reignier, frère du général de ce
nom, fut nommé, dan« ce moment , administrateur, à l'eiFet de
monter dans la haute Egypte, pour accélérer la rentrée du miry ou
impôt territorial, destiné à l'approvisionnement des subsistances de
l'armée.
J e ne puis trop me louer du zèle généreux que M. Reignier a
rais à favoriser toutes mes opérations : il suffit de dire qu'il est ami
des sciences , et que l'agriculture fait l'une de ses plus chères
occupations.
Ce fut sur la fin de germinal an 7 que nous nous acheminâmes
pour aller visiter cette partie de l'Egypte au-dessus des pyramides
qui confine le Delta Je parcourus successivement les provinces
de Bcné-Soiief, Fayoum, Minié, Sioul et Girgai, et je parvins jusqu'à
Carnak sans rencontrer aucune des espèces de séné.
. Ces! dans celte conlrée que je me présentai au général Dessaii, eommandanl en ehefl a province
di, Said, aussi ïélé proteelenr des sciences que grand capitaine. Il me témoigna tant de l.onte et de
générosité, que je ue puis me dispenser de rendre à sa mémoire le faible tribut de ma reconnaissance.
J e dois ce même tribut à tous les officier^généraux et autres, et aux chefs dadm.mst ratmn, , ,u,
tous m'ont favorisé et secondé dans mes travaux. Je le dois en particulier à M. Theveum, admimstrateurgcnéral
des équipages de l'armée.
D A N S LA HAUTE EGYPTE. S
E n observant les cultures qui environnent les superbes ruines
d u palais de Carnak et de Luxor, je remarquai quelques pieds du
même séné que j'avais déjà cueilli aux environs de Bassa-Tine; mais
il devient plus commun à mesure qu'on remonte la vallée , et déjà
on le rencontre en grande quantité sur la rive droite du Ni l , en face
d'Hermuntis, où les Fellach, comme les habitans de Bassa-Tine le
nomment séna-belledy ou sauvage. Il croît naturellement parmi le
doura, holcus sorghum, U s , que ces fellach cultivent ; ensorte qu'après
avoir récolté ce dernier, ils font une ou deux coupes de séné, sans
se donner aucun soin.
Arrivé ixEsnech, j'en parcourus le territoire, dans lequel on voit
le séné belledy parmi les champs de doura, comme dans les terres
incultes; et, après avoir terminé mes courses agricoles dans les
environs , je visitai l'entrepôt de séné qui est dans la ville.
J e me fis ouvrir plusieurs balles, dans lesquelles le séné était
presque aussi brisé que celui que j'avais vu au Caire; et ma surprise
f u t extrême de ce qu'une d'elles était entièrement composée d'une
espèce de cynanchum, étrangère à tout ce que j'avais vu jusqu'alors.
Ce qui m'étonna davantage, fat de l'entendre nommer sena-Mehky,
séné de la Mecque. Le cheik qui tient l'entrepôt d'Esnech me dit
que cette plante se nommai t aussi oigue/; il ajouta qu'elle possédait les
mêmes vertus que le séné, et que les giiellaps, marchands d'esclaves,
qui l'apportent du pays des Barabras , la vendent pour du séné.
J e remarquai qu'on préparait dans cet entrepôt le séné de même
qu'au Caire, c'est-à-dire, qu'on séparait des tiges les feuilles et les
follicules, pour les remettre dans les mêmes balles et les conduire
à la ferme générale de Boulak. Le cheik m'observa que l'extraction
n'était faite que dans l'intention de diminuer les frais de transport,
pouvant, par ce moyen, mettre sur une barque le chargement
de deux. Mais le séné-belledy, que j'avais vu coupé et séché par
petites parcelles de l'autre côté d'Hermont i s et aux environs d'Esnech,
n e me permettait pas de croire que ce fût la seule cause.
J e parcourus successivement les plaines de Tlièbes, d'Hermontis,
d'Esnech et d'Edfou ; mais en observant la culture des environs de
Darao, j'aperçus aussi des petits tas de séné-belledy étendus au soleil.
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