XIX De Chochong à Kané. — Un départ émouvant. — A travers le Kalahari. — Le froid. — Un envoi de Khama. — Mon cinquantième anniversaire. — Pandamatenga. — M. Westbeech. Les jésuites, leur installation et leur oeuvre. — Une séparation en perspective. — Nos artisans. Kané, a5 mai i 884- Obligés d’alléger nos voitures à cause des sables profonds que nous devons labourer dans le désert, il a fallu tout déballer, trier, remballer, charger, décharger souvent, pour recharger encore, et faire toutes sortes de combinaisons. Chaque caisse, chaque objet a dû être inspecté, et son importance, son utilité ou sa nécessité être mise en quelque sorte dans les plateaux de la balance. Nos vêtements, nos effets personnels nous ont donné peu de peine. Par ce temps-ci, nous avons déjà appris à nous dépouiller petit à petit de ce que nous appelons volontiers le nécessaire et a nous contenter de peu. Notre ami Jeanmairet a laissé une bonne partie de ses effets pour faire place à des objets d’une utilité plus générale. Il l’a proposé de si bon coeur, il l’a fait de si bonne grâce, que nous en avons vraiment été édifiés. Malgré tout ce triage, nous avons encore des chargements qui nous donnent du souci. La bourse du Zambèze est malheureusement encombrante : ces ballots d’étoffe, ces caisses de verroterie, ce bazar parisien en miniature, que ne donnerait-on pas pour les réduire en francs et en centimes ! Et puis, nous charrions aussi le grenier et l’épicerie de toute la caravane, ce qui n est pas peu de chose. Savez-vous combien nous sommes? Vingt-neuf, sans compter les ma-Saroa que ce digne Khama a mis à notre service, et dont le nombre est laissé à notre discrétion. La famille d’Aaron, l’évangéliste de Séléka, s’est adjointe à nous avec tous les appendices indispensables d’un wagon de plus et d’une troupe de bétail. Mais Aaron n’est pas homme à trôner sur la caisse de devant, avec une ombrelle blanche sur la tete et. un mouchoir pour s éventer. Il nous apporte un précieux élément d’énergie et de vigueur, et a pris sur lui une bonne part de responsabilité, de sorte qu’il est un grand soulagement pour moi. Il a laissé le soin de conduire son wagon à Ezéchiel Pampanyané, et lui s’est courageusement chargé du tombereau. Ce n’est pas peu de chose, car il est traîné par deux boeufs qui supportent le timon, et par six ânes qu’il a fallu dresser. Rien de plus drôle que ce singulier attelage. Les boeufs, qui se sentent disgraciés, donnent des coups de cornes; les baudets ne s’émeu- vent pas, ils sont placides à l’excès. On les harnache, on les pousse, on les bat, leur humeur ne sort jamais de son assiette. Ils ne s’arrêtent pas dans les mauvais pas, il ne faut pas non plus les presser en bon chemin. Si vous ne savez pas la patience, ils vous l’apprendront. Karoumba, le trompette de la caravane, est chargé d’aider Aaron à conduire cet équipage, dont tout le monde rit. Mais Waddell et Middleton et même Jeanmairet donnent aussi volontiers un coup de main. Notre départ de Mangouato a été, comme tous les départs, profondément triste. Et pourtant, j ’ai bondi de joie en contournant les collines qui dérobaient Mangouato à notre vue et en respirant l’air du Kalahari. La veille, nous avions célébré la Cène. C’était le soir, à g heures, dans la chambre de notre digne ami Whiteley, qui est à la tête d’une des premières maisons de commerce d’ici. Aux membres de l’expédition s’étaient joints les anciens, le chef Khama et quelques Européens, membres de l'Église. Moment solennel que personne de ceux qui étaient là n’oubliera. De ce nombre était Zakéa Mosénéné, le jeune garçon que nous avons baptisé à Séléka. Il m’était arrivé depuis quelques jours. Après le départ de ses évangélistes, le chef Kobé, mesurant alors les conséquences de notre abandon, nous envoyait Mosénéné et deux hommes, avec la requête expresse de compléter son éducation, de le »’■faire grandir », pour en faire son évangéliste en propre. Il ira à l’école biblique de Morija quand nos ba-Souto s’en retourneront’. Nous ne pûmes être prêts que le lendemain au soir, le mercredi 21. Vous nous auriez vus alors sur la place publique, nos six wagons attelés, entourés de toute la population européenne de l’endroit et d’une foule de ba-Man- gouato. Selon notre coutume journalière, quand nos boeufs sont déjà sous le joug, et avant de donner l’ordre de se mettre en marche, nous étions là, tous debout, la tete découverte; au milieu d’un profond silence nous entonnâmes notre cantique : Ka linako tsotlé Moréna ka ! Oho ou nkopolé Kia rapéla* ! 1. Après quatre ans passés à l’école biblique de Morija, Mosénéné est retourné parmi les siens, qu’il a trouvés non plus à Séléka même, d’où la guerre les avait chassés, mais dans le Transvaal, sur les rives du Limpopo. Ses lettres montrent que comme instituteur-évangéliste il y fait une belle oeuvre, Il a en effet « grandi » et il a le feu sacré. (Déc. 1896.) 2. Partout et toujours Mon Seigneur Oh ! tu m’as délivré. Je t’invoque ! HAUT-ZAMBÈZE. jt j
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