pour les Indes. L’instinct commercial de la Hollande ne se méprit pas sur l’importance de Ceylan ; cette île, par sa position et par les avantages immenses qu’elle présentait, devenait presque indispensable à la nouvelle compagnie, et avec peu de dépenses on y pouvait établir des rades aussi sûres que bien défendues. Les Hollandais n’eurent, dès lors, d’autre désir que d’en chasser les Portugais. Après les avoir repoussés des côtes Malabar et Coromandel, ils s’emparèrent de Ceylan en 1658 et s’y établirent définitivement. (1). La compagnie y organisa un commerce très-étendu, et elle réalisa des profits immenses sur les cannelles et les poivres que l’île fournissait en abondance. Le poivre qu’elle tirait de Java et celui qu’elle trouvait à Ceylan lui donnèrent pendant longtemps le monopole de cette épice, dont elle expédiait chaque année en Europe de sept à huit millions pesants. Le Malabar est le seul pays qui ait pu entamer un monopole aussi bien assuré. La réputation de supériorité de la cannelle de Ceylan n’a jamais été contestée; mais on se fait difficilement une idée de la profusion avec laquelle cette richesse est répandue dans l’îlé, et c’est pour le voyageur un étonnant spectacle que la vue de ces cannel- liers, aussi communs à Ceylan que les chênes, les châtaigniers et les noyers en France. Ils poussent (1) Spilbergen fut le premier navigateur hollandais qui y montra son pavillon ; il offrit des secours à la cour de Candy pour chasser les Portugais. naturellement dans toute l’ile et tendent aux passants leurs longues branches droites, comme pour convier chacun à prendre au moins un bâton, ce qui se fait du reste en toute liberté. L’arbre caoutchouc est aussi très-commun à Ceylan; les racines innombrables de cet arbre et leurs masses noueuses, qui se roulent sur le sol comme des groupes de serpents boas, l’avaient fait appeler par les indigènes l’arbre serpent. Le poivrier, lui, est un arbuste qui ressemble beaucoup à la vigne; comme à elle, il lui faut un arbre ou un échalas pour le soutenir. Sa racine est fibreuse et noirâtre ; sa tige sarmenteuse est aussi rameuse, avec beaucoup de noeuds; de chaque noeud part une feuille aiguë et lisse dont l’odeur rappelle le goût du fruit ; de petites grappes, comme celles du groseillier, sont garnies de vingt-huit à trente petites fleurs. Le fruit qui succède à cet état de floraison est gros comme une double lentille ; vert d’abord, il devient rouge et se cueille en octobre. On l’expose pendant une semaine au soleil, ce qui le rend noir et ridé; mais enlevez la pellicule extérieure et vous avez le poivre blanc. Java, Ceylan, Sumatra et la côte de Malabar sont les pays où il prospère; on ne le sème pas, il se plante : il aime les terres grasses, et, autant que le serpent, il recherche le soleil. L’industrieuse Hollande tirait donc un parti très- avantageux de Ceylan et jouissait à son tour de cette brillante auréole dont un moment les Portugais avaient été environnés et qu’ils avaient fait rayonner 6
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