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heureuse. Il lui en coûtait beaucoup de comparaître devant ce tyran dont nous ignorions les intentions; mais elle céda. A son arrivée, il sortit de sa hutte, puis, la prenant par la main, la conduisit à l’ombre de sa voiture, et prenant place lui-même sur une boîte à savon : Assieds-toi par terre, lui dit-il, et causons ! ^ — Par terre ! dis-je, chez nous les dames ne s’asseyent pas par terre. N’y a-t-il pas une bûche, une boîte quelque part? — Sans doute, répondit-il, et, se levant avec empressement pour chercher un siège.... Tu viens de loin, dit-il, en la fixant, tu dois.être bien fatiguée? o ui) répondit-elle. Nous venons de loin, et nous sommes bien fatigués ! Puis, avec le calme et le charme qui lui étaient particuliers, elle lui raconta notre voyage, le but de notre expédition, nos expériences chez les ba-Nyaï, etc. Et jamais il ne l’interrompit, si ce n’est pour lui faire une question. Il était subjugué. Je ne savais pas tout cela, remarqua-t-il, mais nous en parlerons plus tard. . Depuis lors, il s’est montré amical. Il nous a fait camper près de lui, nous envoie toujours de la viande — « le morceau d’honneur », — vient assez souvent nous visiter et prendre une tasse de chocolat dont il est très friand. Mais il ne veut pas discuter nos affaires et les renvoie au conseil des chefs qu’il réunira plus tard. Nous n’avons pas regretté ce retard; au contraire, nous étions bien aises d’avoir l’occasion de connaître le chef et de nous faire connaître de lui; contre notre attente, il s’est montré avec nous très affable. Il est venu souvent nous voir, prenant apparemment autant de plaisir à causer avec nous qu’à boire une tasse de café; il nous a fournis de viande avec beaucoup de libéralité. Ce qui nous a fait le plus grand plaisir, c’est qu’il a envoyé, chercher M. Sykes1 pour qu’il fût présent à la discussion de nos affaires. Cet ami s’est hâté de répondre à l’appel de Lobengoula, et cependant il a dû faire antichambre pendant dix ou douze jours. Enfin, le chef s’est décidé à aborder une question qui évidemment pour lui est des plus épineuses. Son amour-propre a été blessé de penser que nous eussions pu ignorer que les ba-Nyaï étaient « ses chiens », ses esclaves. Il l’a compris pourtant, mais il ne veut pas, dit-il, que ses esclaves soient instruits. Quant à son pays, il est déjà pourvu de missionnaires. Il y en aura quatre bientôt, et il n’en veut pas davantage. Il a beaucoup insisté pour savoir par qui nous étions envoyés et quelle part les chefs du Lessouto avaient dans cette expédition. Ma réponse n’a pas été équivoque. J’ai essayé de lui faire i. Missionnaire de la Société de Londres résidant à Inyati, comprendre que c’étaient les Eglises qui avaient envoyé les catéchistes, et que les chefs avaient manifesté leur bon vouloir en contribuant, comme les autres, à cette bonne oeuvre. Comme il insistait pour que nous retournassions vers ceux qui nous avaient envoyés, je lui fis remarquer que c’était une chose qui ne se comprendrait pas. Encore s’il nous avait renvoyés de Nyanikoé; mais cela n’était plus possible après nous avoir fait chercher, avoir accepté nos salutations et nous avoir traités avec bonté. — Il dit alors qu’il ne donnerait pas ëncore sa réponse, et qu’il référerait l’affaire à ses principaux conseillers, qui doivent se réunir pour de grandes cérémonies à la fin du mois. Mon impression, — et je dois dire aussi celle de M. Sykes, — c’est que le chef nous est personnellement très favorable, et qu’il se trouve dans une position difficile. Il a les mains pleines cette année. Des chasseurs européens ont été maltraités par ses gens, et sont repartis en colère et en le menaçant. Expédition après expédition arrive, demandant la permission d’aller chez ces mêmes ba-Nyaï, l’une pour explorer le pays, l’autre pour chercher de l’or, etc«pj| Il a refusé à toutes péremptoirement et sans même leur donner la satisfaction d’une discussion. Comment nous l’accorde- rait-il, à nous ? — Et pourtant, il lui en coûte de nous refuser. Je crains que, s’il propose de consulter ses principaux, ce ne soit un subterfuge pour mettre sa responsabilité à couvert. Tous sont opposés à ce que nous allions chez les ba-Nyaï ; car, disent-ils, si Lobengoula le permet, où irons-nous guerroyer ? Voilà le fond de l’affaire. J’espérais que le chef consentirait à un compromis et nous permettrait de nous fixer parmi les ba-Khalaka, qui sont plus immédiatement sous son pouvoir, ou qui du moins le reconnaissent et s’y soumettent. Les missionnaires de la Société de. Londres nous approuveraient et ne diraient pas que nous empiétons sur leur terrain. Mais je doute que Lobengoula consente même à cela. « Allez chez Mozila, dit-il, où il n’y a pas de missionnaires. » La rivière Sabi est la frontière entre Mozila et les ma- Tébélé. En dehors des ma-Tébélé et des gens de Mozila, toutes les autres tribus sont réduites au même état d’esclavage, Ce sont les ba-Nyaï, les ba- Khalaka, les ma-Ghona, etc., qui autrefois faisaient partie du puissant royaume des ba-Lotsoé, que Mossélékatsi a ruiné. Je vous prie de bien noter ce fait : il n’y a aucune tribu indépendante en-deçà du Zambèze, si ce n’est les gens de Lobengoula et de Mozila. On dit que ce dernier est fort hostile aux blancs. Aller chez lui, c’est une question qui mérite la plus sérieuse considération, et je ne puis, dans les quelques minutes qui me restent, aborder un sujet aussi grave. Un autre fait que je dois vous signaler pour votre gouverne, c’est que le pays où nous étions est évidemment un foyer de fièvre. Ce n’est pas le pays qu’on nous représentait comme parfaitement sain, et on considère ici qu’il est providentiel que nous l’ayons quitté à temps. Je ne parle pas pour nous, mais


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