E X T R A I T d’une Lettre de l’Agent Renard à
Mr. François Valentyn, Miniftre du St. Evangile
à ’Dort.
D'Amjtsrûam le 17. Décembre 1716.
M o n s i e u r , . SA Majcfté le Czar de Moicovie m’ayant fait l’honneur
de venir avant hier dans la Maifon oùje demeure, j ’en
ai pris occafîon de montrer à ce Prince ; l’Ouvrage des Poif-
Ions des IJles Moluques du Sr. Fallours ; dans lequel fe trouve
entr’autres Defleins, le Tableau ci-inclus d’un Monftre fembla-
blè à une Sirene, que ce Peintre dit avoir eu 4. jours en vie à
Amboine ,de la maniéré qu’il vous plaira voir dans l’Ecrit de fa
main qui accompagne cette Peinture ; & comme il croit que
Mr. Vander S te ll, préièntement Gouverneur d'Ambotne ,
pourroit vous l’avoir envoyé ; j ’ai remarqué que S. M. Cza-
rienne feroit bien aife d’éclaircir ce fait, fur lequel je vous
prie de m’honorer d’un mot de réponfe. Je fuis, &c.
R É P O N S E .
A Dort le 18. Decembfe 1718»
M o n s i é u r ,
✓'"'E n’eil pas chofè i&pbâiblfe que ¡depuis. mon rdépart des
V j Indes , Fallour.s ait pu voir à Amboine le Monftre dont
vous m’avez bien voulu communiquer le Tableau que je vous
¡renvoyé ci-joint*; mais jufqu’à-préfent,je n’en ai pas vû l’Original
ni n’en ai pas oui parler. Si je l’avois,j’irois l’offrir de
bon coeur à Sa Majefté Czarienne, dont l’application à rechercher
les belles ehofes, mérite les louanges de tout l’U nivers.
Mais pour vous prouver, Monlieur, qu’il y a des
Monftres comme Cette Sirene dans la Nature, je vous dirai
que je fçais très-bién qu’en l’An 1672. ou 16/3.5 un Lieutenant
au fervice de la Compagnie a v û , '(dans le Gnlphe prèc
du Village nommé Hennetelo, voifin de Tlfle de Ceram & de
celle de Boero, dans le Département à?Amboine) deux Monf-
très de ..cette efpece, nageant à côté l’un de l’autre , ce qui
fait préfùmer que c’étoient mâle & femelle : lefquels deux
Monftres furent revus 6. femaines après au même lieu, par
lus de fô . perfonnes. La couleür de ces Monftres étoit
’un gris verdâtre , ayant toute la figuré Humaine depuis ,
la tête jufqu’à la .ceinture, avec des bras & des mains; j
mais leür corps finiffoifc en pointe : L ’un étoit plus grand que
l ’autre, & leurs cheveux étoient aîfez longs. J’ajôûterai qu’à
mon retour xles Indes, où j ’ai réfidé 3b. années, j ’ai vû le
premier Mai 17Î4., à la hauteur de 12. devrez ie . minutes
de Latitude Méridionale,par un tems très-ferain 8c calme, à
la diftance de 3.ou4.longueurs de Navire de nôtre bord, un ,
Monftre qui vraifemblablement étoit une èfpece d’Homme
Marin, de couleur gris de Mer : Il étoit fort élevé hors de l’eau,
& paroiffoit avoir une efpèce de bonnet de Pêcheur comme de !
la Mouffe fur la tête. Tout nôtre Equipage le vit auifi;mais 1
quoi-qu’il eut le dos tourné, ce Monftre s’aperçut que nous
l’aprochions de trop près, & il fc plongea fubitement dans
la Mer, d’où on ne le revit plus. Je fuis, &c.
F. V a l e n t y n .
* V o y e z ce Tableau à la f i n d i ce Recueil.
L E T T R E de Mr. T a r en t, PafteUr de l’Eglife
ÿAmfterdam, écrite & exhibée par devant le Notaire
Jacob Lansman.
