terelles qui avaient élu domicile dans la contrée et disputaient aux habitants les maigres récoltes qui avaient résisté à une grande sécheresse. Mais un fléau bien plus général que la petite vérole, et bien plus terrible que les sauterelles faisait soudainement son apparition et marchait sur nos pas. C’était la peste bovine. Oui n’a pas vécu en Afrique ne peut se faire aucune idée- de cette terrible calamité. Elle fauchait toute la race bucolique sur son passage. Des oentaines de carcasses gisaient çà et là sur le bord du chemin, ou amoncelées dans les champs. Les indigènes s’en étaient d’abord gorgés. Des légions de vautours et les animaux carnassiers avaient beau s’en repaître, ces charognes étaient là se putréfiant partout. Plus de goo fourgons chargés de marchandises, sans attelages et sans conducteurs, étaient abandonnés sur le bord de la route de Boulouwayo. En quelques semaines, disons quelques mois, dans la seule tribu du chef Khama, plus de 800,000 têtes de bétail, m’assure-t-on — d’autres disent goo,000 ! -^auraient péri. Jamais, de mémoire d’homme, on n’avait vu chose pareille. Le gouvernement s’en émut dès le commencement. Mais malgré tous les cordons sanitaires, malgré les mesures préventives les plus sévères, le fléau poursuivit son chemin sans s’arrêter et s’acharna à compléter son oeuvre de destruction. Après avoir balayé les pays du Zambèze, ceux des ma-Tébélé et des bé- Tchouana, le Transvaal et l’État libre de l’Orange, il a pénétré au Lessouto et dans la colonie du Cap, et continue à répandre parmi les populations cons- tèrnées la désolation et la ruine ! Guerres, sécheresse, famines, épidémies, sauterelles, épizootie !... Pourquoi tant de calamités successives?... Pourquoi?... Ah! sans scruter les desseins de Dieu, ne serait-ce pas que, par ces avertissements si solennels, le Tout- Puissant se rappelle à une génération qui l’oublie?... s Approchons-nous donc de Lui; nettoyons nos mains, purifions nos coeurs, humilions-nous! » Il aura pitié de nous ou du sein des ténèbres il fera jaillir la lumière, et du mal il fera sortir du bien. Même au point de vue purement économique, le sombre nuage aura sa bordure d’argent. Les races noires, la grande majorité des fermiers, tous ceux dont les bêtes à cornes constituaient la principale richesse, sont ruinés. Ne: peut-on pas raisonnablement penser que le travail honnête et honoré, l’agriculture et l’industrie prendront un nouvel essor, et ouvriront ainsi au sud de l’Afrique de nouvelles mines de richesses? Les voies ferrées s’imposeront comme une nécessité. Déjà celle qui part de la ville du Cap s avance rapidement vers l’intérieur. Elle est à Palapchoué, et à la fin de 1 année elle aura atteint Boulouwayo, tandis que celle de Beira arrivera jusqu’à Salisbury. Et plus tard ?... Quant à nous, M. et M1“ Louis Jalla et moi, nous n’avons qu’à bénir Dieu et à adorer ses voies. Quinze jours de plus de délai en voyage, et nous nous trouvions, avant même d’atteindre Boulouwayo, en pleine peste bovine et en pleine guerre — arrêtés n’importe où, dans l’impossibilité d’avancer, (J- à la merci de ces. farouches ma-Tébélé pour qui le brigandage et le massacre sont des parties de plaisir. « La bonne main de Dieu était sur nous. » Partout sur notre passage nous avons trouvé des amis qui nous ont comblés de bontés. C’était le noble chef Khama, dont l’amitié de vingt années m’a toujours été si précieuse ; c’étaient le Rév. et Mnl” Willoughby, le Rév. et M”’ Williams, puis aussi le magistrat de Gabérone, M. Surmon, une ancienne connaissance du Lessouto qui, dans ces temps de détresse et pour lui de dures corvées, s’empressa de mettre pendant plusieurs jours sa voiture et son attelage de mules à mon service pour me conduire à Mafékeng, alors le terminus de la voie ferrée. Mes jeunes Zambéziens ouvrirent de grands yeux quand nous montâmes en wagon, m vrai wagon de chemin de fer, cette fois. Et quand le train s ébranla, ils étaient tout ébahis. & Mais,... mon père, on n’a cependant pas encore attelé les boeufs !... » C’était de nuit, et le trajet jusqu’à Kimberley dura jusqu’au matin ; mais ils ne fermèrent pas l’oeil. A Kimberley, le chef-lieu des champs de diamants, je fus bientôt installé à l’hôpital aux mêmes termes qu’à Boulouwayo, sous les soins du D' Mackenzie. 11 est le fils du vénéré missionnaire de ce nom, que j ’ai connu d y a longtemps. Une opération sérieuse m’a remis sur pieds. Faite avec une grande habileté, elle a étonné l’un de nos plus célèbres spécialistes. Aussi ai-je contracte envers le Dr Mackenzie une dette de profonde reconnaissance. Parmi mes souvenirs d’hôpital, il en est un que je ne puis taire. Un jour, la garde-malade m’app'ortait une pomme de terre sur une assiette et une rose à la main; oui une rose! l’unique qu’elle eût dans son parterre; une pomme de terre! tout ce qu’il y a de plus vulgaire; deux choses que je n’avais pas vues depuis douze ans. Qu’elle était bonne, cette pomme de terre ! Et surtout qu’elle était belle, cette rose, et qu’il était doux, son parfum ! Il faut avoir été enfermé soi-même pendant des semaines entre les quatre murs blanchis d’une chambre d’hôpital pour le comprendre. ; Et quand je voyais tous les jours arriver un bouquet de fleurs fraîches d’une dame que je connaissais peu, son message d’affection m’allait droit au coeur. Je comprends la « Mission des fleurs » pour les hôpitaux. C’est une manière délicate d’évangéliser les malades en leur procurant cette douce jouissance. Dieu bénisse la Mission des fleurs !... Trop faible pour supporter les fatigues d’une visite au Lessouto, je dus à mon grand regret y renoncer. Trente-sept heures de chemin de fer et j ’étais
27f 90-2
To see the actual publication please follow the link above