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Le Cliêne croît naturellement dans toutes les parties de la Zone tempérée,
en Europe, en Asie, en Amérique, et même en Afrique. Sa culture
exige des soins particuliers, la transplantation , la greffe et les autres
moyens de reproduction ne lui étant pas toujours favorables. La nature a
particulièrement formé cet arbre pour les vastes forêts. Il y domine souverainement
sur tous les autres végétaux, et il fournit une nourriture
abondante à des animaux de nature différente. En Europe, le Cerf, le
Chevreuil et le Sanglier vivent pendant tout l’hiver du gland des Chênes
de nos bois 3 en Asie, les Faisans, et les Pigeons ramiers le partagent
avec les bêtes fauves 3 dans l’Amérique Septentrionale, l’Ours , l’Ecureuil
, le Pigeon et le Dinde sauvages recherchent aussi le gland des
Chênes. Plusieurs espèces de Quadrupèdes et d’Oiseaux de ce continent,
ayant consommé les fruits d’un territoire, émigrent par troupes innombrables
dans les pays où ces fruits se trouvent plus abondamment.
Le Chêne est de tous les arbres celui dont le bois est employé le plus
généralement et le plus utilement 3 il sert à la construction des maisons et
des navires3 on en fait des instrumens d’agriculture, etc. il fournit des
substances utiles en médecine 3 il est d’une nécessité presque indispensable
pour le Tanneur , le Teinturier, etc. enfin il est l’aliment journalier du
feu, si nécessaire à notre existence.
Le genre Chêne renferme un grand nombre d’espèces qui ne sont pas
connues, et la plupart de celles qui croissent en Amérique, se présentent
sous des formes si variées dans leur jeunesse, qu’on ne peut les reconnaître
sûrement, qu’à mesure que l’arbre parvient à l’âge adulte. Il semble
que la nature ait voulu multiplier cet arbre, et le rendre d’une utilité
générale, en faisant croître sous les mêmes latitudes, différentes espèces
qui pussent s’accommoder aux diversités de la température et du sol. Car
le Chêne n’habite pas toujours les forêts, et il ne s’élève pas toujours à
une grande hauteur 3 il est des contrées qui ne produisent que des Chênes
nains, comme le Chêne kermes ( Q. coccifera. Linn.) et quelques autres,
qui sont petits par leur nature 3 tandis que parmi ceux qui naissent sur
les rochers et sur les côtes de la Mer Méditerranée, il en est plusieurs
dont le défaut d’élévation ne provient que de l’aridité du sol où ils ont
pris naissance. Il existe aussi des variétés produites par des causes purement
accidentelles3 dans l’Amérique Septentrionale, elles présentent des
Chênes nains stolonifères, dont les rejetons multipliés couvrent de vastes
étendues de terrein. Les prairies situées au milieu des forêts de ce continent
, sont brûlées annuellement par les Sauvages et par les nouveaux
habitans , qui cherchent par ce moyen à renouveler les herbes, pour y
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attirer les bêtes fauves, et y nourrir des bestiaux. L’incendie ayant gagné
les forêts et,détruit les grands arbres, les racines horizontales de plusieurs
espèces de Chêne détachées du tronc, reproduisent d’elles-mêmes, et séparément
, des rejetons qui fructifient ensuite à deux ou trois pieds de
hauteur. Chaque faisceau ou assemblage de ces rejetons sur une même souche
, peut être considéré comme un arbre nain ou sans tige 3 car le feu, en
consumant ces arbres jusqu’à la racine , produit le même effet que l’amputation
de la tige et que la taille sur les Poiriers cultivés, qui, sans cela,
seraient devenus de grands arbres 3 mais qui, par ces opérations réitérées,
peuvent rester nains , et produire des branches fructifères immédiatement
près de la racine. Plusieurs Voyageurs n’ayant pas eu le temps d’observer
ces Chênes avec assez de soin , les ont regardés comme des espèces
particulières 3 mais ceux dont on a semé les glands ont poussé, comme tous
les autres, une radicule descendante, sans produire de rejetons3 il
-n’est donc pas vraisemblable qu’il y ait des Chênes naturellement stolonifères.
Les Chênes offrent de nombreuses variétés, et la détermination de
l’espèce à laquelle on doit les rapporter, présente de grandes difficultés.
Souvent une variété intermédiaire paraît tellement rapprocher deux espèces
, qu’il est difficile, d’après l’examen de la foliation, de déterminer à
laquelle des deux cette variété doit appartenir. Quelques espèces sujettes
à varier dans leur jeunesse , paraissent alors si différentes , que les caractères
de la foliation sont insuffisans pour faire reconnaître la même espèce
dans les individus jeunes et dans ceux qui sont adultes. Plusieurs autres,
au contraire, présentent une telle uniformité, que les distinctions spécifiques
ne peuvent être établies que sur la fructification , laquelle est elle-
même sujette à des exceptions et à des variations. Ce n’est que par des
observations comparatives sur les individus considérés dans l’âge adulte
et dans l’adolescence, qu’on peut parvenir à distinguer les espèces qui
ont entre elles une grande affinité , et à rapporter les variétés à leur
espèce.
La description des Chênes de l’Amérique Septentrionale a été obscure
jusqu’ici, par plusieurs raisons : i*i les Botanistes qui ont visité ces pays
n’ont donné que des observations isolées sur ces arbres, et n’ont point
eu égard aux caractères de la fructification 5 i°. les Auteurs qui en ont
traité d’après eux , ont souvent réuni plusieurs espèces sous une même
dénomination 3 enfin, les figures qu’ils ont données des Chênes d’Amérique
que l’on cultive en Europe, ne sont pas toujours exactes, parce que leur
accroissement y est retardé par une température qui leur est moins favo