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bouches, six éditions nouvelles avant de lui parvenir. Kàkengé n’était pas d’humeur à écouter mes explications, qu’il traitait de mensonges. Il m’interrompit brusquement et se lança lui-même dans un discours passionné que personne ne pouvait m’interpréter. « Que dit-il? demandai-je à Liomba. » — « Oh ! il est très en colère, il nous insulte et nous menace. » Sa figure et ses gestes, aussi bien que l’attitude fort peu rassurante de ses gens, le disaient assez, et je m’en rendais parfaitement compte. Il nous tint là plus d’une heure à rôtir au soleil, et, quand il eut épuisé son effervescence, il se leva subitement et disparut précipitamment dans la cour de son harem. Ainsi se termina cette entrevue sur laquelle j’avais tant compté. Mes gens qui, pour la plupart, comprennent la langue, étaient terrifiés. Tous mornes et silencieux, chacun était tout entier à ses pensées. Des rumeurs sinistres couraient aussi de bouche en bouche. Deux d’entre eux avaient contracté avec des ba-Loubalé l’alliance du sang1, et ces nouveaux frères, fidèles à des obligations inviolables, leur avaient confié que Kakengé, par pure haine pour les ba-Rotsi, avait juré notre perte, et que si nous échappions de ses mains, il avait donné des ordres en amont pour nous arrêter et nous massacrer. Il se trouve par là un certain chef du nom de Kalipa que Léwanika a destitué en faveur du Kakengé actuel, qui s’était chargé de l’affaire. Liomba était le seul qui eût gardé son calme. Taouira, lui, essayait de consoler ses amis d’infortune en leur répétant platoniquement qu’ « après tout on ne meurt qu’une fois ». D’autres, je l’appris plus tard, avaient clandestinement chargé leurs canots et se proposaient de se sauver de nuit. J’en avais bien surpris qui charqeaient leurs fusils. Aussi, en voyant les jeunes gens du vdlage — les hommes ne se montraient pas, eux — aller et venir dans notre campement, s’asseoir sur nos nattes, toucher à tout, se comporter avec impudence, ma crainte, à moi, c’était que nos jeunes gens ne cédassent à ces provocations et ne missent ainsi le feu aux poudres. Notre réunion du soir fut ce qu’elle pouvait être dans ces circonstances. Personne n’y manquait. J’exhortai mes pauvres gens à mettre leur confiance en Dieu. Je leur racontai nos aventures avec Masonda chez les ba-Nyaï, et leur montrai 'la délivrance merveilleuse que le Seigneur nous avait accordée. « Eh bien, mes amis, leur dis-je, remarquez mes paroles, il en sera de même ici. Dieu dit dans sa Parole que les coeurs des rois sont dans sa main, et que, comme des ruisseaux d’eau, il les incline comme il lui plaît. J’ai toujours fait l’expérience que c’est vrai, même en venant dans votre propre pays, où nous avons trouvé plus de difficultés que vous ne vous l’imaginez. Le coeur de Kakengé est ,. Les parties coatractantes avaient mêlé à un peu de nourriture, et eu présence de témoins, quelques gouttes de sang extraites l'une de l'autre. dans la main de Dieu, comme celui de Léwanika, comme celui de Masonda. Demain, vous le verrez, Kakengé, non seulement nous enverra de la nourriture, mais il nous donnera aussi des paroles de paix, et pas un de nos cheveux ne tombera par terre. » Mes paroles peuvent paraître audacieuses et téméraires ; c’étaient des paroles convaincues. Ces hommes les écoutaient avec étonnement. Après cela, personne ne songea à se sauver. On ne dormit pas, cela va sans dire, tous criaient à Dieu, et les païens plus que les autres. Pour moi, j ’étais calme et confiant, parce que je sentais que la gloire de mon Dieu était en jeu. Le matin parut; nous n’avions pas été attaqués, mais où était la délivrance promise? J’envoyai dire à Kakengé que j ’allais le voir moi tout seul. « Attends, me répondit-il, je ne peux pas causer avec quelqu’un qui a faim. » Était-ce la première lueur de l’exaucement? Pas pour mes gens, en tout cas, au contraire. Toute la matinée se passa ainsi dans l’attente. Rien! L'après-midi s’avançait, rien! Enfin, vers les 3 heures, une procession que je vis sortir du village s’avança lentement vers le campement. C’était la nourriture promise de Kakengé ! Des corbeilles de manioc, du millet, des patates, des poules, et que sais-je ? Tout le monde se réunit. « Morouti, dit un vieux, voici les ligoumbou de Kakengé. Maintenant, fais-lui un présent digne de toi et digne de lui... Tu lui as donné l’autre jour de l’étoffe, elle était ensanglantée (à fond rouge), et il l’a passée à ses esclaves; tu as ajouté de la blanche, il l’a offerte aux dieux ; de la verroterie aussi, et il l’a distribuée à ses femmes. Lui n’a encore rien de toi; tu as de belles choses, donne ! » Ce furent des transactions délicates que celles-là, et qui prirent du temps. Je n’étais pas très traitable, moi, et pour cause; je ne m’étais pas pourvu pour pareille éventualité. Enfin je mis la main sur une pièce d’étoffe qui prit les yeux de mes ba-Loubalé et, pour ne pas embrouiller de nouveau les affaires : « Allons dis-je à mes gens, je la porte moi-même à Kakengé; venez le remercier pour sa nourriture. » Déjoués, les messagers du chef, me voyant déterminé, se mirent à la tête de la file. En nous voyant déboucher au lékhothla sans plus de cérémonie, Kakengé se sauva dans sa cour. Je lui envoyai l’étoffe et dis à mes gens : « La salutation royale, maintenant ! » Ils se mirent instantanément en position, et leurs puissants Yo shâ ! et leurs battements de mains produisirent un tel effet que, pendant que le messager envoyé pour me remercier de l’étoffe parlait encoré, Kakengé lui-même, au mépris de sa dignité, accourait, prenait son escabeau et venait se planter devant moi. Sa figure rayonnait : « Maintenant, dit-il, je crois à vos bonnes intentions, oubliez ma mauvaise humeur des jours passés. J’avais envoyé des ordres en amont pour qu’on vous arrêtât; je. vais les conlremander et vous annoncer à Nyakatoro. Ce sont mes gens qui vous con


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