déloqer était proche pour lui, et il était heureux. Seulement, disait-il, il souffrait pour nous qui le soignions, et pour ma femme qui était seule à Léchoma. Un assoupissement incessant et la difficulté de la parole 1 empêchaient déjà de nous dire ce qui se passait en lui. Mais sa figure radieuse et ses lèvres qui remuaient souvent nous montraient qu’il était en communion avec son Sauveur. Quand je lui répétais un verset, il disait: Ki tengl c’est bien! et jusque peu de temps avant sa mort, il répondait encore à mes questions : Ntate! Mon père! Le mardi soir, à huit heures, il rendit le dernier soupir, sans effort. J’eus quelques difficultés pour les funérailles. On voulait qu elles se fissent de nuit. J’obtins qu’elles se fissent en plein midi, et je réussis même à y faire assister tous les chefs de Séchéké. Naturellement, tout retomba sur Asser et sur moi. Mais, malgré les émotions dont cette hutte avait été témoin et toutes les fatigues des journées et des nuits précédentes, le Seigneur nous fortifia. Nous pûmes chanter un cantique. Je pus expliquer, avec un grand calme, à mes auditeurs tremblants, les mystères de la mort et de la résurrection. Au lieu d’une fosse creusée à la hâte bien loin dans la forêt, le tombeau de notre cher Eléazar est à cinq minutes du village, sur la lisière d’un bois, et à l’ombre d’un arbre. 11 m’avait dit, peu de jours auparavant, en entendant le second message du roi: «Dieu soit béni, la porte est ouverte! Mon tombeau sera un jalon sur la route du bo-Rotsi et un gage des succès de la Mission » (un tebeletso, le gage de ce qu’on attend!). Le lendemain, nous descendions le fleuve; le temps était en parfaite harmonie avec nos sentiments: il pleuvait. Mais des nouvelles de Léchoma m a- vaient inquiété et j ’avais hâte d’arriver. Eléazar était pour nous un ami et pour moi un conseiller plein de bon sens et de jugement. Son coeur était tout entier dans cette expédition. Il avait voulu s’y joindre en qualité d’évangéliste ; mais, ne pouvant vaincre l’obstination de sa femme, il avait saisi avec empressement l’offre que je lui avais faite de venir avec nous comme conducteur. Trois jours lui suffirent pour faire ses arrangements. Chez lui le sacrifice était complet. Je lui demandai avant sa mort s’il n’avait jamais regrette, ou s’il ne regrettait pas maintenant d’être venu. « Monsieur, » me dit-il, avec un peu de tristesse, « vous avez oublié mes salutations à l'Eglise de Léribé. J’ai offert ma vie au Seigneur; c’est lui qui dira où mon tombeau devra être creusé, pour moi cela m’est égal; au Zambèze comme au Lessouto, le ciel est près de nous. » Post-scriptum (1897.) — Quelques jours après la mort d’Éléazar Marathane j’écrivais, dans mon canot, quelques stances en sessouto, dont M. Casahs a donné, dans le Journal des Missions (juillet i 8g3), une traduction littérale, reproduite dans l’édition française du bel ouvrage du Dr Pierson, les Nouveaux Actes des Apôtres. La présente version, en prose rythmée, a été faite, sur ma demande, par M. le pasteur Th. Monod. ÉLÉAZAR MARATHANE. Lk-bas, parmi les ba-Souto, dans sa maison de Léribé, Il avait dit plus d’une fois : a Mon Dieu ! réponds k ma prière! « Nos missionnaires vont partir pour le pays des ba-Nyaï : « Permets-moi d’aller avec eux porter aux païens l’Évangile. « Ne pleurez point, mes bien-aimés ! Je n’appartiens pas k moi-même : « J ’appartiens au Seigneur Jésus; c’est Lui, mon Maître, qui m’envoie. « Quand il dit : Va! il faut aller : ne cédons point k la tristesse. « Femme, enfants, essuyez vos yeux : si je meurs pendant ce voyage, « Aussi bien j ’aurais pu mourir auprès de vous, dans nos montagnes : « Au Lessouto comme au Zambèze et chez toutes les nations, « Partout l’on rencontre la mort, partout l’on trouve des tombeaux. « Nous nous séparons, mais qu’importe? Auprès du Seigneur, tous ensemble, « N’allons-nous pas nous retrouver? Servons notre Maître avec joie. » Il dit, et se met en chemin : lui-même n’est point missionnaire, Mais pour l’amour de Jésus-Christ il s’est fait serviteur de tous. D’un front serein, d’un coeur vaillant, on le voit poursuivre sa course, Affrontant les difficultés, les luttes, les lourdes fatigues. De quoi se mettrait-il en peine? Il n’est qu’un obscur serviteur, Et pour sa part il a choisi le rude labeur et l’angoisse ; S’il est lk, c’est qu’il y doit être : Dieu l’envoie, c’est assez pour lui. Ainsi, pendant de longs mois, k travers des pays nouveaux, Parmi des peuples lointains, de moeurs et de langues étranges, Il marche, il marche sans cesse, et ne demande qu’k marcher. Du pays des ma-Khalaka il approche, quand tout k coup Le fils de Mossélékatsi survient et l’oblige k le suivre : Mais sa face est tournée vers le Nord ; il avance, il avance toujours, Vers les fiers ba-Rotsi du Zambèze, vers les peuples voisins du grand fleuve. Séchéké nous barrait le chemin, Séchéké, qui nous fit tant souffrir ; Il demande instamment k s’y rendre ; il arrive au milieu de la ville, Calme et fort comme un homme de Dieu, car il est l’envoyé du Seigneur : N’est-il pas sous les ordres d’un Chef?... C’est assez, même alors qu’il est seul. HAUT-ZAMB^ZE. 8
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