au service des pagodes (temples indiens) ; elles ont mission de divertir, plaire et charmer, à toute réquisition , moyennant une légère rétribution au profit d’abord des brahmes de la pagode, et de la pagode ensuite. La bayadère est danseuse ; c’est la Terpsichore indienne ; mais combien elle diffère de la Terpsichore de l’Opéra! Les ronds de jambes, les jetés-battus, les entrechats, le pied audacieusement lancé dans l’espace au risque de séparer en deux le ballon de gaz qui compose l’accoutrement forcé des danseuses d’Europe,; tout cela ne passerait, aux yeux d’une bayadère, que pour les mouvements insensés d’un jongleur illuminé. Pour les bayadères, les babouches ne doivent guère quitter la terre; mais les balancements, les soubresauts des hanches, les frémissements ou les molles ondulations du torse, les cambrures des reins, les bras pâmés, les lèvres ardentes et entr’ouvertes, les yeux brûlants de désir, ou languissants de satiété, l’ivresse de l’amour et les poses les plus voluptueuses, voilà ce que la bayadère excelle à mimer, ou plutôt à traduire avec une vérité saisissante, Les bayadères, qui sont l’incarnation de la coquetterie chez les Indiens, mettent un soin minutieux et un grand art à façonner leur beauté, à embellir et conserver leurs charmes. Plaire est toute 1 occupation de la bayadère, comme son suprême bonheur est dans la réussite de ses merveilleux plans de séduction. Ces courtisanes exercées se livrent à des pantomimes d’amour et à des extases passionnées, autant par amour de l’art que dans l’intérêt de la pagode et des brahmes qui en profitent, et certes, de toutes les femmes qui embellissent les différents points du globe, il n’en est pas qui sachent mieilx, par l’attrait de la parure, le raffinement de la coquetterie et par l’élan de la passion, faire valoir tous leurs avantages et pratiquer l’art si difficile de la séduction. Or, depuis plus de deux mille ans jusqu’à nos jours, quand l’oeil n’a plus assez de feu, que le regard n’est pas assez brûlant, les bayadères ont coutume de se former autour des yeux un cercle noir qu’elles tracent à l’aide de poudre d’antimoine. Pauvres lionnes d’Europe, saviez-vous que votre habitude de peindre votre visage est emprunté aux bayadères de l’Inde? Elles pourraient vous prêter beaucoûp encore ! Cependant, quelque désir que nous ayons d’être agréable à nos lectrices, si d’aucunes nous honoraient de leur attention, nous ne pouvons leur divulguer ici tous les secrets à l’usage des bayadères pour conserver la juvénilité de leurs grâces. Nous avons du reste pleine confiance dans l’ingénieuse sagacité de celles qui se sont accoutumées à regarder comme le suprême bien les agréments physiques, et, réservant notre appréciation sur le point si délicat de savoir s’il ne vaudrait pas mieux pour la femme qu’elle bornât son ambition au désir légitime de plaire, nous quittons brusquement ce sujet plein de périls pour franchir la barre qui en présente aussi et aborder tour à tour quelques-unes des villes du littoral indien. L’inévitable barre franchie, on entre à Pondichéry par le cours Chabrol, délicieuse promenade plantée de
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