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commerce et de sa circonscription resserrée. Mais plutôt que de le vendre, que ne l’échange-t-on contre Chatigan? Les Anglais y consentaient autrefois. Sans quitter le Bengale, nous nous rapprocherions du bas Gange, pour y prendre une position indépendante. Le commerce y serait plus facile, à raison de la proximité deDaca ; Daca est une ville très-commerçante, et son voisinage ne serait pas absorbant comme celui de Calcutta. Pendant mon séjour au Bengale, il s’est passé à Chandernagor un fait audacieux ; jeTintitule Histoire d'une jolie Bengalie. Je le fais connaître sans trop espérer que l’Indienne, en général, s’expose moins désormais à tenter la convoitise des malfaiteurs. J’ai dit plus haut que, avides de bijoux, les Indiennes les portent constamment sur. elles ; souvent elles allument ainsi la cupidité et deviennent les victimes de vols audacieux, quelquefois d’assassinats. Voici l’histoire de la Bengalie. C’était une jolie femme de dix-huit ans; elle était souple et ondoyante; elle avait une démarche gracieuse, un peu féline. Ses petites mains effilées, ses bras fermes, chargés de treize bracelets étincelants, étaient du plus pur modelé. Sa prunelle noire, remplie d’éclairs, avait parfois un velouté qui donnait à ses yeux fendus comme ceux d’une gazelle une expression d’un charme inexprimable; le fluide vaporeux de ce regard, légèrement provocateur, dénotait chez la jolie Bengalie de vagues désirs, ou des trésors de tendresse. Le plus souvent, ses mouvements étaient prestes et vifs ; son teint mordoré plaisait d’une façon étrange. Son nez aux fines narines était fort heureusement veuf de tout, anneau d’or. Sa chevelure splendide était noire comme l’aile du corbeau ; deux grandes plaques d’or, garnies de pierreries, brillaient au sommet de la tête, et, placées à la naissance de belles nattes lisses, elles couvraient des flots soyeux, dont l’extrémité se fixait par un bijou en argent représentant la fleur du lotus. Un collier étalait ses deux rangs de perles fines de Ceylan au- dessusd’une gorge irréprochable, qui ne se laissait voir qu’à demi (la pagne légère ne couvre jamais qu’une épaule dans le costume des Indiennes). Des anneaux d’or étaient placés au-dessus de ses chevilles déliées, et, suivant la bizarre coutume du pays, ses doigts de pieds étaient chargés de bagues en or et en argent. C’était un admirable type, d’une beauté spéciale, peu connue des Européens aux visages pâles. Eh bien ! cette jeune femme, comblée de tous les dons d’une nature prodigue envers elle, cette belle création du soleil tropical, s’était mariée, je devrais dire vendue, à un Bengalie riche et d’une caste plus élevée, uniquement pour avoir à profusion des bijoux. Son mari avait un teint couleur clair de lune, saupoudrée de safran, ou plutôt son teint avait la teinte d’un potiron vu au clair de la lune; singulière nuance, que vous n’obtiendrez que par la fusion des couleurs du vieux parchemin et de la pelure de banane. De plus, notre homme avait la peau mouchetée, et ces mouchetures, simulant les traces de gouttes d’acide sulfurique jetées sur une basane, lui couvraient


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