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•l'oppris qu'on le vendait à Damo ou à Esnech, les trois quai ts moins
que le séné' apporte par les caravanes (le Nubie et des Arabes
Béeberiés.
Une de ces caravanes était arrivée depuis peu à Darao. Elle
avait,.outre les marcliandises qu'elle apporte ordinairement, beaucoup
de ballots de séné. Je donnai quelque argent pour qu'on m'en
ouvrit plusieurs, et je trouvai dans les uns le séné à larges gousses,
que les marchands appellent séna-guébellf, séné des montagnes; dans
d'antres l'arguel ; d'autres ballots contenaient le mélange des deux
espèces. Seulement je leur fis voir le séné-beiledy, qu'ils reconnurent
sous le même nom , ajoutant que c'était un séné sauvage qui occasionnait
des coliques à ceux qui en faisaient usage. Ils m'ob.servèrent,
commeà Esnech, que le séné des montagnes et l'arguel ne venaient
qu'à trois journées au-dessus de Sienne.
J'arrivai enfin à Sienne, située sur la rive droite du Nil, en
face de la petite île Elépliantine, qui termine l'Egypte au-des.sous
des cataractes. J'avoue que, malgré la distance qu'on m'avait dit
être entre Sienne et l'endroit où croît le séné des montagnes et
l'arguel, je m'attendais à en rencontrer quelques pieds ; mais bientôt
l'expérience me prouva le contraire : malgré la multiplicité de mes
courses dans les environs, je n'observai que le séné de la Thébaïde.
Réduit aux informations, je m'adressai au citoyen Piquet, commandant
cette frontière. Il m'aida de son crédit, et nous parcourûmes
ensemble tous les entrepôts de séné qui sont à Sienne. Partout,
comme à E sne c h et à Darao, je rencontrai le séné guebelly et l'arguel
sans mélange. Néanmoins , les petites javelles de séné-hdledy que
j'avais vues aux environs de Sienne me laissèrent, avec raison,
des doutes sur la fidélité de ceux qui entreposent cette denrée.
J'interrogeai les cheicks de la ville, qui jouissent d'une grande
considération , et ceux d'une caravane qui venait d'apporter du
séné. Tous s'accordèrent à dire que le séné à larges gousses et l'arguel
croi.ssaient, <à trois jours de distance, dans les montagnes au-dessus
•de Sienne. Ils re'pondirent à beaucoup de questions que je leur fis
sur ces plantes, et comme j'ai eu occasion de vérifier la vérité de
leurs réponses, je rapporterai plus loin les observations que j'ai faites
D A N S L A HAUTE EGYPTE. 7
surleslieux,etlesrenseignemens qu'il était indispensable d'y prendre.
J e ne pouvais cependant me défendre de quelques doutes sur la
distance à laquelle on m'avait assuré que croissaient ces plantes
précieuses. Pour les éclaircir, j'offris dix gourdes ( S3 llv. 10 sous)
à celui qui me montrerait un seul pied vivant, tant du veritalde séné
que de l'arguel. Quelque séduisante que fut cette proposition à
l'égard d'hommes qui travaillent pendant tout le jour poui- huit
médins ( 6 sous de notre monnaie ) , néanmoins elle n'eut aucun
' effet, et tous me répondirent que, quand bien même je leur donnerais
cent goui-des, il serait iiTipossible de m'en procurer un pied. On
verra bientôt que le hasard m'a mieux servi.
Cependant, un des individus que j'avais voulu intéresser au
succès de mes recherches prétendit qu'il était sûr de trouver les
plantes que .je desirais dans les montagnes au sud-est de Sienne,
et à la distance de quatre à cinq heures de marche, ajoutant (|u'on
ne pouvait y aller, à cause des Arabes Ahadis, qui étaient nos ennemis.
Tous ses camarades nièrent le fait.
L e commandant Piquet promit une escorte pour écarter toute
crainte ; mais il me fallut différer ce petit voyage , car je me trouvais
alors réuni à la commission envoyée par le général Bonaparte pour
visiter les monumens de la haute Egypte, et avec laquelle je partis
dans l'après midi pour l'île Phillé.
Après avoir franchi l 'immense surface de décombres qui couvrent
le terrain qu'occupait jadis la ville de Sienne, on entre dans un pays
qui n'offre plus que des montagnes granitiques de différentes hauteurs,
et absolument dénuées de toute végétation.
Les torrens desséchés qui séparent ces montagnes, ou mieux ces
rochers, offrent partout des sables stériles, résultats de leur dégradation.
Tel est le contraste affligeant que l'on rencontre en quittant
la riche et fertile vallée de l'Egypte.
Pendant trois à quatre heures de marche au milieu des montagnes
pour se rendre à Phillé, on suit continuellement les restes d'une
muraille, épaisse de quinze à dix-huit pieds, construite en pierres
et en briques cuites au soleil.
C e monument, dont je n'entreprendrai d'expliquer ni l'âge ni