du Méandre, Geyra et le mont Cadmus dans l’ancienne Carie, l’ancienne Phry-
gie,la chaîne de l’Olympe de Bithynie, Brousse, Nicée, Nicomédie et Constantinople.
Ma santé, altérée par le climat, ne m’a pas permis de pousser plus loin mon
exploration; mais, bien que je n’aie accompli qu’une partie de la tâche que
je m’étais imposée, je n’en ai pas moins, livré que j ’ai été exclusivement à 1 herborisation,
et muni de tous les moyens matériels de-récolter abondamment,
rapporté un grand nombre de plantes intéressantes, parmi lesquelles il yen a
beaucoup de nouvelles. J’allais procéder à la publication de ces dernières, lorsque
je fus inopinément appelé au ministère des Travaux publics. Cette infidélité
à la botanique ne devait pas être de longue durée : dès que j’eus recouvré
ma liberté, ma première pensée fut de reprendre mon projet de. publication.
Pour y procéder avec quelque profit pour la science, il fallait auparavant
compulser, dans les riches herbiers du Muséum, de mon honorable collègue
M. Benjamin Delessert, et de plusieurs autres savants distingués, les collections
rapportées des mêmes contrées par les voyageurs précédents. A mesure que mon
travail avançait, l’horizon s’étendait devant moi, et de même que le désir dapprofondir
la flore méditerranéenne m’avait conduit en Asie Mineure, de même
aussi j’étais entraîné par les rapports intimes qui existent entre la végétation
que je venais d’explorer et celle de toute l’Asie occidentale, à me rendre
compte dés traits généraux qui caractérisent cette vaste région. Je me suis trouvé
alors entouré d’une quantité immense de matériaux, ou imparfaitement connus,
ou même entièrement inédits. Les collections qui paraissaient épuisées me fournissaient
à chaque instant des objets nouveaux dignes d’être mis en lumière. Qui
croirait, par exemple, que parmi les travaux de Tournefort relatifs à 1 Orient, il
y ait encore à glaner, après Desfontaines et tant d’autres? G’est pourtant ce dont
je me suis assuré, en scrutant l’herbier de ce grand naturaliste, ses manuscrits
et les dessins originaux dus au crayon intelligent de son peintre Aubriet, dont
je dois la communication à l’obligeance parfaite de M. Adrien de Jussieu.
Parmi les collections récentes, il n’en est pas de plus riche que celles. dAu-
cber Éloy; mort à Ispaban, en i 838, véritable martyr de la science, après dix
ans de voyages consacrés presque tous à la seule région dont j’ai parlé. La
masse principale, contenant notamment les échantillons uniques, est déposée
au Muséum, et a été mise en ordre par M. Adolphe Brongniart; le reste est ré-
pandudans divers herbiers à Pariset à l’étranger : à Paris, M. Delessert,M.Webb,
auteur de 1 Histoire naturelle des îles Canaries, M. Maille et moi-meme, en possédons
une notable partie. On peut juger de l’importance des découvertes de
ce voyageur intrépide en parcourant les volumes du Prodromus systematis universalis
regni vegetabilis, de Decandolle, qui ont paru depuis 1836. La veuve
d’Aucher Éloy, à qui j’avais eu l’honneur de rendre visite à Constantinople, a bien
voulu me confier les divers manuscrits de son mari, parmi lesquels on distingue
son journal de 1835 et celui de 1837 à 1838, remarquables l’un et l’autre par la
variété des observations qu’ils contiennent, même en dehors de la botanique: ils
peuvent, sinon sous le rapport littéraire, du moins par l’intérêt qui s’attache
aux épreuves inséparables de'ces pénibles voyages, soutenir la comparaison
avec les lettres de Jacquemont, écrites de l’Inde. Je me propose, avec l’autorisation
de M"e Aucher Éloy, d’en faire l’objet d’une publication à part, après
les avoir remis en ordre, et en les accompagnant de notes destinées à éclaircir
les indications botaniques qui y sont consignées par leur rapprochement avec
les plantes elles-mêmes.
C’est ainsi qu’au lieu de me borner aux plantes d’Orient que j’ai recueillies
moi-même, j’ai été conduit à faire connaître, par des descriptions et des gravures,
non pas, sans doute ,* toutes les espèces inédites ou peu connues de
l’Asie occidentale (une pareille entreprise serait gigantesque pour le travail
et la dépense mais au moins un choix assez étendu de ces espèces, me réservant
de donner à mon plan plus ou moins de développement, suivant les
circonstances. C’est une sorte de cadre élastique que je veux ouvrir à l’une
dèS plus belles divisions de la géographie botanique, et comme un rendez-vous
que je propose aux recherches des savants qui ont déjà ou qui auront occasion
de s’en occuper. Déjà je suis informé que M. Boissier,- de Genève, auteur du
Voyage botanique dans le midi de l'Espagne, a commencé, presque en même
temps que moi, à travailler sur les plantes d’Aucher Eloy ; mais personne, que je
sache n’a encore songé à en donner des gravures : le public ne pourra que profiter
de la communauté de ces efforts.
La nature de mon recueil excluait, pour le moment du moins, toute idée d’un
ordre systématique par familles et par genres. Ce n’est qu’après un long maniement
des plantes de cette région et de tous les ouvrages qui la concernent qu’il
sera prudent et même possible de songer à offrir au public une énumération
méthodique, une sorte de Flore de l’Asie occidentale : c’est vers ce but qu'il
faut tendre. Si je ne puis l’atteindre, j ’aurai du moins contribué à préparer pour
d’autres l’accomplissement d’une oeuvre qui manque véritablement à la science.
Une fois engagé dans cette voie, il était évident pour moi que mes forces
seules ne suffiraient pas pour une oeuvre d’aussi longue haleine : j ’ai dû, dès
lors m’assurer le concours assidu d’un savant ayant déjà autorité, et j’ai été
assez heureux pour obtenir celui de M. Spach, aide-naturaliste au Muséum,
déjà connu par des travaux où respire une saine critique, et par sa collabora