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LA MISSION SE FONDE. IOI Prétoria, 5 février 1884. Prétoria, c’est une date à marquer. Quand on a déjà vécu quelques semaines à la bohémienne, qu’on a le Vaai derrière soi et qu’on se trouve ici, on commence à réaliser qu’on est sérieusement en route, et qu’on a fait du chemin, et un mauvais bout encore. En effet, le Calédon, avec ses berges et ses sables, nous a arrêtés deux jours, malgré la vigoureuse assistance de nos gens de Léribé ; puis des ravins, des bourbiers, des marécages d’où nos attelages, doublés, triplés même, ne pouvaient toujours arracher nos fourgons, trop pesamment chargés. Je ne sais combien de fois nous avons dû décharger nos bagages pour sortir d’un mauvais pas, et les porter à dos. De loin, il serait possible d’encadrer ces aventures d’une auréole de poésie. Nous, nous sommes blasés, et nous n’avons plus l’élasticité d’il y a quelques années. Notre départ de Bethléhem a été plein d’émotion. Plusieurs amis s’étaient donné rendez-vous à notre campement, et des larmes coulaient, pendant que, debout, nous chantions en sessouto notre cantique d’adieu et qu’agenouillés ensuite, nous entendions le pasteur wesleyen nous recommander à la garde de Dieu dans une prière pleine de ferveur. Le pasteur hollandais, M. Théron, nous avait, par lettre, recommandés aux Boers de son district, et certainement pas en vain. A Heidelberg, où nous ne connaissions pas une âme, notre passage fît sensation, et, de tous côtés, on nous entoura d’égards et d’intérêt. C était le pasteur hollandais, dont les vues théologiques sont aux antipodes des nôtres, qui nous envoyait un gros mouton gras ; c’étaient des marchands, le boucher et le boulanger, de pauvres gens qui, touchés en entendant parler du but de notre expédition, nous envoyaient du lait et des fruits de toute espèce. On se sent bien petit et bien indigne quand on est l’objet de tant d’égards. Nous croyons, nous, que c’est l’Éternel qui fait briller sur nous la lumière de sa face. Si nous avons eu de la peine à arriver à Prétoria, nous n’en avons pas moins à en sortir. J’avais demandé au Gouvernement de nous exempter des droits onéreux qu’il prélève sur toute espèce de marchandises. Après beaucoup de tracas et une correspondance qui risquait de compromettre nos intérêts, j ’obtins une audience du conseil exécutif. Quelques heures après, une dépêche officielle m’annonçait que, vu le caractère essentiellement évangélique de notre mission, et pour nous la faciliter autant que possible, nous étions exemptés de tous droits. Nous devons cette faveur, en grande partie du moins, à l’influence et aux efforts de notre infatigable ami, M. Bosman, le


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