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On nous objeétoa qu’en nous réduifant à copier des figures déjà publiées, & qu’en donnant
les détails de tous les genres qui ont été figurés dans les ouvrages des Botaniftes, en
prenant pour bafe de ce travail les figures des Inftitutionès rei herbarix de Tournefort, nous
pouvions avec ce moyen former un corps d’ouvrage d’un très-grand intérêt pour ceux qui
étudient la Botanique.
Cette confédération eft affurément très-fondée : mais quoiqu’il y eût une utilité évidente
pour l’étude de la Botanique à redonner dans un même ouvrage tous les détails figurés &
publiés fur les genres, détails difperfés dans beaucoup d’ouvrages difîerens ; cette utilité fe-
roit moindre fans contredit qu’on ne l’imagine d’abord. La raifon en eft, qu’ un grand nombre
de ces figures de détails, même celles de Tournefort, font très-défe&ueufes; outre que
la plupart ne représentent pas les étamines des fleurs, ou qu’elles n’expriment pas leur véritable
forme, & fur-tout leur infertion.
Convaincu de la vérité de cewe obfervation, & fur-tout perfuadé que pour donner un
généra planiarum avec des détails figurés dans le degré de précifion 8c de perfeétion qu’exige
l’état actuel de nos connoiflances, il feroit indifpenfable de faire defiiner de nouveau fur le
vivant, la fruétification de la plupart des genres établis par les Botanifles ; enfuite confidérant
que cette entreprife (que peut-être on n’exécutera jamais à caufe de fa difficulté ) exigeroit,
outre une très-grande dépenfe , l’emploi d’un temps extrêmement lo n g , dont il n’eft pas en
notre pouvoir de difpofer; nous avons penfé que fi nous ne pouvions donner à notre ouvrage
fur Vlllujlration des Genres, ce haut degré de perfedion que nous venons d’indiquer &
dont nous favons apprécier tout le mérite ; il nous étoit poffible néanmoins de lui donner
un grand intérêt, & même de le rendre bien ftipérieur en utilité pour l’étude de la Botanir
que, à tous ceux qu’on a exécutés pour le même objet jufqu’ à ce jour.
Pour y parvenir, nous avons confidéré que puifqu’il ne nous étoit pas toujours poffible
de donner pour tous les genres connus des détails figurés avec la précifion & les développe-
mens néceffaires pour l’intelligence parfaite de ces détails, nous devions fuppléer ou com-
penfer cette elpèce d’imperfeétion par un autre genre d’intérêt.
En conféquence, nous avons penfé qu’aux meilleurs détails qu’il nous feroit poffible de
donner fur la fruétification de chaque genre de plante, fi nous y joignions Tinflorefcence St
même une partie du port d’une ou plufieurs efpèces de chacun dé ces genres ; nous rendrions
alors cet ouvrage infiniment utile aux progrès de la Botanique , & nous lui affurerions par
ce moyen ttne grande fupériorité fur tous les autres ouvrages qui exiflent & qui ont en vue
le même objet. Nous doutons même, à caufe de l’étendue de l’ouvrage 8c des frais confidé-
rables que fon exécution doit ex ig e r , nous doutons que l’on faffe jamais pour la Botanique
une plus grande & à la fois une plus belle entreprife.
Pour trouver les détails dont nous avions befoin , nous avons puifé dans les meilleures
fources ; nous avons mis à contribution tous les ouvrages que nous avons pu nous procurer;
& nulle part nous n’avons adopté les figures de détails que ces ouvrages nous o Broient,
fans faire fur leur convenance toutes les recherches qu’il nous étoit poffible de faire, & fan«
mettre une auentiçn particulière, foit dans le choix ou fadnriflioa de ces figures, fort dans
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Jes développemens, les additions & les corrections que nous devions y faire, & dont la ri-
cheffe de notre herbier nous fournilîoit fouvent les moyens.
Une autre forte d’intérêt que nous avons encore lâché de donner à noire nouvel ouvrage,
c’eft que .dans les genres qui comprennent plufieurs efpèces, après avoir donné pour premier
exemple du genre une efpèce bien connue ; nous avons très fouvent ajouté comme autre exemple
du même genre, une ou plufieurs efpèces très-rares , tantôt tout-à-fait nouvelles, &
tantôt déjà connues, mais qui n’étoient encore figurées nulle part. Cette fconfidération, à
ce qu’il nous fembie, ne peut que rendre l’ouvrage dont il s’agit , précieux aux yeux de
ceux qui aiment véritablement la Botanique.
Nous devons convenir que la difpolition des premières planches fe reffent Beaucoup de
l’influence produite par la célérité d’exécution qu’on nous a demandé particulièrement en
commençant cet ouvrage, par le peu d’habitude que les artifles employés avoient de ce
genre de travail, ce qui efl caufe que beaucoup de détails n’ont été copiés ou rendus qu’avec
beaucoup d’imperfeétion ; enfin par l’efpèce d’incertitude que nous fûmes d’abord forcés d’éprouver
nous mêmes, fur ia nature & le mode d’emploi des objets que nous devons em-
braflèr. Mais nous efpérons qu’on s’appercevra que notre plan devenant enfuite plus régulier,
plus foutenu ; qu’en outre les artifles employés fe mettant infenfiblement plus au fait
de ce qui doit fixer principalement leur attention, l’ouvrage dont il s’agit ne peut qu’augmenter
d’intérêt : & nous efpérons qu’il acquerra celui que les circonflances qui prélideut à
fon exécution lui permettront d’obtenir.
Si les genres font préfentés & difiribués dans cet ouvrage félon l’ordre du fyflême fexuel
de Linné, ce n’ eft point parce que nous regardons cet ordre comme étant le meilleur de
ceux qu’on a imaginés jufqu’à ce jour, car nous femmes bien éloigné de le penfer ( Voyc^ le
difeours préliminaire de notre T)i&. de Botanique, p. s.6.) ; mais c’efl parce qu’étant le feul auquel
On ait rapporté en général prefque tous les végétaux connus, il eft par là piefque généralement
fuivi de tons ceux qui étudient aâueilement la Botanique. Ainfi quoiqu’il eût pu
être infiniment avantageux de conferver dans cet ouvrage l’ordre des rapports les plus avoués,
& de ne point dilacérer par des réparations révoltantes les familles les plus naturelles, comme
le fyflême de Linné l’exige prefque par - tout ; nous nous fournies rendus au defir qu’on
nous a témoigné à cet égard, & fur-tout à celui de rendre cet ouvrage le plus commode
qu’il feroit poffible, polir l’ ufage du plus grand nombre de ceux qui étudient maintenant la
Botanique.
D’ailleurs la plupart des ouvrages de Botanique les plus modernes préfentent les végétaux
dont ils traitent, rangés félon le fyflême de Linné; & en effet ce fyflême eft le plus commode
de tous pour favorifer la publication de quantité d’ouvrages d’un intérêt médiocre ,
{ comme des catalogues, &c. ) dans lefquels fouvent on ne trouve pas une obfervation originale,
& pour autorifer même les prétentions de .ceux qui, habitués à fuivre une routine
aveugle , font incapables de concevoir eux-mêmes aucune vue nouvelle.
Un pareil ordre a donc dû néceffairement obtenir une préférence prefque générale fur
tous les autres, & devenir pour ainfi dire à la mode. Audi on nous eût accufé d’une partialité
condamnable, quelque raifonnabie qu’elle pût être dans fon principe, fi dans la compofition