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fcdgenuscharaSerem. Philof.Bot. p. 123 , np. 1 69.
Linné comptoit fans doute que d’après fon autorité
, ce prétendu principe ne ferait jamais fournis
à aucun examen : il prévoyoic même qu'il fe
trouverait des auteurs qui en feraient lléloge,
comme d’une belle découverte; & qu’en confé-
queiiçe toutes les affociarions qu’il lui plaifoit de
former, devoientpaffer fans exception pour l’ouvrage
même de la nature.
Nous allons rapporter ici l’addition imprimée
a la fin du premier volume de notre Flore Fran-
çoife ( p. 131. ) , & dans laquelle notre fentiment
fur les moyens de parvenir à établir des diftinétions
génériques convenables ' & bien tranchées , fe
trouve exprimé d’une manière affez claire.
Quand je dis qu’il ne faut pas avoir égard aux
rapports des plantes dans la formation des genres,
q u i, félon moi, ne peuvent être qu’artificiels ; je
ne prétends pas pour cela donner comme genres,
des affortimens bizarres où la loi des rapports fe
trouverait entièrement violée ; je yeux dire feule-
ment que les caractères à l’aide defquels on tracera
les limites qui déterminent les genres, ne doivent
être gênés par aucune des confidérations qui entrent
dans la formation d’un rapprochement de
rapports, c’eft-â-dire d’un ordre naturel. Mais bien
loin que les' efpèces qui compoferont un même
genre foient difparates, le caraétère artificiel qui
les unira, fera choifi de maniéré à leur eonferver
les unes à l’égard des autres , le rang même
quelles occuperont dans la férié naturelle des
plantes,
Ainfi-, après avoir formé cette férié d’après les
principes qui feront expofés dans la dernière partie
de ce difcours , il faudra tirer de diftance en
diflance des limites artificielles , qui détacheront
autant de petits grouppes , dont les plantes feront
lices à l’aide d’un earaâère fimple, ou d’un petit
nombre de caraâères combinés que l’on ne tirera
point exclufivement des parties de la fruéfification
( mais de toute partie quelconque qui en offrira
dé convenables ), Ces grouppes feront les genres '
A C T I O N ,
dont nous avons parlé, genres qui fe rapprocheront
de la nature autant que le peut l’ouvrage
de l’arc.,
Si l’on faifit bien notre idée , on ne croira pas
que nous prétendions que les limites véritablement
artificielles qu’il convient de tracer dans la férié
des végétaux rapprochés d’après leurs rapports naturels,
doivent fe tirer à l’aide de caractères pris
librement dans les parties du port des plantesq
nous fommes au contraire très-convaincus que, tant
qu’on le pourra, l’on devra tâcher d’obtenir les ca-
raéteres diftinâifs des genres uniquement des parties
de la fructification. Mais dans les cas où ( comme
dans les familles très- naturelles ) ces parties n’of-
friroient point dé différences dignes d’être employées
comme caractères, ou n’en offriraient que
de minutieufes & d infuflifantes 3 nous penfons
qu alors feulement on peut leur adjoindre comme
caraCteres fecondaires, des confidérations prifes
dans quelques parties du port, fi cestonfidérations
offrent des caractères bien tranchés, & furtout fi
elles n’exigent aucun déplacement des efpèces convenablement
rapprochées d’après leurs plus grands
ports.
i Un « « “ pie pour donner tout l’éclairciffement
néceffaire à l'intelligence & au fondement
de cette opinion.
Linné , dans fon genre trifolium qui ell déjà
très-nombreux en efpèces, y comprend encore
tous les melilots que nous diftinguons comme appartenant
à un genre particulier, que nous nommons
melilotus, & auquel nous attribuons le ca-
raétère fuivanc.
Flores trifolii ; legumen calycc longius, non
teclum.
Folia tzrnata : foliolo impart petiolato.
Le cara&ere fecondaire que nous ajourons â
celui de la fructification, eff confiant dans toutes
les efpèces de mélilot, & ne fe rencontre dans
aucun trefle, ceux-ci ayant tous les trois folioles
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de leurs feuilles également fefliles ou prefque
feflîles.
