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qu’on se défiait de mon caractère d’étranger, je m’étais à peine tu que les dons affluaient ; là les troncs de l’église débordaient ; il y avait beaucoup de cuivre, c’est vrai, mais il y avait aussi de l’argent; ailleurs c’étaient des parures que l’on avait mises dans la bourse. Mais ce qui nous émut non moins, ce furent ces pauvres, ces veuves qui donnaient leurs pites avec tant de joie ! En Hollande et en Ecosse, il se forma des comités pour maintenir et concentrer l’intérêt en faveur de la Mission. Les vocations missionnaires, malheureusement, étaient plus rares. Ce n’est pas que les jeunes gens manquassent absolument de dévouement et d’enthousiasme ; mais c’est qu’il y avait ici et là un père, une mère qui d’une haleine pouvaient dire à Dieu : « Que ton règne vienne !» — et à leur fils : « Aussi longtemps que je vis, tu ne seras pas missionnaire, j ’en mourrais de douleur. » — Nous avions cependant conscience que c’était là aussi un temps de semailles, et comme gage de la future moisson, le Seigneur nous accorda un collaborateur précieux en M. Ghristol. M. Ghristol est un peintre, qui avait mis son beau talent sur l’autel pour se donner à l’évangélisation populaire de la Mission Mac Ail, et qui, ensuite, renonça à cette oeuvre aimée pour nous suivre en Afrique avec sa charmante compagne. Au moment de quitter l’Europe pour retourner en Afrique, je sentis le besoin d’adresser aux Eglises la lettre qui suit: Paris, le 22 avril 1882. « Bien chers amis,- « Nous partons définitivement dans six jours. Nos dernières réunions ont eu lieu ; nous sommes dans les emballages et les visites « pour prendre congé ». très occupés et très fatigués. Ce n’est donc pas le moment de faire des lettres et des discours. C’est pourtant un besoin de nos coeurs de vous dire, à vous aussi, qui n’êtes pas de Paris, un dernier adieu. En l’écrivant, ce triste mot d'adieux qui nous remplit d’une douloureuse émotion, nous répétons par la pensée tous nos voyages de deux ans. Toutes les localités que nous avons visitées, les Églises qui nous ont accueillis, les visages de ceux qui nous ont comblés d’affection passent devant nous comme une vision. Nous n’oubbons aucun des nombreux Béthel, ni aucun des bien-aimés qui, comme les anges à Jacob, nous ont communiqué de la part de Dieu des messages et des bénédictions^ ^ La voilà donc terminée, notre oeuvre en Europe ! Elle est devant Dieu et devant l’Église, avec toutes ses imperfections et ses misères. Elle me laisse à moi, je vous dois cette confession, le sentiment d’une profonde humiliation. Je pense à toutes ces occasions uniques qui m’ont été fournies pour glorifier mon Maître et pour édifier son peuple. Lui a su le secret de mon coeur et tous mes combats. Ma consolation pour le passé, ma force pour l’avenir, c’est qu'Il veut bien, pour magnifier sa puissance, se servir des choses méprisables de ce monde et même de celles qui ne sont point. Il est salutaire de se voir diminuer soi, mais lui croître, et de s’assurer que l’homme ne lui dérobe aucun rayon de sa gloire. « A côté de ce sentiment-là, il en est un autre que je ne saurais taire, la reconnaissance. Nous l’emportons, et il revivra dans les déserts comme une source rafraîchissante, le souvenir de toute l’affection, de toutes les bontés dont vous nous avez comblés, de tout le bien que nous avons reçu. « Pourquoi voudrait-on imposer au royaume de Jésus-Christ les frontières de notre pays ou les limites d’une localité ?... Excelsior 1 chers amis, et plus haut nous nous élèverons, plus aussi disparaîtront les distances et les nationalités. J’ai été confondu de rencontrer, dans mes tournées, les objections contre l’oeuvre des missions que l’on combattait il y a cinquante ans. Je dois à la vérité de dire, et je le fais sans amertume, — que, chez nous, l’oeuvre des missions est encore peu connue, et partant peu comprise. Il est maints pasteurs évangéliques qui ne s’en occupent pas, qui ne reçoivent ou ne lisent jamais un journal des missions. Ce n’est pas encore l’oeuvre des Eglises comme nous, nous l’entendons. Même bon nombre de ceux qui s’en occupent le font en amateurs et rejettent toute espèce de responsabilité personnelle. Pour eux, c’est l’oeuvre d’une société siégeant, comme tant d autres, à Paris, et à laquelle on accorde, aux mêmes titres, une parcelle de patronage et de sympathie. — Voilà une des causes de notre pénurie constante de fonds et d’ouvriers. Quand vous, frères bien-aimés et vénérés, aurez senti que l’oeuvre de Pévangélisation du monde n’est pas pour l’Église un luxe dont, à la rigueur, on peut se passer, mais un devoir, un apostolat que le Maître lui-même lui a confié, et qu’elle ne peut méconnaître et négliger impunément, alors aussi vous sentirez que votre responsabilité personnelle y est directement engagée, vous remuerez vos troupeaux et provoquerez des vocations parmi vos jeunes gens. « Pardonnez ma franchise. Je ne voudrais froisser qui que ce soit par la rudesse de mon langage, ni poser devant vous et faire parade de modestie. Mes tournées missionnaires en Europe sont terminées, et, quelle que soit l’opinion que l’on en-ait, personne ne me refusera le témoignage d’avoir été de bonne volonté. Je me suis donné autant que je l’ai pu ; j ’ai visité les villages avec autant de sérieux que les grandes villes, et ce n’est pas là que j ’ai été le moins béni. J’ai tenu scrupuleusement tous mes engagements, et jamais une indisposition ne m’a servi de prétexte pour m’y soustraire. J’ai fait taire mes sentiments personnels et j ’ai parlé « au grand public », quand


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