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seulement dommage que ce soit au moment où nous allons quitter le pays des chevaux. Il a tenu bon jusqu’au bout, le brave ami, sans trop de fatigue et jouissant beaucoup. Il faut dire que c’est un bien beau voyage que nous avons fait. La veille même de notre départ, au soir, on venait me raconter des escarmouches qui avaient eu lieu à deux ou trois endroits. Le sang avait déjà coulé, on allait encore se battre, c’était certain ; comment quitter la station, ma femme et ma nièce, dans ces circonstances ? Nos gens faisaient de longues mines. Réflexion faite, je résolus de maintenir ma décision, advienne que pourra. J’étais trop triste de mes désappointements du Jubilé. Seulement, je pris quelques précautions. Eh bien! l’armistice a duré pendant toute mon absence, et c’est à peine s’il y a eu les alertes qui étaient si fréquentes avant votre visite à Léribé. Et puis quel beau temps! A part deux ou trois jours de pluie et de froid à Hermon et à Smithfield, nous avons eu un soleil radieux. Vous connaissez assez notre petite colonie missionnaire pour savoir jusqu’à quel point nous comprenons ici le privilège de l’hospitalité. Je le crains, nous l’avons imposé d’une manière onéreuse à nos frères, ce privilège-là. J’en ai eu mal à la conscience, je n’aurais pas aimé qu’on mît mes chevaux à une telle corvée. Cette visite me laissera les souvenirs les plus doux. Notre cause aussi y aura sûrement gagné. Je crois pouvoir le dire positivement. Nous avons sous ce rapport fait des expériences assez diverses, avec des alternatives de découragements et d’encouragements. Mais, en définitive, ce sont les encouragements qui prédominent. C’est alors que nous avons pu constater l’étendue du mal que les guerres ont fait parmi nos Eglises, et aussi que nous avons vu se dissiper certaines illusions que nous avions caressées au loin. Quelle différence entre le calme plat actuel et cet élan d’enthousiasme qui électrisait les Eglises en 1876 et 1877! Qu’il me semble que tout alors était beau et facile ! J’aurais pu aller au bout du monde, porté par tant de chaleur. Aujourd’hui, ah! quand parfois la voix vous revient sans écho, on sent que, pour aller de l’avant, il faut que la main puissante de Dieu vous ceigne de sa force. Nous retrouvons sur notre sentier ici, contre la mission extérieure, les mêmes objections que je combattais en France. Comment faire des collectes ? Comment aller au Zambèze quand il y a encore tant à faire au Lessouto ? Cependant, nous avons eu de bonnes réunions à Hermon, à Massitissi, à Béthesda, à Morija, etc. Et, bien que nous ne puissions pas encore dire quels en seront les résultats acquis, nous avons recueilli là plus que de bonnes paroles qui ne coûtent rien : des témoignages tangibles d’intérêt. Vous pouvez penser si nos Zambéziens sont impatients. Pauvres garçons ! après le service de Morija, ils étaient dans ma chambre, m’obsédant de questions. Ils auraient voulu savoir le jour du départ, quitter immédiatement l’école pour venir s’y préparer, comme s’ils avaient de grands préparatifs à faire ! Karomba prétend être très fatigué de ses études, et il lui semble que, s’il se repose, le moment du départ approchera plus vite. Léribé, 24 octobre i883. Notre réunion d’adieux avec les représentants des Églises du Lessouto est lixee au 25 novembre, et notre départ définitif au 5 décembre. Nous sommes déjà au milieu de nos emballages comme si nous nous préparions à prendre le train pour le Zambèze ! Ce n’est pas le « rapide », encore moins 1' « éclair » gui nous emportera dans ces régions lointaines, mais nos serviteurs bucoliques, qui sont le symbole de la patience. C’est ici pour nous un temps de fatigue et d anxiété. 11 faut trier ce qu’on laisse, ce qu’on prend, prévoir les besoins futurs, non seulement les siens propres, mais ceux de chaque membre de la caravane. Aussi tous les jours demandons-nous à Dieu toute la sagesse dont nous avons besoin. Les membres de notre troupeau sont tristes à la perspective de notre prochaine séparation. Nous ne le sommes pas moins. Mais l’arrivée de M. et Mne Weitzecher consolera nos gens, et quant à nous, Celui qui nous appelle et nous envoie nous soutiendra et nous fortifiera. Nous avons maintenant les quatre wagons qu’il nous faut, et nous attendons encore que des amis nous procurent l’attelage qui traînera le chariot du bateau. Le temps est donc venu pour nous de mettre courageusement la main à 1 oeuvre ; mais il est venu aussi de faire un sérieux appel à tous nos amis et aux Eglises dont nous sommes les mandataires. Le moment de l’action est arrivé ; avant de nous lancer, nous jetons un regard en arrière, nous cherchons le corps de l’armée, ceux qui nous suivent ou nous soutiennent. Léribé, ig décembre i 883. Combien de difficultés sont venues nous entraver successivement ! Parfois, les ténèbres nous semblent si épaisses, que nous serions réduits à marcher à tâtons si le Maître n’était devant nous et si nous n’entendions sa voix. Cette voix ne nous a jamais fait défaut, et nous l’avons perçue au milieu de tout le bruit plus ou moins sympathique, plus ou moins hostile, qui s’est fait au- tour de nos projets. J’ai trop à coeur l’oeuvre que nous allons faire pour la compromettre par HAUT-ZAMBEZE. o


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