
VUE DE LA BAIE DE NAGASAKI
FACTORERIE DE DESIMA.
es côtes du Japon sont hérissées de récifs qui en rendent la navigation dangereuse, mais en revanche ses nombreuses baies offrent un sûr refuge aux
lic P sw i l l i'a f& T v a r ) navires. Celle de Nagasaki est une des plus vastes et des plus belles. Les vaisseaux y sont entièrement à l’abri de la tempête et si la terre du Japon
n’est pas encore .tout à fait hospitalière au navigateur, cè: n’est pas que la Providence s’y soit montrée avare de lui fournir une retraite assurée à l’heure du danger.
TOÔÎ'ffîa Entourée d’une chaine de montagnes peu élevées, dont les cimes sont couvertes de sombres forêts, tandis que sur leurs flancs s'étagent en nombreux gradins
P l i c^amPs admirablement cultivés, la baie dé Nagasaki nous offre un délicieux point de ¿va- depuis le balcon de la maison du Chef de la factorerie. Pendant les
Cç-à chaudes soirées du mois d’Août nous y avons passé mainte heure agréable, en tranquilles causeries, tout en contemplant le beau panorama qui se déployait sous nos yeux.
^ Au coucher du soleil tout bruit a cessé dans la baie, on se croirait sur les bords d’un lac paisible, et l’on n’entend que le clapotlement de la vague contre le mur d’enceinte
de la factorerie. Parfois seulement le bruit cadencé de la rame nous fait présumer que quelque bateau traînard se glisse inaperçu vers la ville ou se rend à l’un des nombreux
villages qu’on aperçoit sur- les bords de la baie.
Le grand inconvénient de cette belle rade est son peu de profondeur qui empêche les navires do fort tonnage d'approcher de la ville. Le reflux met parfois une partie
de la baie à sec et plus d’une fois je vis des pêcheurs ramasser des moules à une assez bonne distance en avant de l'ile de Desima.
En l’année 1854 un violent tremblement de terre, vint jeter l’épouvante sur ces côtes. Les eaux de la baie furent refoulées jusqu’à la mer qui y rentra bientôt avec
impétuosité. Les dégâts furent terribles sur tout le littoral du Japon. La ville de Simoda fut presqu'entièrement détruite. L’amiral Russe pomtiatine qui se trouvait dans ces
parages eut son vaisseau littéralement broyé. Je ne sais combien de jonques périrent, à combien de malheureux ce' sinistre a coûté la vie, ce qui est sûr c'est que le souvenir
ne S’en effacera pas facilement de la mémoire des pêcheurs de la côte, pas plus qu’un profond sentiment de reconnaissance pour l'amiral qui, oubliant le danger qu’il courait lui
même, s’empressa de sauver un grand nombre dé ces malheureux naufragés. Les tremblemens de terre sont fréquens au Japon, il se passe peu de mois sans qu'on n’en ressente
quelque secousse, toutefois les conséquences en sont rarement aussi fâcheuses. Le grand danger de ce. fléau c’est qu’il traine assez fréquemment à sa suite l’incendie qui au
Japon cause d'indicibles ravages, les maisons étant entièrement construites en bois.
A l'ouverture de la baie un cordon de jonques Japonnaises en défend l’entrée aux navires étrangers, les Hollandais et les Chinois seuls exceptés. Cet état de choses vient
de changer, et dans peu d’années la baie de Nagasaki donnera asile aux pavillons de toutes les nations. Alors on verra une forêt de mâts couvrir ces eaux si longlems solitaires
que ne sillonnent encore à cette heure que quelques navires marchands, quelques pauvres barques de pêcheur ou parfois la jonque pavoisée d’un grand Seigneur du pays, se rendant
en pompeux appareil à là ville de Nagasaki.
Quelques batteries se montrent à l’entrée de la baie pour en défendre le passage. Entièrement inoffensives on les passe d’ordinaire inapperçues en se rendant dans le port,
et je doute que leurs canons ayent jamais d'autre destination que de fournir des signaux. Heureusement pour le Japon, l'accès du pays, parait devoir s’arranger à l’amiable.