CHAPITRE III. L’esclavage à Bourbon. — L’esclavage ne peut se soutenir par aucune considération. — Des nègres. — Quelle est la cause de leur teinte noire V — La cause de la couleur noire demeure-t-elle inexpliquée Le café. — Le manioc. — Madagascar. — Considérations sur ce pays. L’esclavage à Bourbon a duré jusqu’au 24 février 1848.'N’y a-t-il pas lieu de s’étonner que la France, cédant à des considérations secondaires, ait ainsi tardé à repousser cet avilissement de la créature, ait hésité à déchirer ce lambeau de la barbarie, qui faisait à la fois tache à la civilisation et honte à l’humanité ! En 1846, à Saint-Denis, j’ai vu vendre à la criée les nègres d’une habitation, cheptel humain, sur lequel s’exerçait l’agiotage de trois ou quatre maquignons, lesquels, à mon sens, ne présentaient avec le troupeau vendu d’autre différence apparente que la nuance de la peau et la qualité de la toison. J’ai parcouru l’Egypte en Î850, et j’y ai retrouvé le marché aux esclaves, cette monstruosité qu’aucune raison d’État ne saurait faire admettre. Du sein de tout groupe d’hommes pensants, s’élève une double aspiration : aspiration vers la liberté civile et aspiration vers la liberté politique. La première de ces libertés est celle qui donne à chaque citoyen le droit de faire tout ce qui n’est pas contraire aux lois. L’autre est celle qui donne aux peuples, lorsqu’ils n’ont pas abdiqué leur souveraineté, le droit de participer à la confection des lois. Ces aspirations sont légitimes, nul ne saurait le contester; mais au-dessus d’elles il y a quelque chose de plus sacré, un droit bien plus ancien : c’est la liberté primitive, la liberté naturelle, la liberté départie à l’homme en tant que créature de Dieu et qui donne à chacun de nous la propriété de soi-même, la jouissance de son esprit, la possession de sa raison, l’exercice de son libre arbitre ; il y a cette liberté, qui est la conscience du bien et du mal, et qui établit la différence entre l’homme et la brute. Violer tous ces droits primordiaux, méconnaître et nier toutes les prérogatives de l’être pensant, de l’être doué de raison; c’est donc plus qu’une inqualifiable tyrannie, c’est un crime de lèse-humanité ! Pourquoi cè groupe d’hommes pensants, qui approuve ces aspirations aux libertés civiles et politiques, refuserait-il à un autre groupe d’hommes, créés du même limon, le droit à la liberté acquise à tout être de la création ? Cette pression odieuse du fort sur le faible dépassait dans les temps primitifs la limite du possible; elle devait donc cesser. Dans l’ancienne Rome, la religion a eu l’initiative de l’abolition de l’esclavage ; elle fit faire un premier pas à cette grande question, mais elle n’accomplit pas le voeu si éloquemment exprimé par les
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