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que, dans tons les endroits où nous passions, la plus grande partie
des 'plantes avait été broutée jusqu'à la racine, par les gazelles, les
aulruches et le mouflon, tandis que le séné avait été respecté (La
même chose arrive à l'égard du séné bellody et l'arguel).
Après uno des journées les plus fatigantes que j'aie essuyée de
ma vie, nous arrivâmes derrière le village d'Elbab, d'où nous nous
rendîmes très-tard à Phillé. J'appris qu'il en devait partir le lendemain
un détachement pour Sienne. Je résolus d'en profiler, pour
m'assurer si, comme on me l'avait dit, le séné venait dans les montagnes
situées à peu de distance vers l'est de cette ville. 11 n'était
que huit heures du matin lorsque nous y arrivâmes.
J'allai ensuite trouver le commandant , qui se montra aussi bien
disposé que la première fois. I l me promit une escorte montée sur
des chameaux, à laquelle il ajouta u n dromadaire pour moi ; et dès
le lendemain, je partis avec l'homme qui m'avait donné les renseignemens
dont j'ai parlé.
A u sortir de Sienne, nous fîmes route entre les décombres de
cette cité et la forêt de Dattiers située à l'est; puis nous entrâmes
dans les montagnes calcaires, moins élevées que les montagnes granitiques,
auxquelles elles touchent. Elles sont, comme ces dernières,
très-coupées et non moins stériles.
Après avoir marché pendant pre-sque toute la matinée dans les
nombreuses vallées qui les séparent, sans rencontrer un seul pied
de séné ni d'arguel, nous arrivâmes à celle de Darao, que nous
traversâmes, dirigeant nos pas vers le nord. Je remarquai enfin
quelques chétifs pieds de séné, mais point d'arguel.
Ayant changé de vallée pour entrer dans une plus grande qui
court à l'est, je ne tardai pas à découvrir, à ma grande satisfaction ,
quelques pieds d'arguel pourvus de fleurs et de fruits. La comparaison
que j'en fis avec les échantillons que j'avais ne me laissèrent
aucun doute que ce ne fût la même espèce. Mon guide la reconnut
aussi.
Aussitôt cjue j'en eus fait la description, nous dirigeâmes nos pas
d u côté de l 'Egypte, et nous t rouvâmes beaucoup de groupes d'arguel
récemment coupés (c'était la seconde coupe). Vers le coucher du
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soleil, nous prîmes une grande ravine qui nous conduisit à F.l-/igaf,
situé à quatre lieues de Sienne. Tout le pays que nous pareoun'unes
dans cette journée fatigante ne nous oiFrit que des montagnes nues
et stériles, qui, au loin, semblaient s'élever davantage à raison de
leur plus grande proximité de la mer rouge.
Le peu de plantes étrangères à l'argue! ou au séné que nous rcneontr<
âmes, étaient, comme nous l'avons dit, broutées jusqu'aux
racines. Cette vérité prouve que la nature, en destinant ces plantes
au soulagement de l'espèce humaine, les a pourvues d'une saveur
propre à les faire respecter des animaux; et ce précieux médicament
est la seule ressource que ces contrées stériles offrent, dans leur état
actuel, à l'industrie des hommes.
J ' a i dit qu'il était nuit lorsque nous arrivâmes à El-Agqf, cpii est
au pied do la chaîne arabique. La lueur de la lune aurait pu éclairer
notre marche pour Sienne, mais nous étions si fatigués, que nous
fûmes obligés de prendre quelque repos. Le lendemain, nous rencontrâmes
dans notre route divers pieds d'arguel, et le succès ayant
passé mes espérances, je rentrai à Sienne avec une satisfaction C[ui
n e peut s'exprimer.
J ' y trouvai le général Beillard qui organisait une petite expédition
pour la Nubie, faisant monter à cet effiit, par les cataractes, une
d'jerme armée ( embarcation du Nil pontée aux deux extrémités
seulement).
Après lui avoir fait part de mes recherches sur les sénés, et lui avoir
témoigné le désir de prendre encore de plus amples connaissances
sur ces espèces qui venaient abondamment dans le pays où il se
proposait de remonter, ce général , ami des sciences, m'invita à faire
ce voyage, et il m'assura qu'il m'aiderait de son pouvoir.
Le lendemain, dans l'après-midi, nous partîmes avec une colonne
militaire pour Phi l lé, où nous arrivâmes au coucher du soleil, après
avoir rencontré les deux commissions qui s'y étaient réunies et qui
se rendaient à Sienne.
La d'jerme n'était pas encore arrivée, tant elle avait éprouvé de
difficultés à franchi r la cataracte. Cependant , à force de bras et après
de grands efforts, elle parvint à Phillé, où nous bivouaquâmes la
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