P R É F A C E .
Cette ¿numération succincte suffit pour faire juger de l'importance
de l'établissement de Cels, et prononcer sur l'utilité du projet que
j'ai formé de publier les espèces nouvelles qu'il renferme. J'ai pensé
que les naturalistes qui professent dans les écoles des dépàrtemens,
seraient jaloux de les connoître, aujourd'hui sur-tout que la Botanique
est devenue une des principales branches de leur enseignement.
J'ai cru aussi que mon travail ne serait pas moins profitable aux
agriculteurs qui desirent de se procurer les végétaux les plus propres
à améliorer leurs plantations.
L'ouvrage de Linnseus, intitulé Philosophiez, Botanica, (édit. de
WiLDEtrow,p. 9) offre la liste des principaux jardins de Botanique (1)
établis par des particuliers : celui de Cels mérite à tous égards d'être
ajouté à cette liste. Une réflexion se présentera sans doute à l'esprit
de ceux qui verront le tableau des productions qu'on y observe. Les
propriétaires des Jardins de Blois, de Farnèse, de Cliffort, etc. étoient
des princes ou des hommes très-riches qui pouvoient aisément les
créer et les entretenir ; Cels, au contraire, peu favorisé par la fortune,
cultivant sur le terrein d'autrui, vivant dans les circonstances les plus
difficiles, n'a puisé que dans son amour pour la science, le courage
nécessaire pour surmonter les nombreux obstacles qui s'opposoient à
son entreprise. Le Gouvernement travaillerait efficacement pour
l'utilité publique, si parmi les établissemens qui sont à sa disposition,
il en cédoit un à ce savant estimable, qui le mît à même de faire tout
le bien qu'on doit espérer de ses talens et de ses lumières.
(1) C'est par oubli sans doute, que le savant éditeur 11'a point cité les Sortus Eystetcnsis
eVEUhamensis.
N O T E
D U CITOYEN CELS, SUR SES CULTURES.
J E cultive des végétaux depuis plus de trente ans. Je l'ai toujours fait sur le terrein d'autruiet
successivement dans différens lieux. Alors je suis aussi peu avancé, à certains égards, que les personnes
qui n'ont commencé en ce genre que depuis un petit nombre d'années. Par exemple, je
n'ai point, parmi les grands arbres, d'individus assez âgés pour fleurir ; je suis conséquemmentdans
l'impossibilité de connoître très-bien les par Lies, de leurs fructifications, et d'obtenir les graines
nécessaires pour les multiplier. Il ne m'a pas été non plus possible de planter une école de toutes
mes espèces ligneuses. Elle eût été plus complète pour cet objet qu'aucune autre. J'y des tin pis
plus de 260 genres renfermant un grand nombre d'espèces ou variétés ; les arbres fruitiers seuls
en contiennent près de 700. Ces'privations ont nui à mes travaux, et sans doute aussi à quelques
parties de la Botanique et de l'Economie rurale.
J'ai éprouvé d'autres obstacles, sur-tout à certaines époques de la révolution. J.e n'en citerai
qu'un exemple. Une loi qui ne m'étoit point applicable (si des juges avoient eu le courage que
leurs fonctions de voient supposer, ou si des Hommes qui dominoient alors, avoient voulu être
justes) m'a causé seule des pertes que je ne puis calculer.
Depuis long-temps, j'avois dessein de borner mes cultures aux espèces ligneuses qui peuvent
exister en pleine terre, sur le sol de la République ; mais pour les connoître sous ce rapport, il
falloit en cultiver beaucoup qui ne pouvoient point y vivre. Alors mon plan s'est étendu à tous
les végétaux ligneux que j'ai pu me procurer. Parmi ceux que j'ai reconnu n'être pas de pleine
terre, j'ai cultivé de préférence les espèces les plus intéressantes, soit sous les rapports de la
physique végétale, soit relativement à ceux de l'utilité économique, de l'agrément, ou de l'histoire
des différens peuples anciens et modernes. Sur ce plan j'ai cultivé aussi des plantes herbacées,
vivaces et des liliacées, j'en possède sur-tout des premières, un assez grand nombre de pleine-terre.
Je voulois former en ce genre un établissement commercial, comme il n'en avoit peut-être
point encore existé. Je croyois trouver dans mes enfans toutes les ressources qui m'étoient nécessaires
pour l'exécuter; j'avois dirigé leur éducation vers ce but. Un d'eux devoit dessiner les
plantes; un autre les auroit décrites, et mis l'ordre nécessaire dans une vaste collection ; un autre
m'auroit secondé dans ma correspondance; enfin, le dernier auroit été à la tète de-tons mes travaux
de culture. Je croyois pouvoir faire des cours, dans lesquels j'aurois sur-tout considéré les végétaux
sous les rapports de leurs usages économiques, et de leurs cultures. J'espérois pouvoir publier
quelques ouvrages pour compléter ce que j'aurois enseigné . Vains projets ! Je n'ai plus
avec moi qu'un de mes enfans ; j'ai été obligé de me livrer à d'autres travaux, et la tâche que je
me proposois est bien loin d'être remplie.
Ma collection s'est successivemeiit accrue par une correspondance assez considérable. Je me suis
enrichi par le secours des Cit. Thouin, et ce n'est pas la seule obligation que j'aie à cette famille
estimable. L'Angleterre a été la source où j'ai le plus abondamment puisé; ensuite la Hollande et
différens points de l'Allemagne. Beaucoup de voyageurs ont secondé mes efforts. Je dois citer en
ce genre parmi mes compatriotes les Cit-. Desfontaines, Michaux, Bosc, Bruguière, Olivier, Broussonet,
les naturalistes et jardiniers des expéditions de M. d'Entrecasteaux, du capitaine Baudin, etc.
Parmi les botanistes étrangers, je ne dois pas omettre de nommer M. Banks (dont les sentimens
généreux sont si bien connus de ceux qui cultivent les Sciences naturelles), Sibthorp, Vahl,
Cavanilles, etc. J'ai aussi des obligations à plusieurs Professeurs et Jardiniers en chef de Jardins
botaniques de diverses contrées de l'Europe. Parmi ces derniers , je citerai MM. Aiton, père et
fils , en Angleterre ; M. Bouteloup fils aîné, en Espagne, etc.
Si des Botanistes, des Voyageurs m'ont fait part de leurs richesses, j'ai communiqué de mon
côté tout ce que j'ai pu des miennes. Les auteurs de plusieurs ouvrages publiés depuis un certain
nombre d'années, ont trouvé dans ma collection des secours utiles. Aies correspondais, hommes
et femmes, répartis sur une assez grande quantité de points différens de la France sur-tout, sont
assez nombreux pour les circonstances actuelles. J'ai tâché de leur rendre ma correspondance fructueuse.
Quelques-uns d'entr'eux ont formé des collections végétales assez considérables. Mes travaux
n'ont pas été inutiles à plusieurs écoles centrales. J'attends la paix pour réparer mes pertes.