
Même originalité dans les palais; partout, à Venise, éclate cette originalité si vive, qui fart qu aux
yeux tout est neuf, qu'on se sent tiré hors dn convenu. Au treizième siècle;, alors que le style byzantin
cède la place au gothique, alors que l'ogive remplace les arcs mauresques en fer à cheval, dans cette
admirable ville, l'architecture continue à s’associer au caractère arabe. La famille des Lombardi, dont
Pietro fut le chef, des artistes comme Rizzo et Sansovino, savent disposer les marbres, précieux sur les.
façades, et les caprices élégants de leurs ,arabesques: armures et branchages, griffons et feunesses, #eurs
fantastiques, chèvres malignes, to u t e u n e profusion de plantes poétiques et d'animaux joyeux et bondissants.
?.Nulle part la Renaissanoe ne fut plus inventive, plus gracieuse, plus délicate, plus librement
originale. , . ■ ? î - 1 y - ‘ „ «,
On n'a, pour s'en convaincre, qu'à parcourir les .planches de cet album dans lesquelles semblent
revivre les splendeurs de cette glorieuse cité vénitienne, avec ses palais, ses, fragments d’architecture, scs .
ornements et ses débris sans nombre. Voici la porte d'eau du Paiais ducal avec son seuil d'un noble
style et l’enchevêtrement gracieux de ses sculptures; voici la porte du palais Van Axel, les bas-reliefs
de la Scala d'Oro, dus à Al. Vittoria; des sculptures et frises de .divers tombeaux, des marteaux de
porte des palais Correr et Pisani, des grilles, un puits de bronze d'une richesse incomparable, d'un goût
exquis, des modèles de cheminées, de miroirs, et cent détails d'ornements dont rémunération deviendrait
'fastidieuse, mais qui seront d'une utilité inappréciable pour nos écoles contemporaines d’art décoratif.
Passant rapidement sur'les planches consacrées à d'autres villes italiennes, comme Païenne ou
Horence, arrêtons-nous un moment à celles qui reproduisent des spécimens d’orfèvrerie russe et.
d’ornementation purement byzantine.
11 y a seulement vingt ans, la Russie ignorait qu'elle eût en un art.. Ce n’est que depuis ces dur-,
niers temps que, grâce aux découvertes archéologiques, on a pu en étudier les origines et en constater
lés déviations produites par la trop brusque importation, dans le vaste empire, de la civiikmmr occl-
dentale. Les fouilles exécutées . sur tous: les lieux témoins de l'ancienne histoire moscovite, notamment
celles qui ont été fuites sous la direction de M. Somakvosoff, dans le gouvernement de Tchcrnigow, et
les recherches entreprises dans les tumuli laissés par les Scythes sur le territoire de la Russie méridionale,
ont ait découvrir d’antiques sculptures avec une grande quantité d'objets en or, en argent, en cuivre,
en fer, décorés de nombreux ornements. En même temps, un autre groupe d’archéologues interrogeait
les anciens monuments restés debout. *
De toutes ces études, il résulte que l'art russe a été formé de la fusion de troiséléments pi ncr-
paux : l'élément Scythe, qui est l'élément primordial,. local ; puis l'élément byzantin, qui est le plus
dominant; enfin l'élément mongol. L'art des Scythes, aïeux des Slaves, avait une origine asialique. Lan
byzantin est un composé d'éléments très divers empruntés à la Grèce hellénique, à Rome, et a
fExtrême-Orient, à la Perse’ à l’Asie-Mincure. La Russie n’a pas positivement copié l'art byzantin; elle a
d’abord été puiser aux mêmes sources orientales que lui; et, plus tard, à partir du dixième siècle, elle
a pris à Byzance ce qu'elle a trouvé de semblable à ce qu’elle possédait déjà. Quant à lart mongol,
il était tiré de l'Extrême-Orient et des peuples aryens de l’Asie.
