
L’ART CHINOIS
Au dix-septième siècle, au moment où commençaient à paraître les laques orientaux, si admirablement
encadrés par les Boulte et leurs successeurs dans le cuivre et l’étain de leurs meubles sans pareils; au
moment où les riches poteries des pays encore inconnus, presque fabuleux, où naît la lumière, étaient
déjà recherchées, on ne considérait les auteurs de ces merveilles, c’est-à-dire les Chinois eux-mêmes,
que comme des êtres grotesques, n’ayant qu’un droit approximatif e t douteux à figurer dans la famille
humaine. Les missionnaires, qui les .connaissaient; qui avaient formé, dès le' dix-septième siècle, des
établissements importants dans les principales villes de l’Empire du Milieu, surtout à Pékin; qui avaient
pu se convaincre, par leurs observations, par leurs recherches e t leurs études, de l’antériorité de la
civilisation chinoise sur les civilisations européennes ; et, par un contact quotidien et prolongé avec les
habitants, de la supériorité des Chinois, en plus d’un point, sur les peuples occidentaux, avaient
vainement essayé de réagir contre ce préjugé; il. persista longtemps, presque jusqu’à nos jours.
Le goût des objets empruntés aux arts décoratifs des fils du Ciel s’accrut encore au dix-huitième siècle:
sous Louis XV d’abord, et surtout sous Louis XVI où il devint général dans la classe aisée.
La décoration d’un appartement u ’était alors complète qu’à la condition d’être relevée par le
miroitement des laques, l’éclat des émaux, la splendeur des tentures de l’Extrême-Orient. Mais, à cette
époque de grande vogue et même pendant les premières années du dix-neuvième siècle, les Chinois n’apparaissaient
encore aux Occidentaux que sous l ’aspect de ces magots, de porcelaine alors si fort à la mode.
De nos jours, les étrangers, beaucoup plus par force que par persuasion, ont pénétré dans toutes
les parties du Céleste Empire; les soldats anglais, russes, américains, français, ont traversé le pays en
triomphateurs. La Chine est ouverte ; et, par les brèches de la grande muraille, par les ports innombrables du
littoral du vaste empire, les Chinois se sont répandus sur le monde qu’ils menacent d’envahir. Un
commerce actif, avantageux pour les deux parties, s’est établi entre les blancs européens et lès jaunes
asiatiques; non seulement ceux-ci nous ont envoyé leurs thés devenus des objets de consommation
courante, et leurs soies désormais indispensables à la plus belle de nos industries, mais leurs poteries,
leurs laques, leurs étoffes sont, dans nos contrées, d’un usage commun.
Mais, tandis que les objets de fabrication moderne se multiplient, les pièces anciennes deviennent
de plus en plus rares. Parallèlement aux progrès de l’invasion pacifique et productive des Européens, les
anciennes industries chinoises, sous l’infiuence des demandes de l’exportation, se sont en quelque sorte démocratisées.
Le soin, presque religieux, que nous avons eu l’occasion de signaler déjà, dans la préface de Y Art
japonais, avec lequel se transmettaient autrefois, en Chine, les anciennes traditions artistiques et même les
tours de rnàin de la fabrication courante, s’est lui-même affaibli, et les Chinois modernes, malgré leur