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(jn'clles en sont friables. Excepté quelques groupes de palmiers que
l'on voit à de longs intervalles sur les bords du canal d'Alexandrie
et sur la'prescprile qui conduit d'Alexandrie à Aboukir , on n'aperçoit,
de quelque côté que l'on porte ses regards, que des dunes
stériles.
Le séné est aussi étranger à Alexandrie qu'il l'est à nos villes de
commerce maritime. Cette cité n'est qu'un entrepôt où cette production
aboutit pour passer en Europe, comme elle arrive à Marseilles
pour se répandre dans toute la France.
Pressé par le but que je m'étais proposé dès le commencement de
mon vo^'age, je parcourus successivement les environs de Rosette,
de Damiette , du Caire, et tout l'espace que renferme ce vaste triangle
appelé le Ddm. Partout j'y rencontrai des cultures qu'il m'était
intéressant d'observer, et dont j'aurai occasion de parler dans mes
Mémoires sur l'agriculture : mais j'y cbercliai vainement le séné.
Les babitans d'Alexandrie avaient répondu aux questions que je
leur avais faites sur cette production, d'une manière très-équivoque ;
et tout ce que je pus apprendre d eux, c est que le séné leur arrivait
directement du Caire. Dès mon arrivée dans cette capitale, mon
premier soin fut d'aller visiter le citoyen Rozetti, alors paltier
(fermier) de l'entrepôt exclusif du séné établi à Boulak (les babitans
nomment cet entrepôt OukalelsénéMekky). Le citoyen Rozetti,
homme instruit et très-obligeant, m'introduisit avec affabilité dans
tous ses magasins.
J ' y vis d'abord celui où se prépare le séné qu'on fait passer en
Europe. Cette préparation consiste à séparer des tiges les feuilles
et les follicules, dont on fait de grosses balles de forme à-peu-près
ronde, du poids de 7 à 8 cantars ( S60 à 640 livres, poids de
marc ).
•l'y remarquai des gousses, dont les caractères dilTérens indiquaient
évidemment deux espèces, et j'en pris des échantillons,
afin de les comparer, si j'en trouvais l'occasion, avec celles des plantes
vivantes.
Ayant fait au'j:)altier plusieurs questions sur le mélange des espèces
et sur les lieux d'où il les tirait, j'appris seulement qu'elles étaient
D A N S LA HAUTE EGYPTE. 3
apportées par des caravanes à Sienne, et delà transportées au magasin
général ;i Boiâak, par la navigation du Nil; que les bâtimcns des
ports de la mer rouge qui transportent les marchandises de 1 liiile et
le café de l'Yemen à Cosseïr et à Suez, prenaient aussi quelquefois,
mais rarement, des balles de séné pour compléter leur chargement.
Les balles de séné étant très-volumineuses, et d'un transport
difficile et dispendieux par les caravanes, il en résulte une augmentation
dans le prix du séné apporté de Suez au Caire, oil les
marchands sont obligés de le verser à la paite, et de le livrer au
même prix que celui qui vient de Sienne : d'où il suit que. les
marchands de Suez, ne pouvant soutenir la concurrence avec ceux
de Sienne, n'en apportent que peu ou point du tout. J e tiens même
du paltier, qu'il y a des années où il n'en vient pas une seule balle
par Suez.
Ne pouvant obtenir des renscignemens plus détaillés, je me retirai,
dans l'intention de ne rien négliger pour me procurer les espèces
dont j'avais les échantillons. Je visitai, mais infructueusement,
tous les environs du Caire où l'on pouvait aller sans craindre les
Arabes-Bédouins. Bientôt je pris le parti d'envoyer un homme du
pays me chercher des plantes dans le désert, où l'on ne pouvait
pénétrer sans une foi-to escorte. Forskhael avait employé ce moyen
pendant son séjour en Egypte.
Dès que cet homme fut un peu au fait, il me rapporta des plantes
et des graines extrêmement intéressantes. J e desséchai avec soin les
premières, et gardai précieusement les secondes, pour les envoyer en
France. Un jour il me surprit agréablement en me rapportant une
espèce de séné pourvu de fleurs et de fruits, qu'il me nomma senabettedy
,iéïié du pays. (LesEgyptiens donnent généralement le surnom
de belledf à toutes les plantes indigènes, et celui A'arahy à toutes colles
qui sont exotiques. )
La comparaison que je fis de cette plante avec les échantillons
de la paite m'apprit qu'elle appartenait à l'espèce dont les gousses
sont contournées. Mon pourvoyeur me dit qu'il l'avait cueillie aux
environs de Bassa-Tine, village situé à l'entrée de la vallée de l'Egarement,
et qu'elle n'y était pas abondante. Je résolus d'aller visiter