T * La Russie, a dit très justement Viollet-le-Duc, a été l'un des laboratoires où les arts, venus de
tous les points de l’Asie, se sont réunis pour adopter une forme intermédiaire entre te monde oriental
et le monde occidental. » C’est-pourquoi, si l’on analyse les caractères des ornements de son architecture,
on trouve des formes empruntées aux mondes les plus divers. Que l'on remarque, par exemple,
la forme de ces niches, dont le cintre est engendré par des arcs de cercle, et un sommet rectilignc aigu
qui se rencontre dans les couronnements des baies de la plupart des édifices : cela n'est nullement
byzantin, non plus que persan. C ’est indien, kachcmirien; c'est la tradition de ces encorbellements si
fréquemment indiqués dans les monuments du nord de l'Inde, même dans ceux de Bénarès, et que Ion
retrouve jusqu’eu Chine. Considérons encore-ces objets conservés dans les trésors et musées de la Russie,
ces meubles, ces vêtements, ccs armcs et armures, ces bijoux et objets d'orfèvrerie de la plus grande richesse
datant des quinzième, seizième ou dix-septième siècles, on s’aperçoit que, sans le céder en rien comme
perfection de main-d'oeuvre aux objets venus de la Perse, de Damas, de l’Occident, de l Italie ou de
l'Allemagne, ils se distinguent par l'originalité de leur ornementation et une délicatesse dans 1 exécution
que peut seule donner une industrie d'art très avancée et possédant de belles traditions. La fantaisie
inépuisable du dessin, les combinaisons inouïes des entrelacs, la prodigieuse ingéniosité des figures géométriques,
sont toujours expressivement relevées par la vivacité cl la variété des couleurs. Les quelques
exemples typiques que contient notre album suffiront aux lecteurs pour se rendre compte de ces
caractères que nous signalons ici, et pour se faire une idée exacte de ce que fut cet art national russe
que l’on cherche à retrouver aujourd’hui et à ranimer.
Victor CHAMP1ER.
TABLE DES ORNEMENTS
PO R T E D’ EAU DU P A L A IS DU CAL. V EN IS E .
A T R IO D’ UN P A LA IS . G ÊN E S .
U NE COUR A V EN IS E .
P O R T E 'D U P A L A IS V A N -A X E L . V E N IS E .
p ê c h e r i e s d a n s ’ l e s l a g u n e | $ v e n i s e .
B A S -R E L IE F S DE LA S C A LA D’ ORO AU P A L A I S DUCAL. VENISE.
S C U L P T U R E S DU TOM B EAU VENDRAMIN , DE L A SCUO LA SAN
MARCO, DE LA P A L L A D’ ORO. F R I S E DU PA LA ZZO R E A L E ,
DE L ’ É G L I S E S A IN T E -M A R IE -D E S -M IR A C L E S . V E N IS E .
F R I S E D’ UN P A L A IS . V E N IS E .
SU P PO RT EN BOIS SCU L P T É , ‘ S T Y L E LOUIS XIV. C AD R E
IT A L IEN , ( c o l l e c t i o n m e y e n d o r f .)
FO N T A IN E DU PALAIS MONCADE. PA L ERM E . M AR T EAU DE
PO R T E DU P A L A IS REZONICO. V EN IS E .
M AR T EAU DE L A PO R T E DU P A LA IS CO R R ER , A SAINT--
FOSCA. V EN IS E .
M A R T E A U DE LA PO R T E CAMPO SAN MAURIZIO. V EN IS E
M AR T EAU DE LA PORTE DU PA LA IS P ISA N I SAN STEFANO.
V EN IS E .
PIED DE BRONZE DU MAT QUI PORTE L ’É T EN D A R D DE
CH Y P R E SUR LA P L A C E SAINT-MARC. V EN IS E .
G R IL L E D’UNE S E R R U R E DE LA S A L L E D ES AMBASSADEURS.
P A L A IS DUCAL. V EN IS E .
G R IL L E S E T PU IT S EN F E R . V EN IS E .
UN P U IT S A V EN .IS E .
CH EM IN É E DE LA 'S A L L E D E S AM B A S SAD EU R S . P A L A IS
DUCAL. V E N IS E .
C AD RE DE MIROIR EN BOIS S C U L P T É . BRUGES. X VIe S IÈ C L E .
M U S É E SO LT IK O F F.
D É T A IL S D’O R N EM EN T S V É N IT IE N S .
D É T A IL S DE DÉCORAT ION DE LA C A T H É D R A L E DE MONR
E A L E . P A L ERM E .
F R I S E S , CORDONS E T P EN D U L E S , C R I S T A L L IFO RM E S , P E R .
SANS E T A R A B E S , M IN A R E T D’ IBRAHIM AGHA COMPARÉ
A L ’A S T R É E PO L YG O N A L E . MAD R ÉPO R E. ,
D É T A IL S D’ORNEMJENTATION B Y Z A N T IN E -
L E T TR E DU MANUSCRIT DE SÉNÈQUE. BIBLIOTHÈQUE DU VATICAN.
FORMES ' D IV E R S E S D ES C R IST A L L ISA T IO N S DE LA N E IG E
D E S S IN É E S . PENDANT UN VO YAGE .EN LAPONIE E T AU
CAP NORD, PAR M. A. DE BEAUMONT.