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La roue de la fortune a des mouvements inégaux ; au moment même qu’elle paraît s’enrayer, elle reprend brusquement sa marche, sous l’impulsion d’un moteur caché, d’un pouvoir mystérieux, et nous savons que le fait propre et caractéristique de sa rotation est d’élever les uns, quand elle abaisse les autres. Les Hollandais aussi devaient craindre de disparaître un jour, comme les Portugais. Ils eurent à lutter contre un caractère aus^i tenace, un esprit aussi calculateur, un orgueil plus grand, joints à une rare perfidie, quand ils se trouvèrent, à leur tour, en présence des Anglais. Ce qui s’est passé au Cap de Bonne- Espérance, et plus tard à Cevlan, est un avertissement qui mérite d’être pris en sérieuse considération. Mais nous en sommes encore au moment où les Hollandais et les Portugais tenaient au sommet de la roue, les uns pour y monter, les autres pour en descendre. Dans le cours de leurs succès, les Portugais avaient refoulé, vaincu et dépouillé un peuple à part, une race d’hommes adroits, énergiques, farouches, et dont les instincts sauvages contrastent étrangement avec le sol délicieux qu’ils habitaient et avec la langue harmonieuse qu’ils parlent encore aujourd’hui. Je veux parler des Malais. Ces hommes, d’une sauvagerie à peine contenue par des dehors assez séduisants, éprouvent un attrait irrésistible pour le brigandage. Tous les trouvez aujourd’hui dans tous les ports indiens; ils sont presque tous marins, et s’offrent généralement à compléter les équipages. Depuis que le Malais est dépossédé de Sumatra, de Malaca, de Java ; depuis que son autorité n’est plus connue aux îles Malaises, il a repris cet instinct de pillage et de férocité qui avait cédé un instant au luxe du commerce, quand Malaca était le véritable marché de l’Inde. Délaissé, pourchassé, vaincu, le Malais garde dans son coeur toute sa haine, et la soif du sang lui monte souvent à la gorge ; il ne quitte jamais son cvicl, espece de poignard meurtrier, d’une trempe merveilleuse ; et que de fois, hélas ! le crid n’a-t-il pas armé une main perfide ou une main audacieusement criminelle! Aux actes de baraterie, de révoltes à bord, de piraterie sanglante, il s’est toujours mêlé des Malais. La religion de ce peuplé est un mélange de mahométisme et de fables généralement empreintes d’une odeur do sang. Aussi, ne s’étonnera-t-on pas de ce que le goût du meurtre, la familiarité du stylet et le flair du crime, aient continué à exercer une grande influence sur ces natures félines. Sumatra, l’une des grandes îles de la Sonde, est regardée comme le berceau des Malais, qui s’étaient établis dans la partie méridionale de l’île. Le sol y est travaillé par de nombreuses éruptions volcaniques. Quant à la chaleur du climat, elle est si bien tempérée par la fraîcheur de vents continuels, que le séjour de cette île est fort agréable. Les grandes pluies offrent, dans ce pays, un singulier avantage ; elles suppléent au travail qui répugne à l’excessive paresse des habitants, et mettent à découvert de grandes quantités d’or, que les Malais viennent ramasser ensuite sans beaucoup de peine.


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