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article introuvable ici, donc précieux d’autant plus, le savon. Il faudra apprendre à le fabriquer nous-mêmes ; et notre pauvre ménagère, à qui cela donne du souci, s’est déjà munie de recettes. Pour voisins, nous avons à 200 pas un marchand; et de l’autre côté du vallon des chasseurs indigènes. Le hameau de ceux-ci et l’établissement de celui-là font très bien dans le paysage. Mle Coillard a bientôt découvert dans ce voisinage, parmi les enfants de l’expédition et les garçons zambéziens qui travaillent pour nous, les éléments d’une école intéressante. Elle la fait tous les matins et tous les soirs avec l’énergie qui lui est propre, et avec autant de zèle et d’affection qu’elle faisait celle de Léribé. Qui dira avec quels sentiments de soulagement, de joie et de reconnaissance nous avons tout de bon dételé nos voitures, et planté nos tentes ? Oui, le voyage a été long, dispendieux .et difficile. Ce qui nous en reste, c’est une profonde lassitude physique et morale; il nous semblait parfois que les ressorts étaient détendus et que les sources de la vie se tarissaient. Mais jour après jour et dans chaque circonstance, Dieu nous a donné la mesure de grâce nécessaire. Tout le long du chemin nous avons trouvé des coeurs sympathiques chez les noirs comme chez les blancs, chez les Boers comme chez les Anglais. Là même où on ne nous prédisait qu’hostilité et entraves, on nous a comblés d’égards et entourés d’intérêt. Nous n’avons pas eu de maladie sérieuse, pas d’accident grave, pas même de fâcheuses aventures. Nous avons vu le spectre de la faim et redouté la soif ; mais Dieu a pourvu à tous nos besoins, et a rempli pour nous les étangs du désert. Nos difficultés les plus grandes ont aussi été les canaux des bénédictions les plus précieuses. Auprès de l’Ebénézer que nous élevons ici au nom de Celui qui a compté nos allées et nos venues, le passé nous inspire l’adoration et la louange; l’avenir, le calme et la confiance. Guidés par l’oeil de l’Eternel, conduits par sa main toute-puissante, un pas à la fois nous suffit. Séchéké, 19 août i 884- Séchéké I Comment le tracer sans émotion, ce nom-làl... C’est ici que mon Maître m’a conduit il y a six ans, et m’a fait entrevoir le nouveau champ de travail que nous cherchions. C’est ici qu’il m’a arrêté après m’avoir fait passer par de douloureuses alternatives de joie et de déception. Son temps, à lui, n’était pas encore venu. C’est ici que notre cher Eléazar Marathané a fini sa carrière et qu’il repose!... Toutes les expériences de mon premier séjour me reviennent à l’esprit. Le temps, par une dispensation de la Providence, a adouci ce qu’elles avaient alors d’amer et de douloureux; les bénédictions seules sont aussi douces qu’alors. Je ne puis m’empêcher de plonger un regard dans l’avenir... A quoi bon? L’avenir est à Dieu, à nous le présent. Le présent! il est sombre. Notre chemin est hérissé de difficultés que j ’avais bien prévues, mais dont il ne m’était pas possible de mesurer toute la grandeur... Mais courage ! c’est quand le patriarche fugitif et solitaire reposait sur une pierre sa tête fatiguée, que le Seigneur, dans une vision glorieuse, soulevait pour lui un coin du voile de l’avenir, et lui faisait entrevoir les multitudes qui devaient se réclamer de son nom. « Ne crains point, dit le Seigneur à Paul dans la ville de Corinthe, parle et ne te tais point, car je suis avec toi... J'ai un grand peuple dans cette ville. » Mais revenons à Léchoma. Une fois campés, nos boeufs renvoyés à Gazouma, à deux jours de distance, pour y paître et se reposer, il fallait voir le Zam- bèze; on n’y tenait plus d’impatience. Nous laissions ma femme et ma nièce se débarrasser de leur mieux d’un cauchemar qui les hantait depuis Mangouato : la lessive. Après une vie missionnaire de vingt-cinq ans, c’était encore pour madame Coillard un apprentissage à faire, un apprentissage redouté. Jamais encore elle ne s’était vue réduite à cette nécessité. Et de penser à cette accumulation de linge de voyage! Les femmes de nos évangélistes, par pitié autant que par affection, consentirent bien à donner un coup de main. Mais il est évident que ce n’est pas un secours sur lequel on puisse compter. Nous partîmes, M. Jeanmairet et moi, accompagnés d’une partie de notre monde, légèrement équipés et assez légèrement approvisionnés. Nous suivons le vallon, qu’une conflagration récente a couvert d’un triste linceul. Deux heures et demie de marche, et, au sortir d’un taillis, un large ruban qui serpente dans la plaine, se faufilant à travers des jungles impénétrables, paraît à nos yeux. C’est le Zambèze ! Il vaut la peine de s’arrêter un instant. Arrivés au gué officiel de Kazoungoula, nous nous annonçons — selon la coutume du pays — par des coups de fusil. Pas de réponse. Nous tirons encore et encore sans plus de succès. C’est l’usage. Nous nous disons que le vent souffle si fort, le cours de la rivière est si moutonné que les canots ne pourraient traverser sans danger. Satisfaits de cette explication toute gratuite de notre part, nous passons le reste du jour à chasser des oiseaux, à admirer ce majestueux fleuve, à y chercher des hippopotames et des crocodiles qui sont invisibles, et à guetter la gymnastique curieuse des martins-pêcheurs. La nuit survient, nous nous serrons la ceinturé, car nous avions compté sur un meilleur hôtel, et nous nous blottissons de notre mieux sous un méchant abri de roseaux, hanté par la vermine et par les souris. Le froid était si intense, 3° centigrades au-dessus de zéro, que tous, à une ou deux exceptions près,


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