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l'utilité, se |)i'olonge nord et sud, en longeant la rive droite du Ni l , de
Sienne à Pltillé, et jusqu'au-delà ^El-had (village de la porte), où
inal-à-pi'opos les liommes ont fixé les limites de l'Egypte, que la
n a t u r e posa réellement à Sienne, où l'aspect du paj s eliange brus-
([uement, comme je l'ai dit dans mon Mémoire sur la zoologie de
l'Egypte.
O n arrive à Phillé par la grande vallée de l'est, qui se termine
vis-à-vis cette petite île si r enommé e dans la mytliologie égyptienne.
E l l e fut en pai-tie couverte de monumens , dont on peut prendre
une idée par deux temples que le temps a épargnés. L'un est à ciel
d é c o u v e r t , décoré de magnifiques bas-reliefs. L'autre est un vaste
édifice, orné d'un péristyle, d'une seconde cour, d'une galerie et
de deux grands môles, au milieu desquels est la porte principale,
située au sud. L'édifice e s tprécédé des restes d'une superbe colonnade,
dont l'un des côtés borde la branche du Nil qui sépare Pliillé de
l'île Beguet . O n remarque encore u n très-beau quai par où on aborde
à Phillé.
Cette île est située dans un petit bassin, environné de toutes
parts par un chaos de montagnes granitiques.
La grande vallée de l'est n'offre que des sables aussi stériles que
les rochers qui l'environnent. On voit près de son entrée les ruines
d ' u n petit village, parmi lesquelles on remarque deux sarcophages
couverts d'hiéroglyphes.
L a belle et riante vallée du sud, dans laquelle coule paisiblement
le Nil, annonce les cataractes, ou mieux, ce courant rapide qui
commence au-dessous de Pliillé.
Sur la rive occidentale de ce fleuve sont situées les bourgades
OiEl-hccé, et sur la rive occidentale les villages tXEUbah et El-micheue,
que le Ni l réfléchit, de même que la tête des palmier s qui le bordent,
avec leur rougeâtre et pendant régime.
A l'est de l'île Beguette, est un enfoncement demi - circulaire
borné par d'énormes rochers.
Cette portion, cultivée par gradins, est terminée par quelques
masures. Au milieu s'élève un petit temple égyptien, auquel est
adapté un portique ceintré, de construction romaine.
D A N S LA HAUTE EGYPTE. 9
L'échappée du nord présent e une partie des cataractes. Ce courant
est embarrassé par les îlots et les pointes saillantes de rochers à travers
lesquelles le Nil s'élance avec radipité, et occasionne au loin un
bruit qui contraste avec le silence qui règne à Phillé.
Delà on remarque, dans l'un des îlots où la cataracte prend
naissance, un énorme bloc de granit de 3o à 35 mètres de haut,
verticalement placé par la nature : il présente la forme d'un fauteuil.
Les angles de ce rocher, jusqu'à une certaine hauteur, comme tous
ceux qui environnent Phillé, furent sans doute arrondis par les
eaux qui, dans des temps très - reculés , affluaient par le détroit
des cataractes, et qui entraînèrent successivement des contrées du
tropique , jusqu'aux moindres vestiges de la terre végétale. Ces lieux
n'offrent plus à l 'oei l du voyageur que l'image affreuse de la nudité.
E n visitant les monumens de Phi l lé, j 'aperçus, dans un des angles
d u quai, des ballots de séné à larges gousses, et d'autres d'arguei.
J e crus que ces substances étaient le produit des environs. Je les
parcourus aussitôt; mais partout je ne vis que l'espèce de séné qu'on
trouve en remontant depuis Thèbes. Elle est aussi considérée comme
sauvage par les babitans.
E n vain je leur offris une récompense assez considérable, s'ils
me montraient un seul pied de séné ou d'arguei ; sans avoir égard
à la distance déjà parcourue, ils me renvoyèrent pareillement à
trois journées au-dessus de Phillé.
Tous ceux que j'avais interrogés jusqu'alors sur le même objet
m'avaient fait la même réponse.
Mais l'impossibilité de pénétrer dans ces contrées sans une force
armée assez imposante, me faisait perdre l'espérance de voir le séné
à larges gousses et l'arguel.
Fatigué de recherches pénibles et toujours infructueuses, j'allais
rentrer à Phillé, dans l'intention de retourner à Sienne, pour faire
u n e dernière tentative dans l'endroit qu'on m'avoit indiqué, lorsque
l e hasard me fit rencont rer , aux environs du village ruiné dont nous
avons parlé, u n pied de la plant e qui faisait l'objet de mes recherches.
A son aspect, quoiqu'elle fût dépourvue de fleurs et de fruits,
je ressentis la plus grande joie. 3