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me dit-il, que ta lettre m’est bien parvenue. Je l’ai reçue avec joie. J’ai compris ce que tu me dis. C’est une exhortation et un encouragement dont je te remercie. Oui, mon père, celui qui est chargé d’une mission comme la nôtre devrait être digne de la plus grande confiance. Si même les chefs, qui ne sont que des hommes, cherchent à envoyer en pays ennemi des messagers obéissants et fidèles, qui suis-je, moi, pour avoir des arrière-pensées quand c’est le Roi des rois qui m’envoie? Les chefs envoient leurs messagers, mais ils restent chez eux. Mon Roi à moi ne reste pas derrière. Il dit : « Suis- moi! y> Donc il marche le premier. Oh! si seulement j ’arrivais à pouvoir me décharger sur lui de tous mes soucis ! Si je possédais la pleine confiance qu’il me dirigera, et qu’il travaillera par moi ! par moi qui étais perdu sans espoir et qui ne suis devenu un homme que par sa grâce! Homme de Dieu! Qu’il soit béni le voyage que nous entreprenons en son nom seul ! Ma femme et moi nous avons consenti à ce que notre Père nous emploie à son oeuvre. Nous sommes faibles, mais nous l’entendons dire : « Ma force s’accomplit dans votre infirmité. » Nous sommes sans intelligence, mais il est dit que Jésus a été fait notre sagesse; nous sommes pécheurs, mais il a été fait notre justice. Qui donc nous a enfantés pour que nous soyons ainsi rendus accomplis ? Car de nature nous sommes pécheurs, enfants de pécheurs. Je loue la miséricorde de Dieu, je loue sa grâce qui fait de moi un messager de la nouvelle du salut; moi, Molatlégi! {perdu). Molatlégi, c’était mon nom d’enfant. C’était le nom qui, de tous, me convenait, à moi qui étais perdu. » Les femmes de nos évangélistes présentent aussi dans leurs caractères des contrastes tout aussi frappants que ceux de leurs maris. L’épouse de Léfi est une toute jeune femme de peu d’expérience. Celle d’Aaron, Ma Routhi, a .grandi dans notre maison; notre affection mutuelle est donc de vieille date. La grâce de Dieu a fait son oeuvre dans son coeur. Elle est missionnaire dans l’âme. Tous les jours, dans le voyage, elle enseignait à ses propres enfants et à ceux de Léfi à lire et à chanter, et elle ne perd aucune occasion de parler du Sauveur aux païens qu’elle rencontre. Nous sachant sous les tropiques et en juillet, vous nous croyez sans doute à moitié rôtis. Rassurez-vous. C’est l’hiver ici. Le thermomètre, qui de jour est rarement monté jusqu’à 20 degrés centigrades, est fréquemment descendu jusqu’à 3° au-dessus de zéro à l’intérieur du wagon. Ceux qui savent combien les natifs sont frileux, peuvent seuls se faire une idée de la peine que nous avions tous les matins à mettre la caravane en branle. Oh ! ma pauvre cloche et le clairon, comme on leur en voulait! On ne savait pas comment, dans mes insomnies habituelles, je pesais, pour ainsi dire, chaque minute du sommeil de mon monde, et ne sonnais le réveil qu’au dernier moment ! Un des bienfaits du dimanche, c’est que cloche et clairon étaient muets, et nos pauvres hommes en profitaient à coeur joie dans l’intervalle de nos réunions d’édification et de chant. C’est le 26 juillet, à la même date qu’il y a six ans, que nous sommes arrivés à Léchoma. Nous n’avions nulle intention d’établir notre campement au même endroit que nous avions précédemment occupé. Il fallait pourtant y faire un pèlerinage d’affection. Laissant donc les voitures en arrière, nous prîmes les devants à pied, ma femme, ma nièce et moi. Nous descendîmes le vallon, puis, tournant à gauche, gravissant le coteau que nous connaissions si bien, nous y cherchâmes longtemps l’emplacement de notre premier campement. Plus de taillis, plus de hutte, plus de palissade, S tout avait disparu dans les fourrés d’une végétation luxuriante; le charbon seul qui couvrait encore le sol, c’est tout ce qui en restait. Je me trompe. Tout près se trouve un acajou gigantesque, et son tronc porte encore gravée dans ses fibres, et aussi fraîche qu’au premier jour, cette simple épitaphe : KHOSANA mort i 3 — ix — 78 Cela ouvre un grand chapitre dans nos souvenirs ! La mouche meurtrière, la tsetsé, qui infestait naguère ces bois, s’est retirée et a suivi le buffle dans sa retraite devant le fusil des chasseurs. Nous pûmes donc aller camper plus loin, à 10 kilomètres seulement du Zambèze. Le site où nous avons planté nos tentes est charmant, et c’est certainement le moins insalubre que nous eussions pu choisir. C’est un coteau sablonneux de 3o mètres au-dessus du vallon et de 1,000 au-dessus du niveau de la mer. Délicieusement ombragé sans être étouffé, il se trouve sur la lisière d’une forêt vierge et sans limites, un parc splendide que notre Père nous a préparé et dont personne, pas même le lion, ne nous a encore disputé la jouissance. Devant nous, au couchant, et à droite en suivant la vallée, ondoyent des collines boisées jusqu’à une longue ligne bleue qui borne l’horizon. Cette ligne bleue sur laquelle s’arrêtent instinctivement nos regards, c’est le Trans-Zambèze, notre champ de travail, pour nous une nouvelle patrie. Dans la vallée un ruisseau, le Léchoma, coule, se perd, reparaît pour couler encore, et forme quelques beaux étangs d’eau limpide qui nous promettent le luxe inappréciable de bains à peu de frais. Un des désavantages de ce lieu, et nous en découvrirons bien encore quelques-uns sans doute, c’est un sable noir, fin, qui pénètre les tissus de nos vêtements jusqu’aux pores, rend désespérément insuffisantes toutes nos mesures de propreté, et nous menace d’une consommation extraordinaire d’un


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