Dernière visite à Lobengoula. — Un mystère douloureux. — A Tati. 9 Les ba-Mangouato et Khama. — Un grand chef chrétien. — Une exploration nécessaire au Zambêzc. Mangouato (Chochong), 22 mai 1878. Notre dernière lueur d’espoir s’est évanouie! Nous avons définitivement quitté le pays des ma-Tébélé, et nous voici chez les ba-Mangouato, à plusieurs centaines de milles au sud. Après l’orageuse conférence des chefs que j ’ai racontée, nos évangélistes, effrayés, et non sans raison, de l’attitude hostile des ma-Tébélé, auraient voulu partir sans délai. Je crus qu’il valait mieux ne pas se presser, de peur de donner à notre départ l’apparence, d’une fuite. Après avoir écrit au Lessouto, afin que les directions de nos frères et de leurs Eglises pussent nous arriver sans perte de temps à Chochong, nous allâmes visiter les stations de Shiloh et d’Inyati, ce qui nous prit trois semaines. J’allai, selon l’étiquette, faire une dernière visite à Lobengoula. Ma présence le mit évidemment dans un grand embarras, et il trouva difficile de recevoir mes adieux de bonne grâce. Il se réfugia de nouveau dans des explications, dans des professions d’amitié personnelle ; il me pressa de m’établir dans son pays _ sans les catéchistes ba-Souto, bien entendu; — il manifesta de l’humeur en apprenant que j ’allais avec mes gens me reposer chez le chef des ba- Mangouato; il alla même jusqu’à m’offrir un passage à travers son propre pays et des guides pour me conduire chez Mozila, au delà de la rivière Sabi. Je lui dis que je réfléchirais sérieusement à tout ce qu’il m’avait dit, et je pris congé. Vous l’avouerai-je ? Je m’étais jusqu’alors bercé d’un vague espoir qu’au^ dernier moment le chemin des ba-Nyaï pouvait nous être encore ouvert. Il m’était évident maintenant que le Seigneur lui-même, pour des raisons que nous ne pouvons pas encore comprendre, avait signé notre feuille de route pour nous éloigner de notre champ de prédilection. Il ne nous restait plus qu’à partir, et nous partîmes sans arrière-pensée, avec le sentiment de n’avoh rien négligé pour faire réussir notre mission, et forts de la conviction qu en allant tout droit chez les ba-Nyaï nous n’avions pas fait fausse route, et qu’en quittant aujourd’hui le royaume de Lobengoula, nous suivions encore le chemin du devoir. — Oui! mais ces contrées que nous quittions sont d’immenses catacombes qu’une grande tache noire peut seule représenter sur la carte de l’Afrique ; les souvenirs que nous en emportons nous serrent douloureusement le coeur et nous donnent le frisson. Qu’on ne l’oublie pas, là des populations nombreuses vivent dans une terreur incessante, et sont vouées sans merci au pillage et à la destruction. Le monde ignore tant de misères et de malheurs ; des cris étouffés nous poursuivent, nous, et celui du Macédonien n’a jamais retenti plus fortement dans nos coeurs : « Passe vers nous et viens nous secourir. » Mais la porte est fermée! 0 Seigneur, Seigneur! jusques à quand?..... Le caractère traître et cruel des ma-Tébélé est connu. Mais non, il ne l’est pas. Les atrocités qui font leurs passe-temps et leurs délices défient toute description. Leur soif de rapine et de pillage ne respecte absolument personne. Chez eux, il n’y a ni fo„i ni loi. Le roi peut faire massacrer ses sujets sans distinction de rang, et il le fait sans remords; mais il n’a pas le pouvoir de les gouverner. Voilà bien un pays où Satan a son trône ! Vous me demanderez quelle influence l’Evangile a eue jusqu’ici sur cette nation sauvage ? Hélas ! apparemment aucune ! Je l’avoue, c’est le problème le plus embarrassant des missions modernes. Depuis vingt années, MM. Thomas et Sykes travaillent dans le pays; M. John Moffat d’abord, puis M. Thomson d’Ujiji y ont consacré les prémices de leur ministère. Malgré tous ces efforts et ces sacrifices, pas d’école, pas d’Eglise, pas un seul converti, pas un!..... En vérité, je ne sais ce qui doit le plus étonner le monde chrétien, ou de l’aridité de ce champ missionnaire, ou du courage et de la persévérance de ces nobles serviteurs de Christ qui depuis si longtemps le défrichent et l’ensemencent avec larmes1 ! • i. Je crois devoir donner ici, comme document très curieux, une lettre que Lobengoula adressa alors à Letsié, et la réponse de celui-ci. Pays des ma-Tébélé, 2 avril 1878. A Letsié, chef des ba-Soulo, salut! Je désire te parler de gens qui sont venus ici avec M. Coillard. Ils sont bien arrivés jusqu’ici ; mais ils ne sont pas d’abord venus chez moi. Ils ont fait un détour. Je leur ai demandé : D’où venez-vous? — Ils m’ont répondu : De chez Molapo. — Que voulez-vous ? — Enseigner l’Évangile aux ma-Chona (ba-Nyaï). — Est-ce Molapo qui vous a envoyés ? — Non, ce sont les missionnaires. — Je ne v eu x pas avoir des gens de Molapo dans mon pays. Je demeure ton ami. L oben g ou la , c h e f des ma-Tébélé. Contre-signé : C. D. Helm, missionnaire. Réponse de Letsié, chef des ba-Souto : A Lobengoula, chef des ma-Tebélé. Grand chef, — je te remercie de la lettre que tu m’as écrite, à la date du 2 avril, touchant M. Coillard et les hommes qui l’accompagnent. Je répété que je te remercie d’avoir eu la pensée de m’écrire, car mon père était l’allié de ton père, et nous sommes, toi et moi, alliés aussi. Quant aux compagnons de voyage de M. Coillard, c ’étaient des gens de Moshesh, et maintenant que mon père nous a quittés, ils sont à moi. Bien que l ’un d’entre eux puisse être appelé un homme de Molapo, il est lui aussi, mon sujet, car je suis le chef suprême des ba-Souto.. Quant aux autres, ce sont bien réellement mes propres hommes. Lorsqu’ils sont partis d’ici, ils sont venus me le dire et je leur ai donné un boeuf pour provision de voyage. Ce qu’ils ont dit, qu’ils n’avaient pas été envoyés par moi, mais par les missionnaires et
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