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officielles, nous nous rendîmes tous en corps au lékhothla, où le chef nous attendait entouré de ses gens. Il reçut mon petit speech phrase à phrase, avec u n t £ Rrè » (oui, mon père) bien accentué. Je lui transmis les messages d’une foule d’amis d’Europe ; puis vint le bouquet : une jolie boîte à musique à six airs des cantiques de Sankey et autres, et faite tout exprès pour lui à Genève. On me la passe, je la découvre ; toutes les têtes s’allongent et tous les yeux sont braqués sur moi et sur le mystérieux objet. Je mets la main à la poche, pas de clef. Je cherche, cherche partout, cherche encore ; rien : la clef est perdue. Nous faisions tableau. Un peu de calme et d’aplomb sauva la situation. Ce malencontreux incident ne fit qu’aiguiser la curiosité, et le lendemain Pafïluence et l’excitation furent d’autant plus grandes, quand tout à coup retentit l’air et les charmants accompagnements de ce doux cantique : <r Sur toi je me repose, ô Jésus, mon Sauveur! » Naturellement, tout le monde voulut ensuite entendre chanter la boîte. Quatre ou cinq jours après notre arrivée, nous partîmes, M. Jeanmairet et moi, pour Séléka. Le chef nous donna des boeufs, un de ses frères son wagon. Nous voyageâmes, aller et retour, à marches forcées, pour ne pas passer de dimanche en route. Ce voyage nous prit deux semaines. Notre but était de relever, ou plutôt de supprimer définitivement le poste de Séléka. Asser est retourné au Lessouto avec sa nombreuse famille ; André a reçu un appel de nos frères vaudois à Valdézia et attend qu’ils le fassent chercher. Proche parent de certains chefs ma-Kololo, et surtout d’un homme qui, tout récemment encore, a gravement compromis le nom de cette tribu défunte en conduisant des hordes de ma-Tébélé contre le chef Morémi, au lac Ngami, André craint que sa présence parmi nous ne porte ombrage aux ba-Rotsi, et il a raison. Aaron, lui, va avec nous. Arrivés le samedi à Séléka, nous partions déjà le mardi. Mais, pendant ce temps, il ne fallut pas se croiser les bras. Notre première entrevue avec le chef Kobé fut caractéristique. Personne que nous ne put pénétrer dans l’enceinte de sa cour. Par mesure de précaution, son fils s’accroupit à travers l’entrée, assez exiguë, du reste. La porte de la hutte seigneuriale était soigneusement fermée, de sorte que nous n’eûmes pas le privilège de voir le visage de Son Altesse. 11 était là, pourtant, en dedans de la case; car, à chaque période de mon discours, nous entendions un grognement sourd, une voix rauque, qui, lorsque j ’eus fini, s’éclaircit un peu : « Allez-vous-en avec la pluie, et que la pluie vous suive partout I Que Dieu vous inonde de pluie ! — Merci ! » Et c’est là tout le regret qu’il éprouve de voir partir les évangélistes. Le lendemain, tout le village se rassemblait pour le culte du matin : deux cents personnes, tout compté, tout au plus. M. Jeanmairet baptisa l’enfant d’Aaron et celui d’André. Je baptisai un jeune garçon de quatorze ans environ, Mosénéné (le serpent, la couleuvre). Il prit le nom de Zakéa. C’est le seul fruit actuel de la mission de Séléka. Trois hommes sont retournés au monde, trois autres ont émigré sur une station allemande. Nous hésitâmes d’abord en voyant la jeunesse de Mosénéné, mais quand nous l’eûmes entendu confesser sa foi et répondre avec intelligence à toutes nos questions, nous n’hésitâmes plus. C’était touchant de voir ce jeune garçon se lever au milieu de cette assemblée pour faire une déclaration publique de sa profession, et puis s’agenouiller pour recevoir le sceau du baptême. Des bruits absurdes circulaient au sujet de cette cérémonie. Aussi chacun voulait voir de ses yeux ce qu’adviendrait de Mosénéné quand nous lui donnerions à manger de la chair d’enfants et à boire de la cervelle humaine. Depuis lors, Kobé nous a envoyé ce jeune garçon avec deux hommes, ici, à Mangouato, pour que nous l’expédiions à l’école au Lessouto. « Il reviendra nous instruire dans un an, » dit-il. Le service de l’après-midi fut peu nombreux, et cependant les évangélistes faisaient leurs adieux. Aaron, lui, le fit en vrai Boanerges ; André avec non moins d’autorité, mais plus de douceur. On sentait bien que ces hommes-là avaient pris une position et qu’on regardait un peu à eux comme les ba-Souto regardent à nous. Du reste, nos évangélistes ont fait des expériences qui leur ont été salutaires et leur ont fait comprendre« notre position, à nous. Ils ont travaillé à Séléka. S’il y a eu peu de conversions, j ’ai été frappé du nombre de ceux qui savent lire et écrire, et de l’entrain qu’ils mettent dans le chant. Nous avons eu la pénible impression que les gens de Séléka sont durs et que nous les soulagions en leur enlevant ces témoins de la vérité. Ils se disputaient déjà le chaume de leurs demeures et les obsédaient par leur mendicité. C’est à Séléka que nous dûmes nous séparer de Filipi,0 - un homme de par ici qui s est converti à Bérée, — et surtout de Jonathan, qui s’en retourne à Valdézia avec son fils et un garçon qui l’a accompagné au Lessouto. Il nons en a coûté de dire adieu à notre cher Jonathan. L’expedition perd une partie de son âme, ou tout au moins son bras droit. Jonathan est notre fils en la foi ; il nous rend, je crois, toute l’affection que nous avons, toujours eue pour lui. L’énergie de . son caractère, impétueux quelquefois, le place toujours au premier rang. Il a voulu nous amener jusqu’ici et n’a accepté, pour lui et ses deux garçons, que la moitié des gages que les autres ont exigés. Six hommes nous ont quittés ici, d’après notre accord préalable. Qui les remplacera? Khama m’assurait qu’à cause des bruits de guerre, il ne fallait pas regarder à lui. Ce fut une autre de ces vagues que nous voyons, sans trop frémir, se briser contre notre foi. A notre retour, Khama me montra qu’il ne nous avait pas oubliés. Il , nous prête trois hommes, et, pour nous éviter de trop grandes dépenses* il envoie trois messagers avec nous, qui, outre le message


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