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par quelque temps qu’on dételât, il prenait joyeusement sa javeline et son livre, si c’était de jour, son manteau, si c’était de nuit, et partait. Il n’était pas rare qu’il passât des nuits entières et tout seul à soigner et à faire paître nos boeufs dans des forêts hantées par des lions. Il ne se plaignait ni du froid, ni de la chaleur, ni de la fatigue, ni même de la faim, et je trouvais quelquefois qu’on aurait pu avoir plus d’égards pour lui. S’il était triste, un mot d’affection le relevait, car lui aussi était sensible à l’affection. Il était fidèle dans les petites choses ; que de fois, en le regardant, n’ai-je pas désiré du fond de mon coeur d’être un berger aussi fidèle que lui ! Bushman ne brillait pas comme Khosana par son intelligence et son caractère enjoué. Il apprenait difficilement, et, bien que déjà d’un certain âge, il s’asseyait à l’école avec de tout petits enfants et préférait s’instruire plutôt que de gagner de l’argent. Tous ses parents étaient et sont encore païens, et, bien que sans ressources, sans ami, et souvent même mal accueilli par certains chrétiens, il avait gagné droit de cité parmi eux par son étonnante persévérance. Quel triste retour ces trois deuils nous préparent au Lessouto ! Je suis heureux de dire que Fono est devenu sérieux et paraît sincèrement chercher le Seigneur. J’oubliais de vous parler d’un compagnon de voyage que nous avons eu a notre retour du Zambèze. C’est un explorateur portugais, un officier, le major de Serpa Pinto. Il était entré en Afrique à la tête d’une expédition scientifique par Benguela. Ses deux associés le quittèrent au Bihé pour aller plus au nord, pendant que lui allait étudier les sources de la Chobé. Il arriva chez les ba-Rotsi et se préparait à se diriger vers le Loualaba, quand tous ses porteurs, au nombre de cent cinquante, l’abandonnèrent. Il n’avait plus avec lui que trois hommes, trois petits garçons et deux femmes. Ne pouvant se procurer une escorte chez les ba-Rotsi et atteint de la fièvre, il se trouvait dans le plus grand embarras. Ce fut alors qu’il entendit parler de nous, et qu’il obtint du chef des canots et des rameurs pour venir nous trouver. Pendant que j ’étais le garde-malade de notre cher Éléazar à Séchéké, ma femme prodiguait ses soins au major de Serpa Pinto. Il était bien atteint. Mais des soins assidus, un meilleur régime, du repos, amenèrent enfin un heureux changement de corps et d’esprit dans son état. Nous lui offrîmes l’hospitalité dont des voyageurs sont capables: une place dans notre voiture. Son érudition et son amabilité naturelle en firent un agréable compagnon de route. Nous considérâmes que c’était un vrai privilège que de pouvoir, au nom de notre Société, montrer quelques égards à un homme aussi distingué. Il nous a quittés depuis dix jours pour se rendre directement à Prétoria, de là à la côte pour l’Europe. Nous nous séparâmes avec le plus grand regret. Son départ laisse un vide parmi nous. C’esi un des plus chaleureux amis de l’Afrique que j ’aie encore rencontrés. Ses travaux ne peuvent manquer, par leur importance, d attirer l’attention tant du monde scientifique que du public religieux. Depuis qu’il nous a quittés, il a eu toutes sortes d’aventures : wagon embourbe jusqu’aux essieux, culbuté, brisé j rivières débordées, etc. Le pays, du coté du Limpopô et du Marico, n’est qu’une affreuse londriere. Aussi s est-il empresse de nous le faire savoir, afin que nous prenions une autre route.


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