M o n s i e u r , J’Ai vû avec autant de plaifir que defurprife, les Epreuves
enluminées des belles Planches que vous avez fait graver,
repréfentant les Poiflons des Moluques que le Sr. Samuel Fallours,
lequel j ’ai bien connu à Amboine, a peints dans leurs
couleurs nâturelles. J’avouë, Monfieur, que j ’ai été frappé
d’étonnement à la vûe de cet Ouvrage, dont les Eftampés
font très-conformes aux Poiflons que j ’avois vûs en vie, & de
la plus grande partie defquels j ’avois mangé avec plaifir pendant
13. années de ma Refidence à Amboine, d’où je fuis re-
»venu avec la Flote de 1716.
Je m’étonne infiniment que cet homme, qui de mon tems
étoit Confolateur des Malades à Amboine, ait pû réüffir à dépeindre
ces fortes ac Poiffons avec leurs couleurs vives & naturelles,
.fi bien & fi exactement, qu’il me paroiffoit encore
de voir lefÜits Poiffons en vie,quand je les ai vûs peints dans
vôtre Livre.
Touchant la demande que vous m’avez faite,Monfieur, fi
j ’aurois vû une Sirene dans ce Païs-là ; j ’y réponds, qu’en
allant faire la vifitc de nos Eglifes des Ifles Moluques, (ce qui
doit fe faire tous les ans deux fois par les Pafteurs qui entendent
les Langues du Païs,) & navigant dans un Orambayy
ou efpèce de Galère, pour aller du Village de Holilieuw à
celui de Karieww, diftant de deux lieuës de Mer l’un de l’autre,
il arriva’pendant que je fommeillois, que les Nègres ou
Rameurs jettèrent un grand cri d’étonnement; fur lequel
m’étant levé, & leur demandant ce que c’étoit, ils répondirent
tous, d’une commune voix, que c’étoit un Monftre
comme uné Sirene qu’ils avoient vûë fort clairement & dif-
tinétement ayantlevifageaprochantde celui d’un Homme, &
les cheveux longs comme ceux d’une Femme derrière le dosj
mais qui, épouvantée par leurs cris, s’étoit replongée dans la
Mer, dont je ne pûs voir que l’émotion des vagues, que cette
Sirene avoit agitées en ie replongeant. Je luis, 8cc.
A A m s t e r d a m le P a r e n t »
i j . Juillet 1717. n
E X T R A I T de quelques Auteurs.
m m È Gentilhomme de la Chambre du Roi de France,
dans fa^ Géographie, qui eft reconnuë pour la meilleure
qui ait été publiée jufqu’à'préfent, à la Defcription de
l’Amérique, pages 12/. & 126. de l’Edition de Paris, folio,
<5. vol. chez Bilaine, parle des Poiflons de Mer & de Rivière
du Érezil j parôii léfqüels il homme VOuYy JoùVe, qui eft
tout jaune : YAcatajou, qui a la tête verte, le dos jaüne & le
venl-rp hlanr • h» ^ Pm/v/ibe, plus gros que la cuilîè, long de
4.mez, bigarre de rouge, de bleu, de vert & de blanc.
L Taconda, dit-il, eft long de 3. piez, tout rayé de. jaune
, de rouge & de blanc : sAAcara eft rayé de rouge fur la
tête, en forme de fleurs de Lis : Le Mendouvel eft rougeâtre
: Le Payrain eft jaune 8c rouge : lYOpean a la peau
toute rayée de rouge : Le Jejou a k têtebleuë, la queue
rouge j 8c des rayes de jaune & de rouge par tout : L e
Pyrapinim eft tout blanc j excepté la tête qui èft bigarrée 8c
1a queuë rouge.
Mr. de R o c h e f o r t , dansfontiiftoirèNaturelle dèsIjles
•/a»/«/«,imprimée a Rotterdam in40 • 8c à Lionih 12°., page 27c.
parle de Poiflons qui ont l’écaille vèrte comme 1a plume d’un
Perroquet : UEguille^ dit-il, page 27p., a là peau du dos
rayee de lignes de bleu & de vert, 8c celle de deflous du
ventre eft d’un blanc mêlé de rouge : Page 380., il déclare
qu’il fe pêchë dans les Rivières des Poiffons de Roche, qui
font rouges & de diverfes autres couleurs: Enfin, pages 404.
cc fuivantes, il k it k Defcription d’un très-grand Poiifon
qui avoit une longue corne au /devant de 1a tête, & qui étoit
d’une beauté & diverfité dé couleurs, aufïï extraordinaire
qu aucun de ceux qui font ici dépeints.
