Page 346

27f 90-2

au Cap et dans les environs. J’assistais à Wellington à ce que l’on appelle le « Keswick de l’Afrique du Sud » ; et je passais dans la famille de M. Andrew Murray et dans celle de son beau-frère de Stellenbosh de ces jours qu’on n’oublie jamais. C’est lui, le Rév. Neethling, le patriarche de Stellenbosh, qui avait lancé parmi ses collègues les pasteurs de l’église hollandaise, une souscription d’une livre sterling (a5 fr.) chaque, pour me procurer une voiture. On y répondit si cordialement, qu’il avait pu m’envoyer la somme de n 5 livres sterling pour cet objet. Un souvenir et un contraste I II y a quarante ans, je débarquais au Gap. Le synode de l’église hollandaise de l’Afrique du Sud y siégeait. Que de préjugés alors contre les noirs, contre la mission et les missionnaires ! Et cependant déjà, alors, on voyait poindre les premières lueurs de l’aube d’un jour nouveau. Dans ce synode, il se trouvait un petit groupe d’hommes qui avaient le feu sacré, et qui poussaient l’église dans la voie de la mission. M. Andrew Murray en était un. Des églises on avait obtenu de l’argent, mais pas d’hommes. Le D' Robertson, pasteur de Swellendam, fut envoyé en Ecosse. A ses puissants appels, un jeune Écossais, M. Mac Kidd, mort peu de temps après, un jeune Suisse, M. Gonin, qui faisait ses études a Edimbourg, s offrirent et furent acceptés. Un jeune boer converti, M. HofFmeyr, un vrai Boanergès lui aussi, se joignit à eux. Une première mission fut fondée au nord du ïrans- vaal. Plus tard une seconde fut plantée chez ces mêmes ba-Nyaï que nous avions fait connaître. Enfin une troisième côte à côte et dans la plus grande harmonie avec celle de l’Église Libre d’Écosse au lac Nyassa. La famille Murray, qui est dans l’Afrique méridionale ce qu’est celle des Monod en France, a déjà donné cinq ou six de ses membres à ces différentes missions. Sur ma route, j ’avais rencontré le fils de M. Neethling, arrêté lui aussi par la peste bovine, et qui allait occuper une station au Transvaal. Sa soeur l’accompagnait. Quelque temps après nous parvint la nouvelle que notre jeune ami Willie Neethling était mort victime d’un accident. Pendant un furieux ouragan, le pignon de l’église était tombé sur lui. Il ne vécut que quelques heures. Nous nous étonnons, nous, de voir de ces jeunes carrières brisées à leur début. Pas lui. « Q ! Dieu est bon !... bien bon !... disait-il de sa voix affaiblie. Il ne se trompe jamais, luiI 11 est si bon!... oh! si bon!... » Et il s’endormit en Jésus... Et sa mère m’écrivait: « Quand je reçus cette nouvelle, c’était le samedi; le lendemain était le premier anniversaire de sa consécration. J’allai à l’église, non plus pour cette cérémonie-Ià, mais pour célébrer son couronnement ; car son Seigneur, je le sais, l’a couronné d’une joie éternelle. » Le spectacle de cette jeunesse si ardente, de cette vie si entièrement consacrée et si joyeuse, de cette carrière si pleine d’avenir, soudainement et mystérieusement close à son début, puis de cette mère dont la sérénité de la foi illumine les larmes, qui se sent honorée d’avoir pu donner un fils bien- aimé à son Sauveur, aux païens, au martyre, et qui tressaille de joie en le voyant « monter plus haut » au service de son maître — ce spectacle nous attendrit, nous humilie et nous stimule. Loin de nous la suggestion perfide d’un Judas: c A quoi bon cette perte? » Rien n’est perdu qui est offert à Dieu et que Dieu accepte. Non, pas même le parfum de cette vie si courte, mais si joyeuse et si belle. Pour nous, c’est un signe du dégel des préjugés d’autrefois ; nous entrevoyons des temps bénis pour l’église hollandaise sud-africaine et soeur de la nôtre, et l’aube d’un nouveau jour pour l’Afrique païenne. A cette époque de l’année, tous les paquebots qui font le service du Cap à Londres étaient pleins et les places retenues des mois à l’avance. M. et M“" L. Jalla, plutôt que d’attendre indéfiniment dans une ville étrangère, s’étaient décidés avec leurs billets de a* classe à se loger en 3'. Quant à moi, on s’empressa de m’assurer une place à bord du Warwick-Caslle, un vapeur irrégulier qui amenait des troupes. Mais quand mon ami M. Cart- wright découvrit que je devais occuper une cabine de a' classe avec cinq autres passagers, il fit tout ce qu’il put pour me dissuader de m’embarquer sur ce vieux navire, d’attendre plutôt une semaine de plus et partir sur le Drummond-Castle, un des splendides bâtiments de cette ligne. Malgré mes protestations, un jour qu’il passait devant le bureau, il entra et demanda qu’on transférât ma place sur le Drummond. <i Bien fâché, mais toutes les places sont prises, il n’en reste pas une seule. Mais, ajoutait le chef du bureau, nous ferons tout notre possible pour rendre l’installation de M. Coil- lard confortable. » Et, en effet, j ’eus une cabine à moi tout seul; il y avait peu de passagers, et parmi-eux un bon nombre de chrétiens africandres avec lesquels nous avions un culte journalier et de bons entretiens; le temps était superbe, la mer calme et le voyage fut heureux et agréable à souhaits. Nous n’étions débarqués que depuis peu de jours, quand arriva l’atterrante nouvelle du naufrage du Drummond. Il avait sombré en quelques minutes au milieu de la nuit, parmi les récifs d’Ouessant, avec tous ses passagers et tout son équipage ! Trois vies seulement de sauvées!... Les voies de Dieu sont mystérieuses, insondables. Nous ne pouvons pas plus les comprendre que l’enfant le système d’éducation de son père qui le discipline et le corrige même sévèrement à l’occasion sans cesser de l’aimèr, au contraire, parce quiil l’aime. Le coeur se serre et la sympathie peut à peine trouver son expression devant une telle catastrophe et à la pensée de


27f 90-2
To see the actual publication please follow the link above