4 Nous terminerons ces réflexions par une remar- ,
que fort importante» & à laquelle on doit avoir
Jinéceflairemem égard, fi Ton veut contribuer à
^ ’avancement de la Botanique : elle eft compofée
;^.des confidérations fuivanres*
| Si Linné , au lieu d’attribuer lés genres à la
nature, eût confidéré les genres comme devant
• ’être des aflemblages d’efpèces rapprochées d’après
leurs plus grands rapports y & en même-temps
des aflemblages bien détachés les uns des autres
par des limites artificielles ( comme le font même
celles qu’on obtient des parties de la fructification
) 3 il eût prefcrit les loix convenables pour guider
dans l’érabliflement des limites de ces aflemblages.
Par ces loix, il eût prévenu êc modéré
l’arbitraire qui exifte chez prefque tous les auteurs
modernes de Botanique, qui, fans autre règle
que leur bon plaifir, innovent continuellement,
quelquefois en réuniflant plufieurs genres en un
ifeul , mais plus fouvent en formant avec les
efpèces d’un genre déjà établi, plufieurs genres
qu’ils diftinguenc par certaines confidérations
choifies pour cela,
L objet eflentiel de la formation des genres
eft abfolument de diminuer la quantité de noms
principaux a retenir dans la mémoire , quantité
qui feroic enorme, fi l’on donnoit un nom
fimple à chaque plante. On peut dire en quelque
forte qu'il en eft des genres en Botanique , comme
des conftellations en Aftronomie : celles-ci dif-
penfent de donner un nom fimple à chaque étoile
vifible 3 or, le nombre des conftellations admifes
l|étant beaucoup moindre que celui des étoiles connues,
on le retient plus facilement par coeur &
defcend plus facilement enfuite dans le détail
V des étoiles de chacune de ces conftellations.
B après cette confidération , il eft évident qu’il
y a neceffairement deux fortes d’égards à avoir
dans l’établiflèment des genres, c’eft-à-dire dans
^ la diftnbution des lignes de féparation que 1 on
choisis pour les former.
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i° . 11 importe que les’genres ne foient pas trop
nombreux en efpèces : en effet des genres qui comprennent
un très-grand nombre d’efpèces , comme
celui du géranium qui en a maintenant 1 3 1 , celui
du lichen qui en a plus de 1S0, &c. & c ., font
deféflueux en ce que les caradtères 5c les noms des
efpèces fe retiennent fort difficilemeifr. Dans des
cas. femblables nous regardons comme très-utiles
les changemens que feront les Boraniftes, lorfqu’ils
'réduiront ces grands genres', qu’ils les divife-
ronc, & formeront d’un feul d’entr’eux, deux ou
trois genres particuliers, bien diftiugués par des
limites tracées d apres telle confidération que ce
foit , pourvu que les caradtères adoptés foient
conftans & circonfcrics.
a°. 11 eft enfuite fort néceffaire que les genres
ne foient pas trop réduits, & qu’en général ils
comprennent, autant qu’il eft poflïble, un certain
nombre d’efpèces; car l’inconvénienc d’en avoir trop
peu , eft auffi nuifible â la connoiffance des plantes,
que celui d’en avoir un trop grand nombre. Il
réfujte.de ce principe, qu’il eft fort condamnable
de faifir toutes les différences que l’on peut trouver
dans la frudlification des plantes qui compo-
fent un geiite peu nombreux en efpèces ( fur-touc
lorfque ces efpèces font bien liées enfemble par
un caradtère commun , & que leur afl'emblage
ne répugne point â l’ordre des rapports ) pour dé-
tacher quelques efpèces de ces petits genres, &
en former de plus petits encore. Ce n’efi point là
travailler utilement pour la fcience , & cependant
cet abus devient tous les jours plus commun chez
les Botaniftes.
Nous concluons des deux confidérations donc
nous venons de parler, qu’il eft avantageux de di-
vifer & réduire les trop grands genres Iorfqu’on
trouve des moyens convenables pour le faire ; &
qu’il eft fort inutile, & même nuifible aux pro-
, grcs de la Botanique de détacher les efpèces des
petits genres pour en continuer des genres à part,
lors même qu’il fe préfente de bons moyens pour
I le faire. Didt. vol. 2 , p. 6} i , &c.