A l’égard des Crabes 8c Ecrevijfesj il èn décrit, pages c i 2
y 13. & 714-, plufieurs qui fuivant les diverfes Ifles & les
difterens Territoires ou elles fe nôurriifent,font peintes, dit-
il, de tant de couleurs, toutes fi belles & fi vives, qu’il n’y
a rien de plus divertiflant : Les unes ont tout le corps de
couleur violette, panachée de blanc; les autres font d’un
beau jaune, chaiharé de plufieurs lignes grifatres & pourprines.
L e Pere du T e r t r e , plus recént & plus exaét Auteur
encore, dans fon Hiftoire des Antilles^ imprimée à Paris en
3. vol. in 40., au Traité quatrième du Tome I I ., confirme
non-feulement ce que Mr. Rochefort & autres Auteurs ont
eent des Poiflons,^Crabes & Ecrevilles de couleurs differen-
tes, mais il y ajoute encore quantité d'exemples & de figures
de -Poiffons qu’il a vûs yivans, plus beaux & plus extraordinaires
encore que ceux des Citations précédentes particulièrement
les Poiffons Perroquets, & les Poiffons dcsRo-
cbes, qu’il dépeint avec des couleurs d’une beauté incroya-
blej Surquoi l’on peut confulter le Livre même.
L e Capitaine Dampier, le Pere FeuUIée , Mr. Frezier &
beaucoup d’autres bons Auteurs, confirment cela aufli’par
quantité d’exemples,dont le détail leroit trop longàraporter.
D E C L A R A T I O N
S U R C E T
O U V R A G E .
f^gggj<| Omme c’eft ici un des plus precieux Morceaux dont l'Hif-
f / g l p toire Naturelle ait été enrichie depuis la nailïance des Let-
l ' ^ ^ S t r e s , j’ai pris un foin très-fcrupuleux d’aller à la fource,
de produire -la preuve des faits que j’expoiè dans cet Ouvrage.
. . . f. r.
Te déclare donc que tout le contenu du premier Tome , conilixanc
én 42. Planches & 218. Numéros , eft copié dans l’exaéte vérité fur
les Originaux que Mr. B althasar C o y e tt , aéiuellement Preiident
des Commiiïaires pour l’adminiftration de la Juftice générale des Indes
à Batavia, a fait peindre lorfqu’il étoit Gouverneur des Moluques 5 Sc
que la Déclaration de Mr. fon Eils, que j’ai mife au commencement de
l ’Ouvrage , à la feuille qui a pour titre Avertissement de l'Edttéur,
eft très - exaéfcement vraie dans tout fon expofé. J’ofe en garentir la
vérité aux yeux de cette grande Ville & de cette Republique entiere :
où Mrs. Coyett Pere St Fils font connus pour gens d’honneur & de
dignité, & où un nombre confiderable de perfonnes encore vivantes,
revenues des Indes, 8c qui en reviennent tous les ans, font témoins
que rien n’a été flaté dans fon Recueil.
Quant au fécond Tome confiftant en 57. Planches 8c 241. Numéros,
j’ai produit auili à la fuite de la Déclaration de Mr. Coyett, les Atte-
ftations de vérité qui y ont du raport : Cependant comme il ne me
convient point de laifler aucun fcrupule au Public fur la bonne foi
qu’un Editeur doit toujours conferver en publiant des Ouvrages de l’importance
de celui-ci, j’avouë que le Peintre avoit grofti 8c differentié
à l’excès diverfes Copies qu’il a répandu des Recueils fur lefquels j’ai
formé ce fécond Tome, 8c que j’ai eu une peine infinie à feparer dans
fon Ouvrage, ce qu’il y avoit de vrai, reconnu pour tel dans les Atte-
ftations, d’avec ce qui s’y trouvoit d’exageré. Je crains même que le
Monftre reprefenté particulièrement fous le nom de Sirenne à la fin du
fécond Tome, Planche LVII. N°. 240. n’ait befoin d’être reétifié.
Pour