vendre l’ivoire étaient retournés à la capitale ; qu’ils avaient représenté l’affaire à Robosi, et qu’on attendait chaque jour un nouveau messager. Malgré le peu de confiance que m’inspiraient ces nouvelles démarches, je fus retenu plus longtemps que je ne l’aurais voulu, tant par une maladie d’Eléazar que par celle de Morantsiane lui-même, et par l’impossibilité où je me trouvais de me procurer un canot. Sur ces entrefaites, arriva un des chefs de Séchéké, qui revenait de la capitale, porteur d’un nouveau message. Robosi me faisait dire qu’il regrettait fort de n’avoir pas compris le premier message. Il en rejetait toute la faute sur ses officiers, qui lui avaient envoyé un esclave au lieu de l’un d’eux. Il manifestait un grand désir de nous recevoir. Mais, ajoutait-il, si le missionnaire a hâte de quitter le pays avant la saison des pluies que ce soit à la condition qu’il reviendra à l’entrée de 1 hiver, en juin Lui-même, il construisait sa ville, mais il serait alors en mesure de me recevoir. Il donnait déjà des ordres pour que, dès notre retour, on nous fit passer chez lui sans délai. Nous nous assurâmes, à force de questions, de la véracité du message du chef suprême des ba-Rotsi. Nous sommes arrivés à la conviction que lui et ses gens nous désirent sincèrement et qu’ils nous ouvrent la porte de leur pays sans arrière-pensée. Malheureusement, il reste toujours ce fait que je n’ai pu avoir une entrevue avec le roi lm-même, et il se pourrait que cela invalidât à vos yeux l’invitation des ba-Rotsi d aller nous établir chez eux. . La saison déjà fort avancée, nos provisions qui menacent de nous taire défaut et surtout l’état sanitaire de nos gens, me mettent dans l'impossibilité de tenter maintenant d’autres démarches et m’imposent le devoir de reprendre le chemin de Mangouato. Je prévois que nous allons nous trouver de nouveau dans un embarras extrême. Comment espérer que, dans 1 espace de quatre ou cinq mois, nous puissions prendre une . décision définitive et mûrir nos plans? Je sais que l’établissement d’une mission dans ces parages présente d’immenses difficultés et soulève de graves objections. Laissez-moi d’abord vous assurer que la nationalité de nos évangélistes, loin d'être une objection, est plutôt une recommandation. La grande question est celle de la fièvre.’ Le climat de ce pays est meurtrier, mais celui du pays des ba- Nyaï l’est tout autant, si ce n’est plus. Sans entrer plus avant dans la question il est évident que les ba-Rotsi et leurs vassaux, qui tous parlent le sessouto, doivent être évangélisés, — ils doivent l’être si le Sauveur est mort pour eux aussi. Mais ce poste sera évidemment un poste périlleux un poste de dévouement. La question est bien sérieuse quand on pense aux vies précieuses qui peuvent y être sacrifiées, et au peu de ressources en hommes dont nous pouvons disposer. Mais où trouverons-nous un champ missionnaire qui réunisse les conditions de rapprochement, de salubrité, etc., que nous désirions? Pour ma part, je n’en vois aucun pour le moment. Je voudrais bien-clore ainsi ma lettre, mais je n’ai pas fini. J’ai encore une nouvelle à vous communiquer, et pour cela j ’ai à me faire violence. Nous venons de perdre un autre membre de notre expédition : c’est Éléazar Mara- thane. Au retour de notre première visite à Séchéké, connaissant la tendance des ba-Rotsi au nonchaloir, il me pressa avec tant d’instance pour que je lui permisse d’aller à Mparira d’abord, puis à Séchéké, veiller aux affaires et les hâter autant que possible, qu’après plusieurs jours d’hésitation nous finîmes par le laisser partir. Bientôt après, j ’envoyais aussi Azaël; mais il ne put le rejoindre faute d un canot. Eléazar avait toute notre confiance, il nous tenait au courant de tout ce qu’il faisait, de tout ce qui se passait. Quand nous arrivâmes à Séchéké, il y a quinze jours, avec Asser, la joie du revoir fut bien douce. Nous trouvâmes qu’il avait fait l’oeuvre d’un bon évangéliste; il avait gagné l’affection et l’estime des chefs ba-Rotsi et de leurs gens. Gela me fit grand plaisir. Le même jour, il tomba malade; le lendemain, se sentant un peu mieux, il put s’occuper d’affaires avec nous, et, voyant que les chefs tremblant pour leurs vies, me refusaient la permission de me rendre à la capitale, — c’était avant le second message du roi, — ü me pressait avec instance de demander cette permission pour lui : « On n’objeptera pas, » disait-il «je ne serai qu’une lettre. » Il fallait plus de courage que nous ne l’imaginions peut-être pour faire une telle offre, car les ba-Rotsi ont la réputation d’être des empoisonneurs et des traîtres incorrigibles. Quelques jours avant mon arrivée un incendie avait réduit en cendres deux huttes du chef; j ’y avais perdu tous les vêtements, livres, médecines, provisions de route, etc., que j ’y avais laissés pour le voyage que je comptais faire à la capitale. Rien n’avait été sauvé Heureusement que j ’avais apporté avec moi quelques-uns des médicaments les plus nécessaires. Malgré tous mes -soins, la maladie fit de terribles progrès, et je pressentis que le Seigneur allait retirer notre ami. Si seulement pavais pu me procurer un canot et transporter mon cher malade à Léchoma' Mais le chef, malade lui-même, voulant me garder jusqu’à l’arrivée du second message de Robosi, me renvoyait toujours au lendemain. Comme la maladie s aggravait, nos visiteurs superstitieux devinrent de plus en plus rares et nous fûmes abandonnés à nous-mêmes. Le lundi matin, le 4 courant nous tunes un dernier effort. On nous avait fourni deux bateaux. Nos préparatifs de départ terminés de bonne heure, nos bagages déjà embarqués, ü s’agissait de transporter notre patient. Il avait un tel désir de revoir ma femme qu il demandait à chaque instant quand on partirait. Il était trop tard il tailht expirer dans mes bras. Il parlait déjà avec difficulté. Force nous ’fut e renoncer à partir. II s’affaissa rapidement. Il savait que le moment de
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