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canots devaient se frayer un passage, fut laborieux. Nous passâmes plusieurs petits villages qui ont chacun son histoire, car c’est ici le berceau de la nation. Nous nous arrêtâmes aux Mafoulo, c’est-à-dire à la loge qu’on prépare pour le roi. Il s’y trouvait beaucoup d’hommes qui sont venus travailler. J’y rencontre de mes amis », un homme, entre autres, de la maison du roi, qu’une affreuse maladie a relégué pour quelque temps chez lui. C’est un homme de confiance et intelligent. Il fallait donc, pour leur faire plaisir, inspecter les travaux, s’asseoir un peu et causer. Comme ce brave serviteur du roi — un sékomboa — a la charge du tribut des districts que je "veux visiter, il me donne toutes sortes de renseignements, qu’il termine par des regrets et un gros soupir de ce qu’il ne peut pas m’accompagner. A ce moment approche un canot que nous guettions tous depuis quelque temps. A voir ces trois hommes se plier sur leurs rames, chaque muscle tendu, quelqu’un remarque : « Ce sont des messagers du roi, c’est ainsi qu’on rame quand on est envoyé par lui. » Quelle leçon pour nos chrétiens ! En effet, ces hommes couraient après nous pour nous apporter, avec un aimable message, des rames de rechange. Brave Léwanika! Ce n’est pas la seule gracieuseté qu il nous ait faite dans ce voyage. A Lépakaé, où nous arrivons le soir, fatigués, nous trouvons un gros boeuf qu’il avait envoyé l’ordre de nous remettre pour ajouter à nos provisions de route. Nous sommes nécessairement restés un jour pour dépecer l’animal. Nous en avons profité pour faire connaissance avec les gens de ce village. Je devrais dire pour renouveler connaissance avec eux ; car les hommes et même les femmes que les corvées du roi appellent souvent à la capitale, sont familiers avec la prédication de l’Evangile. Nous sommes donc tout à fait en pays de connaissance. Ce grand village de Lépakaé, c’était celui de Léwanika, connu alors sous le nom de Robosi, avant qu’il fût élu à la royauté. On m’a montré, au milieu de monceaux de têtes et de cornes d’animaux de toutes sortes, un arbrisseau chargé de vertèbres: les trophées de ses chasses. Léwanika n’était pas seulement un chasseur passionné, il était aussi un guerrier. C’est lui surtout qui se distingua dans les campagnes contre les ma-Kololo, et dans les massacres épouvantables qui exterminèrent cette malheureuse tribu. L oracle, un oracle quelconque — interprété par les osselets, ordonna qu’on donnât à « ce fils de la nation », maintenant un guerrier de renom, une vache noire et sans cornes. Sépopa, le roi d’alors, y ajouta une quantité de bétail noir aussi et sans cornes. C’est là le Lépakaé d’où le village tire son nom. Nous étions si étonnés de voir ce grand troupeau de boeufs et de vaches sans cornes... En voilà l’explication. Nous trouvâmes là une vieille femme du nom de Mobouka, une petite-fille de Moramboa et arrière-petite-fille de Mboho (vous voyez que 1 arbre généalogique n’est pas vieux), personne intéressante qui était toute fière de me rappeler certaines occasions où elle a entendu l’Evangile à Léalouyi. Il n’en était pas de même de ces jeunes femmes qui, saisies de peur en voyant tout le monde se prosterner et fermer les yeux pour la prière, se sauvaient en disant : « On va mourir ! on meurt !» On me raconte à ce propos qu’à mon arrivée dans le pays, quand je prêchais au lékhothla, Narouboutou, un vieux conseiller du roi, réprimandait les gens : « Pourquoi, disait-il, être si crédules et si confiants? Savez-vous ce qu’ils sont capables de faire, ces gens-là, quand ils nous tiennent ainsi prosternés et les yeux fermés? Faites comme moi, soyez prudents, mettez la main sur les yeux, mais regardez entre les doigts ! et si vous voyez que le blanc parle, lui aussi, agenouillé et les yeux clos, ne vous y fiez pas! fermez un oeil, un oeil seulement, et gardez-vous bien de fermer les deux ! » Le n mai, un samedi, nous quittâmes nos amis de Lépakaé. Après une heure et demie de labeur à travers les jungles, nous débouchâmes enfin sur le fleuve, un vieil ami que nous avions perdu et que nous retrouvions avec plaisir. Quel soulagement pour tous ! Nous quittions définivement les terrains inondés, la plaine si chère aux ba-Rotsi, à 90 kilomètres environ de Léalouyi. Qu’il est beau! qu’il est majestueux, ce Liambaé, dont les gigantesques méandres oscillent entre le nord-ouest et le nord-est ! Il coule dans un lit profond, sans un seul îlot, entre les berges encore dénudées, mais qui tantôt vont se franger de verdure arborescente. Les palmiers se multiplient, ils parsèment la plaine isolément ou en groupes, et donnent au paysage un cachet particulier. Mais hélas ! les sauterelles, dans leur oeuvre de destruction, ne les ont pas respectés ; elles leur ont tellement tondu la chevelure, qu’on dirait, à distance, des têtes de choux fichées au bout de longues perches. Ce n’est pas très poétique, j ’en conviens ; mais c’est ça. La végétation arborescente qui commence aussi à se montrer, et marque pour les ba-Rotsi la limite de leur plaine, est absolument ce qu’elle est par ici, sans aucun caractère tropical. La plaine ne se termine donc pas brusquement comme à Sénanga, en aval, d’où le fleuve coule resserré, encadré plutôt entre des collines boisées. Nous ne tardons pas cependant à apercevoir, à droite et à gauche, des coteaux peu élevés qui courent parallèlement au fleuve, pour se rapprocher aux rapides de Sapouma ; mais rien qui en resserre le lit, dont la largeur ne diminue pas. Nous trouvons bien encore quelques villages ba-rotsi échelonnés sur les rives, mais ce sont les derniers. Nous pénétrons dans le district peuplé par les ma-Mboé. Cette tribu, qui parle un dialecte de la même langue que les ba-Rotsi, est un trait d’union entre ceux-ci et les ba-Lounda et les ba- Loubalé qui vivent plus loin. Leurs villages sont parsemés le long du fleuve, généralement cachés à une petite distance dans les bois. Les ma-Mboé disent


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