lence quand on parle de ce pays. Oui, il y a plus d'un repaire apte à cacher et cachant réellement le tigre royal, le tigre du Bengale. Cet animal, si connu par des récits fantastiques, est réellement et à bon droit la terreur de l’Indien. Quel cruel et quel bel animal que le tigre royal adulte, ce mammifère digitigrade, comme dirait l’Académie. Sa robe, d’un jaune remarquable, n’est pas constellée de mouchetures noires en forme de roses, comme celle du tigre ordinaire. Le tigre royal a un magnifique pelage d’un jaune plus foncé, zébré de longues bandes noires; ces larges rubans.bruns, qui paraissent satinés, le distinguent des tigres ordinaires, des panthères, des léopards, des jaguars. Sa taille et sa force l’en distinguent bien plus encore. Il a été donné à peu de chasseurs de voir cet animal dans son beau. Ce n’est pas à l’affût, juché sur des arbres et faisant bêler une chèvre d’appât, qu’il est possible d’admirer cette puissante et terrible nature. Ce n’est pas non plus dans les chasses faites sur des éléphants, chasses précédées d’éclaireurs à cheval et d’une lésion de traqueurs armés de lances, s’avançant vers le repaire pour présenter de front au tigre une triple rangée de piques aiguës. Non, ce n’est pas ainsi que l’on peut juger d’une bête fauve qui se rase, se dérobe, se laisse vite blesser, et ne donne aux plus audacieux que le spectacle de son agonie, merveilleuse encore pourtant si en mourant le royal gibier a pu lancer un dernier rugissement et un dernier coup de griffes ! J’ai eu le rare et dangereux privilège de voir le tigre, non pas chassé, mais chassant. Il rôde plus qu’il ne quête, et ne poursuit jamais qu’à vue; mais alors son appétit, sa convoitise, sa férocité, étant excités, il est tellement remarquable, que je n’oublierai jamais la rencontre que je fis à Corringhee en 1846. Guidé par un noir, je chassais les aigrettes, qui abondent dans les marais de ce pays, quand une gazelle mouchetée se précipite effarée et bondit.à cent pas de nous : elle disparaît comme un trait. A peu de distance de cette proie échappée, un énorme tigre royal, grâce à ses muscles d’acier, s’enlevait par bonds de plus de quarante pieds. Quelque rapide que fût sa course, je jugeai l’animal parfaitement adulte. Sa large face était plissée, signe caractéristique; ses yeux, démesurément ouverts et brillants comme deux charbons ardents, dardaient je ne sais quelle électricité fulgurante qui me donna une commotion. Son cou était tendu parallèlement; sa gueule mi-béante laissait pendre une langue couleur de sang fraîchement répandu. J’étais calme, quoique baigné d’une légère sueur froide ; je ressentais pourtant un frisson jusque dans le cuir chevelu; mais le coeur avait conservé ses battements réguliers et mes idées restaient nettes et précises. Quant à mon guide, il se tordait d’épouvante et sa raison paraissait égarée. Je l’avais maintenu à mes côtés malgré ses contorsions, bien persuadé, l’avouerai-je, que son fumet de nègre lui attirerait les préférences de notre malencontreux visiteur. J’étais néanmoins bien décidé à défendre mon guide, en déchargeant sur l’agresseur et à bout portant 15
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