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Souvent on me demande le catalogue de mes planles. Jusqu'ici je n'en ai point fait imprimer,
parce que tous les ouvrages de Botanique ou de Culture peuvent servir pour correspondre avec moi,
parce que les catalogues qui existent déjà pour d'autres collections, peuvent aussi servir pour la
mienne» Ce ne sont pas là les seuls motifs qui m'en ont empêché. E n voici quelques autres : d'abord
un catalogue irest jamais très-exact, parce que la collection qu'il représente change. En effet, à
chaque instant, on perd ou l'on acquiert des planles, et cela est d'autant plus sensible, que la collection
est plus considérable. Ensuite il y a toujours beaucoup d'articles très-peu nombreux en doubles,
et ceux-ci étant plus rares, sont plutôt demandés. Alors naît une correspondance inutile, et conséquemment
très à charge; Plusieurs de ces correspondans croienl même que le catalogue leur en impose,
(il est vrai que cela ârrive quelquefois) et l'auteur du catalogue perd dans leur opinion sans l'avoir
mérité; enfin, il n'est plus le maître déplacer comme il le croit utile, ce qu'il peut avoir déplus précieux.
Je ne renonce cependant point à publier un catalogue de ma collection ; mais comme je veux
le faire raisonné , je dois en prendre le temps, et pour moi les circonslances ne sont point èncoro .
assez favorables.
J'adopte dans ma correspondance les noms do Linnoeus, ensuite ceux de î'Iior tus Kewenis. Ma raison
pour préférer ce dernier ouvrage à plusieurs autres, est fort simple. M'é tant enrichi principalement
avec l'Angleterre, c'étoit sur-tout l'ouvrage consacré à la plus belle collection de ce pays, dont je
devois me servir pour correspondre avec la contrée qui la renfermoit. C'étoitsous les noms consacres
dans ce bon ouvrage, que je recevois le plus souvent des plantes; c'étoit ceux sous lesquels il étoit
plus naturel que je les conservasse. On auroit tort d'en conclure que je déprécie par-là les .ouvrages
de quelques Botanistes de mon pays, je n'ai fait que ce qui m'étoitle plus commode ; et l'on peut
d'ailleurs me demander des plantes sous tels noms qu'on voudra.
J'ai sur- toul cherché à acquérir des connoissances sur les arbres , en les considérant sous tous leurs
rapports, sans négliger ceux qui tiennent à leurs parties forestière ou législative. Des travaux pour
le GoUvernementm'ontforcé de les envisager sous ce dernier point de vue. J'ai fait aussi en grand pour
le compte du Gouvernement, des expériences sur les arbres, qui doivent fournir des résultais utiles."
Je serai suffisamment récompensé de mes travaux, si je puis augmenter dans mon pays le désir
des plantations. La culluredes arbres est encore plus utile, plus intéressante qu'on ne le croit communément.
Elle est plus variée que toutes les autres ; elle demande plus de connoissances , cônséquemment
elle satisfait davantage l'esprit. Quoique les profits que celte culture promet soient moins
rapprochés, ils n'en sont pas moins sûrs. Celui qui a planté des vignes, des mûr i e r s , des oliviers,
un verger, etc. n'a pas négligé sans doute ses intérêts. Celui qui maintenant feroit des plantations
de nouveaux arbres fruitiers , de nouveaux arbres de construction ou d'un usage important dans les
arts ; qui , par exemple, planteroit le Nefflier du Japon, la Figue Kaque, des Chênes, des Noyers de
l'Amérique Septentrionale, des Eucalyptus de la Nouvelle-Hollande, du Thé de Chine, de l'Erable
à sucre , etc. ne les négligeroit point encore. Pour une ame saine , aucune jouissance n'est préférable
à celle des plantations que l'on a formées. Les personnes qui répètent qu'elle se fait trop attendre,
ignorent absolument les plaisirs qui l'accompagnent. On s'attache également à l'arbre qu'on vient
de planter : c'est pour ainsi dire une sorte de paternité. La feuille dé cet arbre n'est-elle pas la même
à son premier printemps comme à son centième ? Sans doute, son ombre est moins protectrice ; il ne
donne point encore de fruits. Mais est-ce sans plaisir que l'on pense à l'ombrage , aux récoltes que
l'on prépare à ses enfans ?-Quelle'immense poslérité promet la plantation d'un seul chêne! Est-ce
sans émotion que nous envisageons les transports de reconnoissance de nos successeurs à l'aspect des
plantations que nous leur aurons préparées? Nous ne voudrions pas qu'ils dussent ignorer nos noms.
qu'ils ne cherchassent point avec un grand intérêt, au milieu des bois que nous aurions fait naître,
le lertre sous lequel nous reposerions en paix? Quel moyen plus utile, plus durable, de fixer dans
"la mémoire des hommes, le souvenir de notre passagère existence? C'est pour de pareils travaux
que la mémoire des Janseen, Duhamel, Malesherbes, et autres hommes estimables , durera longtemps
encore chez nos descendans.
H n'est pas vrai de dire qu'on ne jouit point de sa plantation, parce qu'elle est jeune encore. Mais,
au reste, jouiroit-on mieux en n'ayant rien fait?
Si le goût des plantations doit être celui de qui sait aussi jouir, en étant utile à ses semblables, il
devroit èlre honteux, j'ose le dire, pour l'homme qui a pu en projeter quelques-unes, de n'en avoir
.point réalisé.
L'histoire d'un établissement est aussi un peu celle de l'individu quil'a formé. On me pardonnera
donc d'avoir été forcé de parler de moi. Je laisse maintenant au Cit. Ventenat à remplir la tâche
q u'il a bien voulu s'imposer. Il ne me reste qu'à lui communiquer quelques notes, dont je garantis
l'exactitude.