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traint d’employer, & leur indépendance abfolue
nuiroic tellement à l’étude des efpèces, que l’homme
le plus laborieux & en même temps doué de
la mémoire la plus heureufe, ne pourroit jamais
parvenir à les connoître, ni même à en coniioîcre
un nombre un peu confidérable.
C ’eft fans doute ce dont furent pénétrés les premiers
Botarr.ftes qui commencèrent à travailler avec
fuccès à la diftin&ion des plantes. Us s’apperçurent
en outre que plufieurs, plantes, quoique différentes
les unes des autres à certains égards, ferefTembloient.
neanmoins en beaucoup de leurs parties ou au moins
dans leurs parties les pins effentielles. En conféquence
ils firent alors des afiemblages particuliers en comprenant
fous une dénomination commune , un certain
nombre de plantes qui avoient entr-elles beaucoup
de reftèmblance dans la plupart o^danscertai-
. nés de leurs parties ; & par la, ils diminuèrent confi-
dérablement la quantité des noms dont l'étude des
plantes rendoit nécetfairement à charger la mémoire.
Telle fut apparemment la raufe de l’origine &
de la formation des genres : d’abord ils ne pûrent
être' que des afiemblages groflièrement compofés
ou mal affortisj par la fuite on les compofa beaur
coup mieux , mais on négligea d’en déterminer
avec précifion les caractères elfentiels & diftinc-
tifs j enfin, depuis on les a confidérablement perfectionnés
a tous ces égards , quoiqu’il refie encore
beaucoup a faire ( à notre avis) pour les mettre dans j
un tel écat de convenance , que les Botanifies
foient vraiment fondes a les adopter univerfelle-
menr.
Pour donner au leéteur une jufte idée des affem-
blages particuliers que les naturaliftes appellent
genres, de l ’intérêt 8c fur-tout de l’utilité indif-
penfable de ces afiemblages pour l’étude de FHifi
toiie Naturelle , des principes que l’on doit avoir
en vue en les compofant ; de ce qui refte à faire
pour les porter au point de perfection qu’il importe
de-leur donner, & enfin des préjugés qui s’oppo-
fenc à ce qu’ils acquièrent ce degré de perfection
j nous ne pouvons que rapporter ici les confidérations
eflentielles que nous avons déjà publiées
à ce fujet dans notre Flore françoife 8c dans notre
Dictionnaire de Botanique, en y ajoutant quelques
développemens que l’objet qui nous occupe
actuellement nous permet d’embraffer.
C ’eft affurément Tournefort qui a la gloire d’avoir
établi le premier, & d’après de vrais principes
Botaniques j des genres de plantes bien diftin-
gues entr eux j 8c fondés principalement fur la
confidération de la fleur 8c du fruit. Mais on peut
lui reprocher de n’avoir pas employé dans l’ex-
pofition des caractères des genres , les exprefîions
propres a faire fentir ce qui les diftinguoit les uns
des autres, & de n’avoir qu’imparfaitement décrit
les parties fur la confidération defquelles fes genres
font fondés. Sa manière défeCtueufe de s’exprimer
dans Texpoficion des genres, fut fuivie
par le P. Plumier Ôc divers autres Botanifies à-peu-
près de fôn temps.
Ce que Tournefort ne fit point pour la perfection
des genres, Linné enfin fut le faire j 8c l’on
peut dire qu’il a confidérablement perfectionné
cette partie de la Botanique 9 en exprimant avec
une précifion que perfonne n’avoit mife avant lui,
tous les caradères de chaque genre, en fixant 8c
en circonfcrivant la limite de ces genres ( j’entends
de la plupart) de manière à les rendre très-diftinCts
les uns des autres.
Mais fi Tournefort ne s’eft exprimé qu’imparfaitement
dans l’expofition de fes genres, & s’il
a dit trop peu, ou donné trop peu de détails fur
leurs caraCteres} nous croyons pouvoir avancer que
Linné , qui a mis une précifion admirable dans
les expreflions .donc il s’eft fervi, a trop dit de
chofes 8c eft entre dans de trop grands détails en
compofant les caractères de fès genres de plantes.
Sur l'expo/iuon des genres,
- Linné, dans lexpofition d’un genre, décrie
dans un ordre convenable, fix parties de la fructification
y fayoir, i° , le calice, i° . la corolle,
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•3*. les étamines; 4°* le piftil> y°. le péricarpe,
6°. la femence.
