
L’ART JAPONAIS
D’après d’anciennes traditions, acceptées par les Japonais eux-mêmes, ceux-ci auraient reçu des Chinois,
vers le huitième siècle de notre ère, les premières notions des beaux-arts Mais pendant huit cents ans environ,
par suite des troubles incessants du pays désolé par la guerre civile et par la guerre étrangère, le développement
artististique est enrayé dans les îles du Soleil-Levant, et, au seizième siècle seulement, à cette
même date de plein épanouissement artistique à laquelle on a donné le nom de Renaissance chez les peuples
occidentaux, l’art national prend au Japon un caractère personnel et atteint bientôt son plus haut point de
perfection. Une paix profonde, dès ce moment, règne dans l'Empire du grand Nippon, et se prolonge
jusqu’à nos jours. L’art se développe alors sans obstacle; il arrive à son apogée et s’y maintient longtemps;
il ne commence à décroître, à s’amoindrir, à se subaltemiser par de maladroites imitations qu’au contact
des étrangers, au moment où, renonçant à leur génie propre, les Japonais ont pris les Européens pour
modèles, leur ont emprunté leurs lois civiles et militaires, ont imité leurs armes, leurs navires, leurs outils,
et se sont revêtus de leurs disgracieux costumes. L’esprit de civilisation gagnera peut-être à ce changement:
mais l ’originalité disparaît, le caractère s’efface, et l’art ensoleillé de ces contrées, les plus extrêmes de
l’Orient, ne sera bientôt plus qu’un souvenir dans le pays même où il est né.'
Sollicitée par une demande incessante, l’exportation a pris, depuis quelques années, un développement
excessif; la quantité des produits s’est substituée à leur qualité, et une décadence,, peut-être irrémédiable,
s’accentue de jour en jour.
Le moment est donc heureusement choisi pour recueillir les éléments épars de l’art d’hier, qui n ’est plus
déjà l’art d’aujourd’hui, qui sera moins encore l’art de demain ; et la publication des dessins choisis avec un tact
si rare par M. Adalbert de Beaumont, reproduits, par le procédé .chromolithographique, dans la ravissante
harmonie de leur, éclat .primitif, ne pouvait venir plus à propos.
Les Japonais, qui n’ont pas d’architecture ; dont la statuaire né s’est pas élevée beaucoup au-dessus des
productions barbares des premiers âges, et reste confinée dans quelques représentations hiératiques, invariablement
taillées sur un modèle commun et traditionnel ; plus féconds comme peintres, mais n ’ayant jamais bien su
dégager, même dans les scènes les plus héroïques, le sublime du grotesque, se montrent, au contraire, supérieurs
à tous les autres peuples, aux Chinois eux-mêmes, dans les arts auxquels est appliquée plus spécialement
la qualification de décoratifs. Au contraire, des Chinois qui reproduisent encore de nos jours les modèles
de convention transmis par les plus anciens ateliers, qui ne s’écartent jamais, dans les tableaux empruntés
au paysage, aux animaux, aux plantes, des types séculaires fixés par lés plus anciens décorateurs ; les
Japonais ont le sentiment inné et profond de la nature ; ils font revivre fidèlement, religieusement en
quelque sorte, comme s’ils en étaient pénétrés, l’infinie variété de ses changeants aspects ; en même temps,