pasteur hollandais. Il parvint même à organiser une réunion missionnaire. La salle était comble. C’est le général Joubert, le vice-président de la République, qui la présidait. Il nous présenta au public de Prétoria dans un discours plein de feu, où il ne manqua pas d’exprimer ses vues « sur les missionnaires évangéliques et sur ceux qui, tout en prêchant l’Évangile, se mêlent aussi de politique et amènent le trouble dans les rapports des blancs avec les noirs ». Nous étions, nous, classés parmi les premiers, et les voeux que son « Honneur » exprima pour le succès de notre entreprise, de même que la nouvelle de la faveur que nous avait faite ce jour-là même le Gouvernement, furent accueillis avec de bruyants applaudissements. La collecte produisit 402 fr. 4o c. Après cette première réunion, où un souffle d’enthousiasme a passé, il a fallu en avoir une deuxième chez les Wesleyens. Malheureusement, un orage épouvantable et une pluie torrentielle l’ont fait à peu près manquer. En arrivant, nous avions de nouveau planté nos tentes près de la prison,,, cette même prison où notre première expédition, il y a près de "huit ans, a été incarcérée. Qui aurait jamais prophétisé l’accueil qu’on nous a fait aujourd’hui ? Dieu soit loué ! Une difficulté aplanie, en voici une autre. La sécheresse est telle que nous ne savons pas trop comment nous allons voyager pour arriver à Mangouato. Et puis là, dit-on, règne une affreuse famine. En temps pareils, je me souviens d’y avoir acheté un sac de farine pour la somme de £ 5, io (187 fr. 75 c.) et du maïs et des pommes de terre à £ 3 (75 fr.) le sac. Quelle perspective pour notre expédition ! Il a fallu, au dernier moment, nous -faire violence, et renoncer à passer par la station de notre frère Gonin. C’est un pays si sec, que, faute de pâturage et d’eau pendant plusieurs jours consécutifs, nous risquerions de faire des pertes sérieuses de bétail. Nous allons prendre un chemin qu’on nous assure être moins mauvais. J’ai l’expérience du passé ; aussi me suis-je empressé de m’assurer les quelques sacs de farine que les marchands se disputaient ici, et de me procurer trois grands tonneaux pour notre provision d’eau. Ces tonneaux ont des robinets à clef. Je garderai les clefs dans ma poche, de sorte que nous serons sobres et raisonnables. Notre expédition actuelle diffère sensiblement de la première. Il y a sept ans, non seulement nous étions portés par un courant d’enthousiasme qui nous rendait tout facile ; tous ceux qui nous accompagnaient, à peu d’exceptions près, faisaient partie de la mission et partageaient, en quelque mesure, ma responsabilité. Aujourd’hui, l’enthousiasme s’est calmé en France comme au Lessouto ; notre personnel se compose presque entièrement d’hommes dévoués sans doute, mais dont nous payons fort cher les services et qui n’ont aucune responsabilité. Esaïe, un excellent jeune homme de Béthesda, et Léfi, un digne évangéliste de Morija, sont les seuls qui se soient donnés à la mission. Mais ce dernier, incapable de manier le fouet, n’est guère qu’un passager avec sa famille. Du reste, je me hâte d’ajouter qu’il nous eût été difficile de choisir un meilleur personnel. Tous nos hommes, à une ou deux exceptions près, font profession de connaître et de servir Dieu. Nous avons une variété d’échantillons de caractères; L’un est sérieux, presque mélancolique et taciturne, l’autre, par contre, causeur, plein d’entrain et pétillant d’esprit. Celui-ci doux et soumis, celui-là énergique et plein d’initiative. Pendant ces six semaines de voyage, nous nous sommes bien étudiés les uns les autres, et la conclusion à laquelle je suis pour ma part arrivé, c’est que chacun a non pas seulement, comme on le dit, les défauts de ses qualités, mais aussi les qualités de ses défauts. Avec un peu de bonne volonté, on peut aisément le reconnaître. Il a fallu coordonner les éléments divers qui composent notre caravane, — chose d’abord assez difficile. Pour ne parler que d’une chose très prosaïque, qui joue un si grand rôle dans notre vie, la nourriture, l’un ne peut pas manger du pain de millet froid, l’autre prétend que le maïs lui fait mal à l’estomac, un troisième assure même que la farine de froment le rend tout a fait malade ; la viande de porc ne convient pas à 1 un, le lait caille a l’autre. Que faire ? on ne peut ni brusquer ces braves gens, ni pourtant se laisser gouverner par tous leurs caprices. Le fait est que maintenant tous se sont mis au pas, moi comme tout le monde, je suppose, et que, si ce n’étaient les dépenses qui me hantent comme un horrible cauchemar, la tâche serait assez facile. Nous avons eu la joie de nous rencontrer ici avec nos amis Creux, qui sont en routé pour la Suisse. Nous avons eu la communion ensemble hier soir. Aujourd hui, il faut se dire adieu, un long adieu. Nous voudrions les charger des messages les plus affectueux pour une multitude d’amis de France et de Suisse.
27f 90-2
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