prévenir de notre arrivée, et expédier par lui une lettre pour les frères ply- mouthistes qui sont chez sa mère Nyakatoro, avec un message pour elle. Le frère même du chef se chargea de cette importante mission, et promit de faire en trois jours le trajet qui devait nous en prendre au moins huit. Nos mesures ainsi prises, nous allâmes passer notre deuxième dimanche à Sapouma. Sapouma 1 Faut-il lui donner le nom de rapides ou de chute? Là, comme à Séoma, et sur une formidable échelle à Mousi-oa-Thounya, un soulèvement a barré le lit du fleuve d’une forte digue de roches ignées. Mais au milieu, sur une largeur d’environ quinze mètres, la force concentrée du fleuve a miné et renversé la digue, et c’est par cette brèche qu’il se précipite en un torrent furieux. A vingt-quatre kilomètres en amont, se trouve la répétition de Sapouma, mais moins en grand : un autre barrage de roches que le fleuve a aussi ébréché à deux ou trois endroits ; c’est Yorosé. Entre ces deux barrages, c’est un rapide non interrompu où la navigation est des plus difficiles et des plus dangereuses. La muraille de rochers seu e donne à Sapouma un cachet de grandeur, mais le coteau, la navigation, le cadre enfin, est insignifiant. Nous passâmes à Sapouma un dimanche béni, un de ces jours qui comptent dans la vie et qui compteront aussi dans l’éternité; nos réunions furent de celles dont on s’en va à regret : « Il fait bon être ici! » Jésus était là parmi nous, nous l’avons senti, et nous avons vu un rayon de sa gloire. Vers le soir, des bandes de ba-Loubalé, qui avaient entendu parler de nous, débouchaient de divers côtés de la forêt et nous fournirent ainsi l’occasion de leur prêcher Jésus. . Nous avions la disette. Les gens promirent de nous apporter le lendemain de bonne heure des vivres à vendre. Nous les attendîmes jusqu’à midi en transportant nos canots au-dessus de Sapouma. Ils vinrent enfin, mais avec quelques poignées seulement de céréales que nous achetâmes au prix de famine. . x , . Nous espérions mieux chez le chef Sényama, où nous arrivâmes a H h. et demie; et pour leur donner simplement le temps de préparer leur marché, nous cédâmes à leurs instances et campâmes pour la nuit. Je profitai de cet arrêt pour faire avec Liomba et mes garçons une petite excursion. Le çhei vit sur les bords du Kabako, un des affluents de la rive droite du Zambèze. A en iuqer par son confluent large et profond comme celui du Kabombo, on pourrait croire que c’est une grande rivière. Désirant voir une cataracte qu on nous disait à proximité, nous nous mîmes en canot. Curieuse excursion qui ne manqua certainement pas du charme de la nouveauté. Nous n avions pas fait deux kilomètres que le lit de la rivière s’était considérablement rétréci. Bientôt, ce n’était plus qu’un dédale de lagunes, de bourbiers et de filets d’eau à travers des fourrés inextricables de mangliers. La pagaie est devenue inutile. Nous n’avançons qu’en nous cramponnant aux branches et aux racines qui barrent le passage, nous repliant et nous couchant à l’occasion dans le canot pour sauver nos têtes ; heureux encore quand nous ne manquons pas le principal canal. Un peu plus haut, le lit se creuse, la rivière se dégage des fourrés ; mais la trouvant bientôt obstruée, nous amarrons de nouveau le bateau et faisons à pied le reste du trajet. Les villages sont nombreux, et nous nous perdons dans des champs de manioc. Les hommes et les femmes qui nous aperçoivent prennent la fuite ; mais, bientôt rassurés, notre escorte fait boule de neige, et quand nous arrivons à la cataracte, nous avons bien une centaine de personnes après nous. Malheureusement le soleil est à l’horizon, et il faut se hâter. Le ruisseau qui vient de l’ouest coule sur un ht de rochers qui s’incline subitement. Le torrent bouillonne alors, bondit en gémissant sur les rochers qui obstruent sa route, puis, au bord d’une gigantesque muraille en fer à cheval, il se précipite en une jolie cascade de trente pieds dans un bassin vaste et profond où il retrouve son calme. Le pays est légèrement accidenté. Des collines boisées qui s’ouvrent dans le lointain semblent ouvrir des perspectives dans l’infini. Inutile d’ajouter que nous rentrâmes à la nuit. Le lendemain, tout ce que je pus acheter fut un demi-sac de sorgho, et cela me prit tout mon temps jusqu’à midi. Je ne dis pas ce qu’il m’a coûté de perles, de calicot, et surtout de patience. Il nous faut donc pousser forcément jusqu’au Loumbala, un autre affluent de la rive droite. On nous avait dit que c’était un centre populeux, et c’ était vrai. Nous y arrivions le 29 mai. J’envoyai dans les villages les plus rapprochés. Les gens y étaient ivres ou en train de boire; donc point de marché, et nos pauvres hommes sont encore forcément rationnés. C’est chose bien surprenante, car depuis que nous avons quitté Sapouma, nous sommes escortés par des troupes d’hommes et de femmes qui affluent pour voir le morouti. Nous nous arrêtons de temps en temps pour leur faire connaître la bonne nouvelle que nous sommes venus publier. Ils nous écoutent les yeux fixes, le cou tendu, la bouche béante. Nous comprennent-ils? Je ne sais. Mais quant à nous apporter de la nourriture, nul n’y pense. Ici, c’était un chef qui préparait ses liyoumbou, c’est-à-dire la nourriture de l’hospitalité; une cheffesse attardée qui nous faisait attendre près d’une heure, nous promettant abondance ! Ils nous arrivaient, eux et d’autres, les mains vides ; il n’était plus même question de nourriture. Ce n’était qu’un leurre, une méchante ruse, parce qu’ils nous savaient affamés. Ils voulaient voir cette grande curiosité du jour, ce phénomène vivant, le morouti doublé d’un blanc, deux personnages en un, une monstruosité enfin qu’ils n’avaient jamais encore vue! Faut-il les
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