On ne fauroit aftiirément mieux faire pour,
donner une idée completce de la fructification
commune aux efpcces d’un genre : mais dans ce
cas, il y a une attention à avoir , & qui paroît
avoir échappé à Linné. En effet, il nous femblé
que dans l’expoficion d’un genre, on ne doit que
déterminer le caraCtère principal de chacune des
fix parties de la fructification que nous venons de
citer, 8c ne point entrer dans des détails fur lés
proportions 8c les considérations de leur forme,
de leur grandeur, de leur direction , ôcc , comme
Linné l’a fait. La raifon en eft que l’application
des caractères d’un genre devant être faite communément
à plufieurs efpèces j alors les détails
dans les proportions de grandeur, de direction,
8c de forme des fix parties de la fructification , fè
trouvent, à la vérité, fore juftes dans certaines
efpèces fur la confidération defquelles on les aura
prisj mais font communément très-faux dans la
plupart des autres.
En décrivant un calice, dans fexpofition d’un
genre, je puis dire qu’il eft ( je fuppofe ) mono-
phylle , perfiftant ,& à cinq divifions • mais je cours
les rifques de tromper, fi j’ajoute que ces divifions
font droites , lancéolées , aiguës , chargées de
poils, 8cç. 8cc. Parce que d’autres efpèces vérita-
rablement de même genre, peuvent avoir les divifions
de leur calice ouvertes, ovales ou arrondies
, glabres, 8cc. 8çc. La même chofe a lieu
a l ’egard des cinq autres parties de la fructification
, & l’on doit éviter le plus qu’il eft poflible,
félon nous, d’entrer à leur fujec dans des détails
trop précis. Il nous arrive auflî cependant de donner
des details dans 1 expoficioh des genres j mais
nous tâchons de les borner le plus qu’il eft pofii-
bde, 8c nous les modifions par ces mors, ordinaire-
ment) le plus JouVent, la plupart, & c ., mots qui !
évitent la précifion exclufiye & trompeufe dont
nous venons de parler.
xi
Confdérations fur les genres.
S’il fut néceflaire d’établir des divifions dans le
tableau des végétaux connus , pour en facilitée
l’étude , ce que nous avons fait voir à l’article
Botanique , p. 4 4 3 , en parlant des méthodes >fyf-
. ternes, genres, 8c autres moyens propres à facilitée
la connoiffance des plantes ; il fallut auffi en formée
de plufieurs ordres, afin de moins multiplier les
premières coupes, 8c de les rendre par là plus dif-
cinÇtes , plus faciles à fàifir 8c plus propres à fer-
vir de points de repos à notre imagination. Ainfi
la férié des plantes obfervées par les Botaniftës,
ayant été divifée, 1 °. en clajfes 5 20. en ordres ou
feclians ou familles j 30. en genres j ces trois fortes
de divifions bien établies,' facisfonc à l’objet eflen-
tiel qu’on fe propofe dans une méthode de Botanique
bien entendue.-
Mais nous répétons ici ce que nous avons die
par-tout dans nos ouvrages : ces trois fortes de d ivifions,
fans en excepter aucune \ ces coupes fi
utiles 8c même fi nécefiaires pour nous aider dans
l’étude des plantes, ne font affurément point l’ouvrage
de la nature : elles font très-artificielles ; 8c
ce fera toujours une prétention fort vaine , que de
vouloir les donner comme naturelles , de quelque
manière qu’on parvienne à les former.
Cependant Linné voulant apparemment donnée
aux genres une confidération qui ne leur appartient
pas, a prononcé l’anathème contre ceux qui
affureroient que les genres ne font point dans la
nature. Il a fans doute trouvé plus de facilité £
étayer ainfi fon opinion par une décifion tranchanr
tCj 8c par de prétendus axiomes 8c des. maximes
fort laconiques dont il a rempli fon Philofophia 8c
fon Critica Botanica, que par des preuves folides qui
feules peuvent convaincre ceux que l'autorité n’entraîne
point, preuves qu’il a toujours oublié d’établir.
Linné, ainfi que bien d’autres, a cependant dit
dans fes ouvrages que la nature ne faifoit point de
fautsj ce qui fignifie, fi je ne me trompe, que la